Perspective

L’abandon des mesures sanitaires prépare une résurgence du COVID-19 aux États-Unis

Le 13 mai, les CDC (Centres de contrôle et prévention des maladies) sont revenus sur leurs directives relatives au port de masques, exhortant les personnes vaccinées à ne plus en porter et ne plus se distancier socialement dans les lieux bondés.

Le «World Socialist Web Site», en accord avec les déclarations d'épidémiologistes de premier plan, a averti que ces directives inciteraient les entreprises, les États et les municipalités à supprimer toutes les exigences en matière de port de masque et de distanciation sociale pour les personnes vaccinées comme pour celles qui ne le sont pas.

Ces avertissements ont été confirmés. Presque tous les grands détaillants des États-Unis, dont Walmart, Trader Joe’s, Whole Foods et Walgreens, ont abandonné les exigences de port de masque à l’échelle nationale dans les jours qui ont suivi la décision des CDC, sans aucun mécanisme permettant de vérifier si les personnes entrant dans leurs locaux étaient vaccinées ou non.

Des membres de la Garde nationale aident à s’occuper des morts liés au COVID-19 et les plaçant dans un entrepôt temporaire au bureau du médecin légiste du comté de LA, à Los Angeles, le 12 janvier 2021. (Département du médecin légiste-coroner, comté de LA, via AP)

Les épidémiologistes et les experts en sécurité au travail ont condamné avec véhémence l’action du CDC. «C’est un tel gâchis! Beaucoup d’entre nous sont vraiment bouleversés. C’est incroyablement frustrant!» Le Dr Eric Feigl-Ding, Senior Fellow à la Fédération des scientifiques américains, a déclaré au «World Socialist Web Site» la semaine dernière. «Inévitablement, maintenant, de plus en plus d’États et d’entreprises disent que vous n’avez pas besoin de porter vos masques si vous êtes pleinement vaccinés».

Depuis le début de la pandémie, les lieux de travail ont été une source centrale de transmission et d’éclosions importantes du virus. La suppression de toute restriction, dans des conditions où près des deux tiers de la population ne sont pas entièrement vaccinés, entraînera une augmentation des cas et des décès.

Plus de 500 personnes continuent de mourir chaque jour du Covid-19 aux États-Unis. Cela se traduit par un taux de mortalité de 15.000 par mois, ou 182.500 par an.

Le fait que des centaines de personnes meurent chaque jour d’une maladie qui pourrait être stoppée par des mesures sanitaires agressives est traité comme un non-événement par les médias. Lorsque le nombre officiel de décès a franchi la barre des 600.000 aux États-Unis, les médias ont tout simplement ignoré cette étape, tout comme ils ont minimisé le rapport publié la semaine dernière par l’IHME (Institut de métrologie sanitaire et d’évaluation), selon lequel le nombre réel de décès dans le pays est en fait plus proche du million.

En outre, à l’échelle mondiale, les nouveaux cas restent à un niveau record ou presque. Les épidémiologistes mettent en garde contre les dangers que représentent les nouveaux variants du COVID-19 apparaissant à mesure que la pandémie se répand dans le monde.

Chaque jour, 600.000 personnes sont testées positives pour la maladie, un chiffre qui sous-estime largement sa propagation. Le nombre de décès quotidiens s’élève à plus de 12.000. En Inde, le nombre total de décès a dépassé les 300.000. Alors que le pays enregistre plus de 4.000 décès par jour, le chiffre réel pourrait, compte tenu de l’ampleur du sous-comptage, être de plusieurs dizaines de milliers. Au Brésil, le nombre officiel de morts approche le demi-million et, avec 65.000 nouveaux cas par jour, on est à deux doigts des records établis en mars.

Dimanche, l’Allemagne a interdit les voyages en provenance du Royaume-Uni car un nouveau variant du COVID-19, appelé B16172 ou variant «indien», s’y propage rapidement.

Le Dr Eric Feigl-Ding a mis en garde contre les dangers importants posés par le nouveau variant. «Prêtez attention à la crise croissante du #B16172 au Royaume-Uni – c’est crucial car le variant indien nous affecte tous», a-t-il écrit sur Twitter. «Cela représente maintenant autour de 50 pour cent de tous les cas en Angleterre, avec une augmentation rapide, surtout chez les enfants. Le service de l’hôpital #COVID19 de Bolton se remplit.»

Il a fait remarquer que le nouveau variant croîssait « à pas de géant, plus rapidement que toute autre variant». Le #B117, rapide auparavant, se développe beaucoup plus lentement, 5 fois moins vite que le B16172». Il poursuit: «Les réinfections avec le #B16172 sont également environ 4 fois plus nombreuses avec B16172 par rapport à #B117 si l’on compare les taux de réinfections/cas de variant trouvés. 4 fois… c’est beaucoup».

