Dimanche soir, les forces de police israéliennes ont annoncé un programme d’arrestations massives de citoyens palestiniens d’Israël. Ils cherchent à arrêter tous ceux qui ont participé aux récentes manifestations d’opposition au bombardement de Gaza et aux expulsions à Jérusalem-Est ainsi que les participants aux manifestations contre les assauts des forces de sécurité israéliennes sur le complexe de la mosquée al-Aqsa.
Baptisée «Opération loi et ordre», elle a pour but d’intimider et de punir les Palestiniens qui sont descendus dans la rue au cours des deux dernières semaines. La police a indiqué qu’elle avait déjà arrêté environ 1.550 Palestiniens depuis le 9 mai et qu’elle avait l’intention d’en «poursuivre» beaucoup d’autres.
Cette décision intervient quelques jours seulement après que le premier ministre Benjamin Netanyahou a traité les citoyens palestiniens d’Israël, qui protestent contre des décennies de discrimination soutenue par l’État, de «terroristes». Il s’est engagé à ce que «quiconque qui agit comme un terroriste, soit traité comme tel», ajoutant que «les contrevenants arabes attaquent des Juifs, brûlent des synagogues et des maisons juives».
Il a naturellement tout ignoré de la violence bien plus grande perpétrée par la police et les justiciers juifs armés pour terroriser et forcer les Palestiniens, qui constituent 20 pour cent de la population d’Israël, à quitter leurs maisons.
Le ministre de la police, Amir Ohana, est allé plus loin. Exprimant son indignation lorsque la police a arrêté des Juifs soupçonnés d’avoir assassiné un Palestinien dans la ville de Lod, lui et d’autres hauts responsables politiques ont forcé la police à les relâcher et ont appelé les Israéliens juifs à agir comme un «multiplicateur de force» pour la police.
La police a déclaré que des milliers de membres des forces de sécurité de «toutes les unités», y compris les gardes-frontières et les brigades de réserve, seraient déployés pour effectuer des rafles dans les villes où la population palestinienne est importante. Ils fouilleront les maisons et mèneront des «enquêtes» en vue de porter des accusations et d’imposer des peines de prison. On s’attend à ce que plus de 500 maisons palestiniennes soient perquisitionnées dans les jours à venir.
L’annonce provocatrice n’a fait aucune mention de l’arrestation des colons juifs armés qui ont attaqué les Palestiniens, leurs voitures et leurs maisons et dont la violence a été enregistrée dans des vidéos et des photos largement partagées sur les médias sociaux. Jusqu’à présent, 140 inculpations ont été prononcées contre 230 personnes, presque tous des Palestiniens, y compris des mineurs, pour agression de policiers, manifestation, jet de pierres et incendie criminel. Très peu d’accusations concernent les actes de violence dirigés contre les Palestiniens.
Les méthodes utilisées depuis longtemps pour terroriser les Palestiniens dans les territoires occupés sont maintenant utilisées contre les propres citoyens d’Israël. Cela découle inexorablement de la loi israélienne de 2018 sur l’État-nation suprémaciste juif qui sanctionne l’apartheid et le nettoyage ethnique.
La loi sur l’État-nation ne fait aucune mention des citoyens non juifs d’Israël, de la démocratie ou de l’égalité. Elle consacre Israël comme «le foyer national du peuple juif» à travers le monde qui a un droit automatique à l’immigration et à la citoyenneté et proclame Jérusalem «complète et unie» comme capitale d’Israël. Elle jette les bases de l’exclusion des Arabes des communautés juives et retire à l’arabe son statut de langue officielle de l’État.
Cette répression à l’encontre des Palestiniens fait suite à une provocation de dizaines de colons juifs d’extrême droite qui, sous la protection des forces spéciales israéliennes, ont pénétré dimanche dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem-Est, quelques heures après que la police eut battu et agressé des fidèles qui priaient dans la mosquée, troisième site le plus sacré de l’Islam. La police a également renforcé les restrictions aux portes qui mènent à Al-Aqsa, empêchant les fidèles de moins de 45 ans d’entrer dans la mosquée.
Ces derniers jours, des groupes extrémistes ont utilisé les médias sociaux pour appeler les fidèles juifs à entrer dans l’enceinte où seuls les musulmans peuvent y prier en vertu d’un accord conclu en 1967 avec la Jordanie, dont le ministère du Waqf est le gardien légal du site.
