Le président du Sri Lanka impose une interdiction de grève aux travailleurs du secteur public

Le président du Sri Lanka Gotabhaya Rajapakse a publié jeudi une gazette extraordinaire déclarant que la plupart des secteurs de l’État étaient des «services essentiels», interdisant de fait toute grève syndicale. Cet ordre draconien a pour but de réprimer la colère et l’agitation populaires qui s’élèvent face à la détérioration des conditions de vie et à l’escalade des attaques contre les droits démocratiques, alors que les infections au COVID-19 augmentent rapidement dans tout le pays.

Gotabaya Rajapaksa [Photo: AP Photo/Eranga Jayawardena]

Tous les ports, les douanes, le pétrole, les services de de rail et d’autobus de l’État, les bureaux administratifs et sociaux, les services bancaires d’État, y compris la Banque centrale et les services d’assurance au niveau national, ainsi que la gestion des déchets par les autorités locales relèvent désormais de la loi sur les services publics essentiels.

En vertu de cette loi, tout employé de ces institutions qui ne se présente pas au travail risque d’être «condamné, après un procès sommaire devant un magistrat» et d’être «passible d’une peine d’emprisonnement rigoureuse» de deux à cinq ans et d’une amende de 2.000 à 5.000 roupies (11 à 25 dollars américains). Les «biens meubles et immeubles» de toute personne condamnée peuvent être saisis par l’État et son nom, «retiré de tout registre tenu pour la profession ou la vocation».

En outre, le fait pour une personne «d’inciter, d’induire ou d’encourager toute autre personne» à ne pas se rendre au travail par un «acte physique ou par toute parole ou tout écrit constitue une infraction.» Cela signifie que toute personne qui se bat pour défendre les droits démocratiques de ces employés peut être punie.

La raison immédiate de la décision de Rajapakse semble être d’interdire une grève nationale prévue jeudi par 12.000 agents du gouvernement, qui réclament la vaccination contre le COVID-19. Cependant, la mesure draconienne du gouvernement vise à prévenir les grèves et les protestations liées à des demandes similaires par des sections plus larges de la classe ouvrière.

En novembre dernier, Rajapakse a promulgué un ordre de service essentiel à l’encontre de 15.000 travailleurs de l’autorité portuaire après qu’ils aient commencé à exprimer leurs inquiétudes et à menacer de mener des actions industrielles concernant le danger du COVID-19 sur leur lieu de travail et les mesures de privatisation du gouvernement. On a laissé l’interdiction de grève des travailleurs portuaires expirer après trois mois, mais seulement après que les syndicats aient temporairement dissipé les protestations des travailleurs.

L’escalade des infections de COVID-19, la forte hausse des prix des denrées alimentaires et d’autres produits de première nécessité, ainsi que le refus du gouvernement de fournir une aide sociale adéquate ou une protection appropriée ont entraîné l’éruption de grèves et de protestations qui impliquaient les travailleurs des postes, des chemins de fer, des plantations, de l’éducation, de la santé et de l’électricité au cours des derniers mois.

Si le Sri Lanka a officiellement enregistré 94.949 cas de COVID-19 entre le 15 mars 2020 et le 15 avril, ces chiffres ont toutefois augmenté de 80 pour cent, soit 76.328 cas, depuis lors. Ces chiffres sont une grave sous-estimation de la situation réelle en raison du faible nombre de tests.

L’augmentation soudaine du nombre de cas d’infection par le coronavirus a ébranlé les affirmations de Rajapakse selon lesquelles la pandémie était maitrisée et a renforcé les inquiétudes des travailleurs, des jeunes et des populations rurales du Sri Lanka qui suivent avec anxiété la catastrophe du coronavirus en Inde et dans le monde.

Les spécialistes médicaux du Sri Lanka et du monde entier ont publiquement averti que l’île faisait face à une «catastrophe» imminente et ont demandé à Colombo de fermer tous les services non essentiels et d’améliorer rapidement les services de santé du pays.