La montée en puissance de variants du COVID-19 de plus en plus résistants aux vaccins requiert la plus grande vigilance. La politique gouvernementale elle, va exactement dans le sens contraire.

L’abandon des masques par les CDC a créé les conditions pour une mesure plus dangereuse encore : la fin de l’obligation de porter un masque dans les écoles, mettant ainsi en danger la vie des élèves non vaccinés et celle des enseignants.

Mardi, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a interdit l’obligation de porter un masque dans les écoles publiques. «Aucun élève, enseignant, parent ou autre membre du personnel ou bien visiteur ne peut être obligé de porter un masque» a-t-il déclaré. Jeudi, Kim Reynolds, le gouverneur de l’Iowa, a interdit aux écoles d’exiger le port de masques, de même Henry McMaster, gouverneur de la Caroline du Sud.

Ces actions interviennent en dépit de nombreuses preuves scientifiques montrant que le port du masque réduit considérablement la propagation du COVID-19 dans les écoles. La Dr Leana Wen, ancienne commissaire à la santé de Baltimore, a condamné ces mesures, soulignant que «les enfants non vaccinés doivent rester masqués en présence d’autres personnes non vaccinées, y compris dans les écoles. Près d’une nouvelle infection au [COVID-19] sur quatre concerne des enfants. Nous devons contribuer à les garder en sécurité».

La réduction des cas de COVID-19 aux États-Unis est le résultat d’une vaccination de masse. C’est le fruit d’un effort sans précédent des scientifiques et des institutions universitaires pour créer une toute nouvelle classe de vaccins en temps record.

Dans une société rationnelle, la réduction des cas de COVID-19 serait utilisée pour renforcer les protections avant une nouvelle résurgence que les experts sanitaires prévoient pour l’automne. Mais le gouvernement Biden sabote ce que les responsables de la santé appellent un sursis temporaire dans le but d’abandonner les mesures de surveillance et d’endiguement de la maladie.

Le 1er mai, les CDC ont mis un terme à la surveillance des «infections post-vaccinales» du COVID-19 chez les personnes entièrement vaccinées, à moins que la maladie n’entraîne une hospitalisation ou un décès.

Tout comme le retrait des recommandations de masque, cette décision a suscité la condamnation des épidémiologistes qui ont prévenu que cela rendrait les États-Unis aveugles quant à l’impact des nouveaux variants.

«Le fait que les CDC n’assurent pas ce niveau de surveillance me rappelle ce que j’ai ressenti à l’époque de Trump: “chacun est seul”», a déclaré au Washington Post le Dr Kavita Patel, médecin traitant et membre non résident de la Brookings Institution.

Le Post a paraphrasé Eric Topol, professeur de médecine moléculaire au Scripps Research de San Diego, en disant que «le CDC devrait surveiller ces personnes, ainsi que les cas hospitalisés et les cas mortels, pour déterminer si et comment les variants du virus peuvent échapper à la protection vaccinale, aider à découvrir de nouveaux variants et déterminer dans quelle mesure certains groupes vulnérables, tels que les immunodéprimés, sont protégés par les vaccins».

La Maison-Blanche de Biden, comme celle de Trump avant elle, cherche à convaincre le public d’ignorer que la pandémie continue – souvent en donnant l’exemple.

L’attitude à la Maison-Blanche a été résumée par un récent titre de la chaîne de radio publique NPR: «Comment la Maison-Blanche de Biden a appris à laisser tomber les masques et à ne plus s’inquiéter».

«À la Maison-Blanche de Biden », écrit NPR, « c’est comme en 2019, avec de grandes manifestations sans masques dans la salle Est, jeudi et vendredi». À la question de savoir si la Maison-Blanche vérifiait même si les personnes présentes étaient vaccinées ou non, le porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a répondu sans détour à NPR: «Ce n’est pas le rôle que nous allons jouer».

Avec une ostentation similaire à celle pratiquée sous Trump, ce mépris insensible pour la santé et la sécurité publiques à l’intention directe d’envoyer un message: la pandémie est terminée. Il ne peut plus y avoir d’obstacle – sous prétexte de préserver la santé publique – à l’accumulation des profits privés.

La position du gouvernement Biden véhicule les exigences de la grande entreprise qui considère les efforts pour sauver des vies du COVID-19 comme autant d’empiétements inacceptables sur l’extraction de profits de la classe ouvrière.

Si la réponse à la pandémie est laissée aux mains de cette oligarchie financière, l’épidémie qui a déjà tué près d’un million de gens aux États-Unis coûtera la vie à d’autres sans nombre. Il est urgent que les travailleurs prennent en main la lutte contre la pandémie, à la fois en luttant pour la création de comités de sécurité sur les lieux de travail et en menant la lutte politique contre le système capitaliste, qui subordonne la vie humaine au profit privé.

(Article paru d’abord en anglais le 24 mai 2021)

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