Vendredi, le gouvernement Biden a publié sa proposition de budget pour l’année fiscale 2022, qui commence le 1er octobre de cette année. En son centre se trouve l’appel à un budget militaire record de 753 milliards de dollars. Cela comprend une allocation massive de 24,7 milliards de dollars pour la modernisation des armes nucléaires; une expansion majeure des forces aériennes et navales à capacité nucléaire; et la plus grande requête jamais faite pour la recherche et le développement – 112 milliards de dollars.
Cette proposition de budget est ouvertement dirigée contre la Chine d’abord, puis contre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. Alors que le gouvernement Biden et l’establishment politique et médiatique relancent la théorie complotiste sans base scientifique du labo de Wuhan sur l’origine du virus, dans le but de créer un casus belli pour une guerre avec la Chine, le budget du Pentagone est un avertissement sévère pour la classe ouvrière américaine et internationale. L’impérialisme américain cherche à se sortir de ses contradictions mondiales et intérieures insolubles en préparant un conflit militaire contre le pays qu’il considère comme son rival le plus dangereux.
Depuis sa prise de pouvoir il y a quatre mois, Biden a intensifié le rythme de la propagande anti-chinoise et des provocations militaires contre Pékin, initiées par le gouvernement Obama et intensifiées par Trump. Il est allé plus loin que n’importe quel autre président en sapant la politique de la «Chine unique» et la politique connexe d’«ambiguïté stratégique» à l’égard de Taïwan, inaugurée par Carter en 1978. Il a entamé des discussions avec Taïwan, le Japon et la Corée du Sud sur le stationnement chez eux de missiles offensifs dirigés contre la Chine continentale ; un geste dont la Chine a averti qu’elle le considérerait comme un acte de guerre.
Le nouveau budget alloue 5,4 milliards de dollars au développement de ces plans, sous la rubrique «Initiative de dissuasion du Pacifique».
Le gouvernement Biden et les médias alignés sur le Parti démocrate présentent cette proposition de budget de six mille milliards de dollars comme un tournant vers de la réforme sociale libérale, avec une augmentation totale des dépenses discrétionnaires de 1,520 milliard de dollars pour l’année fiscale 2022. Mais au milieu de l’actuelle pandémie et de la dévastation sociale frappant des dizaines de millions de travailleurs, le budget de la guerre représente près de la moitié de l’augmentation des dépenses ; et la moitié de cette dernière va à la reconstruction d’une infrastructure américaine en ruine et au retour de la production de composants haute technologie essentiels à une future guerre contre une puissance montante comme la Chine. Les véritables réformes sociales sont au mieux des demi-mesures qui ne remettent pas en cause les fortunes toujours croissantes ou la domination économique des oligarques financiers.
L'annonce du nouveau budget par le ministère de la Défense est empreinte de militarisme anti-chinois. Elle commence par une déclaration du secrétaire à la Défense de Biden, le général à la retraite Lloyd Austin, qui déclare :
« Le budget nous fournit la combinaison de capacités dont nous avons le plus besoin. Il reste fidèle à notre objectif de relever le défi de la République populaire de Chine ; il permet de lutter contre les effets néfastes du changement climatique sur nos installations militaires et de moderniser nos capacités pour faire face aux menaces sophistiquées de demain ».
Jeudi, Austin et le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées, témoignant devant la sous-commission de la Défense de la commission des crédits de la Chambre, ont fait des remarques glaçantes sur la nécessité pour les États-Unis d’améliorer et de moderniser leur armée afin de se préparer à la guerre contre leurs «concurrents stratégiques», en premier lieu la Chine.
Austin a déclaré: «Nous devons maintenir et améliorer cet avantage sur terre, en mer, dans les airs et dans les domaines émergents, notamment l’espace et le cyberespace. Je suis convaincu que la demande de budget du président nous aide à y parvenir. Cette demande est motivée par la reconnaissance que nos concurrents – en particulier la Chine – continuent à améliorer leurs capacités. Nous devons dépasser leurs progrès pour rester une force de dissuasion crédible aux conflits dans le monde».
Austin a souligné que l’armée américaine devait moderniser ses forces en fonction des progrès technologiques pour maintenir «l’ordre mondial fondé sur des règles que nous avons contribué à promouvoir au cours des sept dernières décennies» (c-à-d, les règles fixées par l’impérialisme américain après la Seconde Guerre mondiale).
Exprimant la position de plus en plus désespérée de la classe dirigeante américaine après des décennies de déclin économique et de parasitisme financier, il avertit: «La Chine a investi massivement dans les nouvelles technologies, avec l’intention déclarée d’achever la modernisation de ses forces d’ici 2035 et de disposer d’une “armée de classe mondiale” d’ici 2049 ».
« La Russie a montré qu’elle n’avait pas peur de prendre les États-Unis pour cible dans des domaines contestés comme le cyberespace, et elle continue de manifester un intérêt pour l’hégémonie régionale. L’Iran continue de faire avancer ses programmes nucléaires et de missiles balistiques et de soutenir des groupes mandataires déstabilisateurs au Moyen-Orient, dans le but de menacer ses voisins régionaux. Nous faisons également face aux défis de la Corée du Nord, un pays qui a l’ambition d’être capable de frapper la patrie américaine».