Le gouvernement, qui s’oppose avec véhémence à tout confinement, a réagi en imposant des restrictions aux déplacements pendant deux semaines, jusqu’au 7 juin. Le président Rajapakse insiste sur le fait que l’économie, et le secteur des exportations en particulier, doivent rester ouverts. La semaine dernière, il a interdit aux responsables de la santé et aux autres fonctionnaires de faire des déclarations médiatiques sur la pandémie, sauf si lui-même les avait autorisés, car cela pourrait «affoler les gens».

Les travailleurs de la santé, notamment les préposés, les infirmières et les médecins, sont de plus en plus mécontents de leur charge de travail impossible alors que les hôpitaux sont inondés de patients atteints du COVID-19. Plusieurs agents de santé sont morts du virus hautement infectieux.

Des centaines d'infections ont été signalées dans des usines de confection, à l'intérieur et à l'extérieur des zones franches du pays, dont certaines emploient jusqu'à 5000 personnes. Ces dernières semaines, plusieurs usines ont été contraintes de fermer leurs portes en réponse à la colère des travailleurs et des habitants des environs, qui s'inquiétaient du manque de mesures de sécurité liées au COVID-19.

Comme tous les gouvernements capitalistes du monde, le régime Rajapakse, qui défend de manière résolue les intérêts des grandes entreprises, insiste sur le fait que les employés doivent continuer à travailler.

Le 4 mai, Nimal Siripala de Silva, le ministre du Travail, a déclaré que les patrons de l’industrie de l’habillement pouvaient réduire les salaires des travailleurs de 50 pour cent et les licencier si leurs entreprises faisait face à des problèmes créés par la pandémie.

Pas un seul parti d’opposition ni un seul syndicat ne s’est opposé à l’annonce draconienne faite par Rajapakse jeudi, une mesure qui affecte directement les droits démocratiques de centaines de milliers de travailleurs du secteur public et de toute personne défendant son droit de mener une quelconque grève industrielle. Les mêmes syndicats et partis politiques ne se sont pas opposés à l’ordre de services essentiels imposé aux travailleurs portuaires en novembre dernier.

Ce n’est pas un hasard. Ces organisations n’ont aucun désaccord fondamental avec les mesures répressives du gouvernement Rajapakse et se consacrent à la défense du système de profit.

Au début du mois, Samagi Jana Balawegaya, le principal parti d’opposition, a exhorté le gouvernement à convoquer une conférence multipartite sur l’aggravation de la pandémie. Le Janatha Vimukthi Peramuna a déclaré que si le régime n’était pas prêt à travailler avec l’opposition, un «mécanisme à large base» devrait être formé. Un conseil similaire a été proposé par l’Alliance nationale tamoule.

Comme le gouvernement Rajapakse, ces partis sont extrêmement nerveux face à l’opposition de masse qui se développe au sein de la classe ouvrière et des pauvres.

Le président Rajapakse a également réactivé sa gazette extraordinaire précédemment déclarée pour mobiliser les forces armées du Sri Lanka afin de «maintenir la loi et l’ordre» dans les 25 districts du pays. Ces forces, ainsi que la police qui patrouille actuellement dans les rues, seront mobilisées contre la classe ouvrière et les pauvres lorsqu’ils entreront en lutte.

La classe ouvrière doit prendre ces développements au sérieux. Le gouvernement Rajapakse, aidé et encouragé par les partis d’opposition et les syndicats, intensifie ses préparatifs pour une guerre de classe totale.

La classe ouvrière ne peut défendre ses droits démocratiques et sociaux qu’en rompant avec les syndicats et en mobilisant de manière indépendante sa force industrielle et politique contre les attaques du gouvernement. Cela nécessite la création de comités d’action sur chaque lieu de travail dans le cadre de la lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan basé sur des politiques socialistes et internationalistes.

Le Parti de l’égalité socialiste (SEP) est la seule organisation qui se bat pour cette perspective. Tous ceux qui sont d’accord avec ce programme doivent nous contacter.

(Article paru en anglais le 29 mai 2021)

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