Ces groupes ultranationalistes et religieux, qui se sont rendus en nombre croissant ces dernières années dans l’enceinte, appelée Mont du Temple par les Juifs, cherchent à construire le troisième Temple juif et à rétablir les sacrifices dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, site du deuxième Temple juif détruit par les Romains en 70 de notre ère. Cette situation a fait de la mosquée un point chaud dans les relations israélo-palestiniennes, car on craint de plus en plus qu’Israël prenne possession du site, en totalité ou en partie.
Dans les années 1980, des groupes extrémistes juifs ont tenté à plusieurs reprises de faire exploser les sites islamiques de l’enceinte d’al-Aqsa. En 1990, des émeutes ont éclaté après que les fidèles du Mont du Temple ont annoncé qu’ils allaient poser la première pierre d’un nouveau Temple sur le terrain, ce qui a incité la police à interdire au groupe l’accès au complexe. L’interdiction a été levée au fur et à mesure que le pouvoir de ces groupes au sein de la politique officielle israélienne s’est accru et que les gouvernements successifs ont encouragé leurs efforts pour prier sur le site. Ces couches sont devenues encore plus agressives avec l’élection de six membres du bloc du Pouvoir religieux sionisme-juif à la Knesset lors des élections de mars dernier.
Les craintes concernant al-Aqsa se sont accrues parallèlement aux déclarations répétées d’Israël quant à son intention de conserver le contrôle de Jérusalem-Est à perpétuité. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), Israël a exproprié plus d’un tiers de Jérusalem-Est pour la construction de colonies malgré l’interdiction, en vertu du droit humanitaire international, de transférer des civils en territoire occupé. Israël n’a délimité que 13 pour cent de Jérusalem-Est – où vivent 380.000 Palestiniens – pour la construction palestinienne, où les Palestiniens sont officiellement autorisés à obtenir des permis de construire qui, dans la pratique, sont à la fois chers et difficiles à obtenir. En conséquence, de nombreuses constructions sont réalisées illégalement, ce qui fournit aux autorités le prétexte pour démolir les bâtiments et expulser les résidents.
Samedi, la police israélienne a attaqué une manifestation conjointe de Palestiniens et de Juifs contre l’expulsion potentielle de plusieurs familles à Sheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est, pour faire place à des maisons de colons, et les a dispersés sous des jets d’eau sale et nauséabonde. Leur affaire, qui dure depuis longtemps, doit bientôt être tranchée par la Cour suprême. Le lendemain, les forces de sécurité ont tué un conducteur palestinien qui avait percuté un barrage de police avec sa voiture, blessant six policiers, tandis que trois ou quatre soldats «gardaient» chaque maison, menaçant de frapper les résidents s’ils sortaient. La police a empêché les Palestiniens, mais pas les non-résidents juifs, d’entrer dans le quartier, le coupant des environs et le transformant en zone militaire.
Les forces militaires israéliennes ont également arrêté 41 Palestiniens lors de rafles menées dimanche et lundi matin en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. La Palestinian Prisoner Society a déclaré qu’environ 500 Palestiniens avaient été arrêtés en Cisjordanie depuis la mi-avril. Les forces israéliennes ont tué au moins 31 Palestiniens, dont quatre âgés de moins de 18 ans, en Cisjordanie depuis le 10 mai.
Cette action bénéficie du soutien total de l’impérialisme américain. Le secrétaire d’État Antony Blinken, s’exprimant avant son départ lundi pour Israël, la Cisjordanie, la Jordanie et l’Égypte, a réaffirmé le soutien du gouvernement Biden à une solution à deux États – comme objectif à long terme – afin que les Israéliens et les Palestiniens puissent vivre «avec des mesures égales de sécurité, de paix et de dignité».
C’était de la pure hypocrisie, étant donné qu’il avait réitéré dans une interview à This Week, le programme d’information d’ABC, «l’engagement inébranlable de Washington en faveur de la sécurité d’Israël», y compris «donner à Israël les moyens de se défendre».
Le gouvernement Biden réapprovisionnerait le système de défense antimissile Dôme de fer d’Israël et mènerait à bien sa vente d’armes à Israël pour un montant de 735 millions de dollars, a-t-il promis.
Le président Joe Biden a insisté sur le fait que Blinken s’entretiendrait avec «d’autres partenaires clés de la région» sur toute une série de questions, notamment l’effort international qui vise à garantir qu’une partie de l’aide parvienne à Gaza, mais sans passer par le Hamas, qui dirige Gaza. Cela va dans le sens de l’insistance du chef des Forces de défense israéliennes, Aviv Kochavi, pour que les fonds humanitaires transitent par l’Autorité palestinienne.
(Article paru en anglais le 25 mai 2021)