Sur les «défis régionaux», Austin a commencé par la Chine et la région inde-pacifique (se concentrant sur la Corée du Nord et l’Iran) ; puis, il est passé à l’Europe (ciblant la Russie), à l’hémisphère occidental (faisant allusion à l’influence économique croissante de la Chine en Amérique latine) et aux États-Unis continentaux. Sous ce rapport, il a noté positivement le déploiement continu de troupes à la frontière américano-mexicaine et leur rôle dans l’emprisonnement des enfants migrants.
Il a parlé de pratiquement chaque centimètre carré de la masse continentale mondiale comme d’ endroits devant être «défendus» par l’armée américaine, y compris l’Arctique. Cela comprend également la domination militaire américaine de l’espace et du cyberespace.
Austin a conclu en présentant, comme faisant partie d’une nécessaire préparation à un conflit militaire contre des «concurrents stratégiques», les efforts du ministère de la Défense de Biden pour éradiquer les harceleurs sexuels et les éléments extrémistes. Il s’est vanté de ses directives visant à supprimer les obstacles pour les personnes transgenres dans l’armée. Cela reflète à la fois de sérieuses inquiétudes au sein de l’état-major militaire quant à l’impact potentiellement perturbateur des éléments d’extrême droite dans des conditions de pré-guerre et la nécessité politique de faire un cadeau de bienvenue à la classe moyenne supérieure, obsédée par l’identité au sein du Parti démocrate.
Milley s'est montré encore plus direct dans ses remarques devant la commission.
«La Chine», a-t-il déclaré, «est notre premier défi géostratégique en matière de sécurité… La Chine remet en question le statu quo de paix dans le Pacifique et a l’intention de réviser l’ordre international mondial d’ici le milieu du siècle. La Chine mène des exercices à grande échelle dans la région, en mettant l’accent sur les débarquements amphibies, les feux conjoints et les scénarios de frappe maritime. Ces actions menacent l’autonomie de nos alliés et partenaires, mettent en péril la liberté de navigation, de survol et les autres utilisations légales de la mer, et compromettent la paix et la stabilité régionales. En bref, la Chine a développé d’importantes capacités militaires nucléaires, spatiales, cybernétiques, terrestres, aériennes et maritimes et continue de le faire».
Milley a souligné les vastes changements dans la guerre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, soulignant la nécessité pour l’armée américaine d’intervenir avec des forces massives beaucoup plus rapidement que par le passé.
«Les États-Unis, en tant que nation, ont toujours eu l’avantage et le temps d’un long renforcement militaire avant le début des hostilités. L’environnement opérationnel de l’avenir ne nous offrira probablement pas le luxe du temps nécessaire à la projection de la force. Alors, le fait de disposer de forces modernisées, suffisamment importantes et prêtes, sera la clé du maintien de la dissuasion et de la paix et, si la dissuasion échoue, du combat et de la victoire», a-t-il déclaré.
Il a conclu en affirmant que «la force interarmée des États-Unis est une force flexible et adaptable prête à dissuader, combattre et gagner les guerres de notre nation. La demande de budget PB22 augmente l’état de préparation de la force en développant la Force interarmée du futur… De nombreux ennemis ont grossièrement sous-estimé les États-Unis et le peuple américain dans le passé. Ils ont sous-estimé notre détermination nationale. Ils ont sous-estimé nos capacités, nos compétences et notre puissance de combat, et chacun a fait un choix fatal qui s’est soldé par leur inscription à la poubelle de l’histoire».
Les systèmes d'armes nouveaux ou élargis énumérés dans l'annonce de budget du Pentagone sont l:
- Bombardier d'attaque à longue portée B-21 - 3 milliards de dollars
- Sous-marin lanceur de missiles balistiques de classe Columbia - 5 milliards de dollars
- Missile LRSO (Long-Range Stand-Off) - 609 millions de dollars
- Dissuasion stratégique basée au sol (GBSD) - 2,6 milliards de dollars
- Système de défense antimissile balistique basé en mer (AEGIS BMD) - 1 milliard de dollars
- Intervention au mi-parcours des missiles, basée au sol (GMD) et défense intérieure améliorée/intercepteurs de nouvelle génération (NGI) - 1,7 milliard de dollars
- 85 chasseurs F-35 Joint Strike - 12 milliards de dollars
- 14 remplacements d'avions-citernes KC-46 - 2,5 milliards de dollars
- 30 hélicoptères d'attaque AH-64E Apache - 825 millions de dollars
- Porte-avions de classe FORD CVN-78 - 2,9 milliards de dollars
- 2 sous-marins de classe Virginia - 6,9 milliards de dollars
- 1 destroyer Arleigh Burke DDG-51 - 2,4 milliards de dollars
Pour compenser en partie l’augmentation des dépenses et réorienter l’orientation stratégique vers des armes et des systèmes de communication de plus haute technologie, le budget prévoit certaines réductions dans les programmes militaires existants. Cela provoquera sans aucun doute l’opposition des députés à la solde des entrepreneurs de défense de leurs districts dont les profits pourraient être affectés.
L’immense danger d’une guerre lancée par les États-Unis contre un rival doté de l’arme nucléaire comme la Chine ou la Russie, peut et doit être évité. La seule force sociale capable de désarmer les criminels de guerre impérialistes est la classe ouvrière internationale. La crise du capitalisme mondial, intensifiée par la pandémie, qui pousse l’impérialisme vers la folie de la guerre nucléaire, crée également les conditions pour sa résolution progressive au moyen de la révolution socialiste mondiale.
(Article paru d’abord en anglais le 29 mai 2021)