Des travailleurs et des jeunes se sont joints aux manifestations organisées samedi dans toute l’Europe, notamment à Londres, Paris, Berlin et Madrid, pour s’opposer aux bombardements israéliens sur la population palestinienne de Gaza.
Les manifestations coïncidaient avec la Nakba palestinienne (Journée de la Catastrophe) – marquant la fondation de l’État d’Israël, par l’expulsion forcée de 760.000 Palestiniens de leurs villages et de leurs maisons en 1948.
La plus grande manifestation a eu lieu à Londres où des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à Hyde Park et ont défilé jusqu’à l’ambassade d’Israël à Kensington. Les manifestants ont scandé des slogans tels qu’«Arrêtez de bombarder Gaza», «Israël est un État terroriste» et «Libre, libre, Palestine». Beaucoup avaient apporté des pancartes faites maison. La police a arrêté 13 personnes au cours de la journée, dont plusieurs devant l’ambassade d’Israël. Une femme déjà arrêtée a été attaquée par au moins six policiers en tenue antiémeute.
Des manifestations ont eu lieu dans au moins 30 villes du Royaume-Uni au cours du week-end.
En Allemagne, plus de 3.000 personnes ont protesté à Berlin, avec des marches dans le quartier sud de Neukoelln, qui comprend une importante communauté turque et arabe. Des manifestations ont également eu lieu à Stuttgart, Francfort, Leipzig, Hambourg et ailleurs.
En France, le ministère de l’Intérieur, qui sous-estime régulièrement le nombre de manifestants, a affirmé que 22.000 personnes avaient manifesté à travers le pays, dont plus de 3.000 à Paris. Le gouvernement Macron a interdit les manifestations avant samedi et a ordonné une violente répression policière lors de la manifestation de Paris. Le chef de la police parisienne, Didier Lallement, a ordonné à plus de 4.200 policiers de descendre dans les rues. Dans le 18e arrondissement du nord de Paris, où vit une importante communauté ouvrière et arabe, des agents antiémeute étaient postés à la plupart des coins de rue, et on a fermé la principale avenue où la marche devrait passer.
La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau tout au long de l’après-midi. À la station de métro La Chapelle la police antiémeute a chargé et une manifestante de 22 ans a dû être hospitalisée après avoir été atteinte dans le dos par une grenade à projectiles de caoutchouc.
Des milliers de personnes ont participé à une manifestation sur la place Puerta del Sol à Madrid, en Espagne. Des centaines de personnes ont manifesté dans des villes des Pays-Bas, notamment devant le Parlement de La Haye.
Les journalistes du WSWS ont parlé avec des manifestants en Grande-Bretagne.
À Manchester, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans le parc de Platt Fields, dans le quartier de Rusholme, qui compte une importante population arabe et du sous-continent indien, et ont défilé dans les artères principales Wilmslow Road et Oxford Road.
Karim, qui avait apporté une pancarte sur laquelle on pouvait lire «Israël est un État terroriste – Libérez la Palestine», a déclaré: «Un siège est en cours à Gaza et cela dure depuis des années. Le monde entier regarde et ne fait rien. Il s’agit de notre devoir humanitaire de sortir et de montrer qu’il n’y a pas de justice. Des gens comme [le président américain] Joe Biden et [le premier ministre israélien Benjamin] Netanyahou sont à l’origine de tout cela».
«Il s’agit d’une sorte de nettoyage ethnique qui a commencé en 1947. Petit à petit, ils veulent tuer, assassiner ou déplacer physiquement les gens du territoire. Ils ont procédé à une provocation délibérée à la mosquée al-Aqsa, une provocation délibérée pour accaparer du territoire».
«Tout le monde aurait pu vivre ensemble en paix. La position fasciste d’Israël aujourd’hui, soutenue par l’Amérique, est très malheureuse».
Karim a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec les calomnies selon lesquelles s’opposer aux crimes de guerre d’Israël était de l’antisémitisme. «Ils [Israël] veulent que ce soit comme ça parce qu’ils ne veulent pas de critiques sur toutes les horreurs qu’ils font. Ils ont dit la même chose à propos de l’Afrique du Sud [ne pas critiquer l’apartheid]».
Khalid, qui travaille dans l’industrie aéronautique, tenait une pancarte sur laquelle on pouvait lire «Levez le siège de la Palestine – Arrêtez de bombarder la Palestine». Il a déclaré: «Israël devrait pourtant le savoir. Ils savent ce que cela fait d’être exterminé. Ils n’avaient pas de patrie et sont venus en Palestine en tant qu’invités et maintenant ils ont pris les maisons des Palestiniens et essaient de les jeter dehors. Les Palestiniens n’ont pas d’eau, ils n’ont pas de nourriture. Il y a des gens comme [le premier ministre britannique] Boris Johnson et des présidents qui sont de connivence avec Israël et lui donnent de l’argent pour détruire des vies humaines».
Mizak, d’Iran, a déclaré: «les droits de l’homme n’existent pas quand il s’agit des Palestiniens. Les gens devraient avoir la liberté de vivre leur vie dans leur maison. Mais dès que l’on parle de liberté, ils disent que l’on s’oppose aux Juifs. Ce n’est pas juste, parce que si cela arrivait aux Juifs, je serais avec eux aussi, même si c’était contre mon propre peuple. Nous voyons littéralement les vidéos d’Israël qui bombardent Gaza et nous pleurons. Ils ne peuvent pas se protéger ou se défendre».
«Je disais hier à mon ami que si les juifs continuaient à soutenir les droits des Palestiniens, ils les tueraient aussi parce qu’ils ne se soucient pas de savoir si ce sont des Juifs ou des musulmans».
Les étudiants Faryal et Annabella ont assisté à la manifestation avec un ami.
Faryal a déclaré: «J’ai toujours soutenu la Palestine. Elle est opprimée depuis tant d’années et l’Occident ne la regarde même pas. Ils savent qu’ils ne peuvent pas condamner cela parce qu’ils ont fait des choses semblables. Ils donnent à Israël un soutien militaire, de l’aide, de l’argent».
Annabella a déclaré: «Ce n’est pas acceptable que des gens meurent n’importe où. Ce n’est pas le seul endroit où cela se produit, mais si cela se produit pendant des années, comme à Gaza, c’est plus facile de laisser passer. Peu importe l’origine ethnique ou la religion, nous sommes des êtres humains et tuer n’est jamais acceptable. Et toute forme de gouvernement militariste ne sera jamais acceptable».
À Sheffield, des centaines de personnes ont participé à une manifestation à la mairie de la ville.
Shekha, étudiante en journalisme à l’université de Sheffield, a déclaré: «Cela fait un moment que je suis ce qui se passe en Palestine. Ce qu’Israël leur fait subir me met vraiment en colère. C’est un nettoyage ethnique».
«Si on critique Israël, on se fait traiter d’antisémite. Ce n’est clairement pas de l’antisémitisme que de critiquer ce qu’ils font aux Palestiniens. Cela n’a rien à voir avec leur religion, ce sont les actions qu’ils commettent. Des millions de Juifs dans le monde s’opposent à ce que fait l’État israélien».
«La couverture médiatique est affreuse, elle est tellement biaisée. C’est essentiellement un porte-parole d’Israël. Traiter de terroristes des gens qui défendent leur maison, c’est ridicule».
Shekha a ajouté: «Je pense que le socialisme est définitivement la voie à suivre. Le capitalisme est tellement enraciné. On va devoir faire beaucoup de choses pour le changer. Les gens doivent prendre conscience de ce qu’est réellement le capitalisme. Je pense que la révolution est vraiment le seul moyen de sortir du capitalisme, je ne vois pas d’autre moyen».
La famille de Dekhra est originaire du Yémen. Elle a déclaré: «Nous sommes ici pour montrer notre soutien à nos frères et sœurs en Palestine et montrer qu’ils ne sont pas seuls. Ce qui leur arrive ne doit pas durer plus longtemps: 73 ans, ça suffit».
«Ce sont des enfants palestiniens aujourd’hui, mais un jour ce pourrait être mes enfants et je suis totalement contre. Tout être humain décent devrait se lever et dire “non” à ce qui se passe en Palestine».
«Les gens sont divisés à cause du nationalisme, mais nous sommes ici pour dire que nous sommes contre la guerre, contre les crimes qui sont commis contre des innocents. Les gens devraient avoir le droit de vivre ensemble en paix».
Harris, originaire de Grèce, a déclaré: «La clé de tout cela est l’occupation. La liberté des Palestiniens n’est pas respectée. La BBC ne fait que de la propagande, elle présente une image déformée. Elle parle de terrorisme, mais les parties adverses ne sont pas égales. Les Palestiniens ne sont pas libres, ils sont sous occupation».
«Nous savons tous qui dirige le monde, l’Amérique. Les Palestiniens ont été abandonnés par les pays arabes qui prétendaient parler en leur nom, ils font tous des accords avec Israël».
À Leeds, des manifestations ont eu lieu devant les bureaux de la BBC et dans le quartier commerçant de Briggate.
Devant la BBC, Lewis, un travailleur du centre-ville, a déclaré: «Je pense que les actions du gouvernement israélien contre le peuple de Palestine sont dégoûtantes. Le soutien que lui apportent les gouvernements américain et britannique est méprisable. Je ne pense pas qu’en tant que pays occidental libre, nous devrions encourager ce genre de colonialisme, d’accaparement de terres et de meurtre de civils innocents. Je ne peux tout simplement pas supporter l’appui que donne mon gouvernement à ce nationalisme militarisé en Palestine».
«Nous devons faire attention à ne pas condamner le peuple d’Israël. Nous condamnons le gouvernement israélien. En fin de compte, cette guerre n’a rien à voir avec la religion. C’est une guerre qui concerne les colons et les victimes des colonies».
Le fonctionnaire Imran a déclaré: «Ces expulsions sont des vols, qu’ils [le gouvernement israélien] disent être légaux. Ils les appellent les colons, mais ils ne le sont pas. Si des gens de l’étranger venaient chez vous et vous expulsaient de votre maison, comment appelleriez-vous cela?»
«Nous sommes venus manifester devant la BBC parce que nous voulons que nos médias rapportent les nouvelles de manière égale et ne soient pas partiaux. Pour utiliser la terminologie correcte, c’est un génocide. Ils doivent utiliser les mots persécution, vol et génocide parce que c’est ce qui se passe».
«La BBC est un service pour lequel nous payons. Elle rapporte les nouvelles telles qu’elles sont, et non le parti pris constant en faveur d’Israël. Ils disent combien de roquettes sont tombées sur Tel-Aviv, etc., mais ne rapportent pas l’autre côté. Ils disent que tant de personnes ont été tuées, mais ne disent pas qu’il s’agit de Palestiniens… Nous sommes venus défendre les personnes du monde entier qui ne peuvent pas se défendre elles-mêmes».
À Glasgow, des centaines de personnes ont manifesté sur la place principale de la ville, George Square. Daniel, travailleur informatique, a déclaré: «Chaque jour, des enfants innocents sont bombardés». Sur le sentiment de la population, il a déclaré: «Jeudi, nous avons vu de la bonté de cœur avec des gens qui ont arrêté une déportation [d’un demandeur d’asile] à Glasgow. On a eu une manifestation à Édimbourg hier, à Glasgow aujourd’hui, nous devons juste continuer à le faire».
Danielle, qui étudie pour son master, a déclaré: «Je suis originaire du Liban. Hier, c’était l’anniversaire de la Nakba et pendant 73 ans, le peuple palestinien a été opprimé, réduit au silence, assassiné, peu importe qu’il s’agisse d’enfants, de femmes et d’hommes».
«Quand des choses comme ça arrivent, il y a des manifestations comme ça, mais après, au bout d’un moment, ça se calme. Mais j’ai l’impression que le problème est maintenant beaucoup plus sérieux et qu’Israël ne s’arrête pas, évidemment, et devient de plus en plus violent, alors peut-être que cette fois ce sera différent».
Cathal, un enseignant, a déclaré: «On dirait bien qu’Israël est l’agresseur dans cette situation. Les États-Unis ont soutenu Israël, ce sont des alliés assez proches. Le Royaume-Uni a vendu des armes à Israël. C’est fort possible que ces armes soient utilisées en ce moment même contre le peuple palestinien».
Shaz a déclaré: «Les grands médias ne donnent pas une vision équilibrée de ce qui se passe. Vous en avez une meilleure idée grâce aux personnes qui sont sur le terrain, qui postent sur Instagram et Facebook, vous pouvez voir ce qui se passe en temps réel. C’est assez déchirant… C’est la raison pour laquelle nous sommes ici… pour exprimer nos préoccupations et notre colère face à ce qui se passe en ce moment. Le monde doit se rassembler».
(Article paru en anglais le 17 mai 2021)