Alors que le conflit de travail se poursuit chez Olymel, les travailleurs d’Exceldor entrent à leur tour en grève

Environ 600 employés de l’usine de transformation de poulets d’Exceldor située à Saint-Anselme dans la région de Chaudière-Appalaches près de Québec sont en grève depuis le 23 mai dernier. Ils sont sans contrat de travail depuis le 31 juillet 2020.

Le 9 mai, les travailleurs ont rejeté une offre d’Exceldor dans une proportion de 88%. Ils ont du même coup voté à 95% en faveur d’une grève à être déclenchée au moment jugé opportun. Ils ont rejeté une deuxième offre le 23 mai à 78% et la grève a débuté à 14h le même jour.

Selon Exceldor, sa dernière offre contenait une augmentation salariale de 18% sur 6 ans – contre celle de 40% sur 6 ans qu’aurait demandée le local 1991-P des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC), affilié à la plus grande centrale syndicale du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

Un travailleur a mentionné au World Socialist Web Site que les demandes des travailleurs visaient non seulement les salaires, mais aussi les conditions de travail telles que les congés et les assurances collectives. Il a aussi rapporté que le syndicat n’avait pas pris position sur les deux offres présentées par Exceldor et ajouté que les travailleurs étaient maintenus dans l’ignorance du déroulement des négociations.

Des travailleurs en grève d’Olymel rejoignant leurs frères et sœurs d’Exceldor sur leurs lignes de piquetage le 2 juin (source: page Facebook du STOVJ)

Exceldor, qui soigne une image de «coop» propriété d’agriculteurs «d’ici», est un l’une des plus grandes entreprises de transformation de volaille au Canada. À la suite d’une fusion avec Granny’s en 2019, Exceldor emploie près de 3500 personnes dans ses installations du Québec, du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Ontario. L’entreprise réalise un chiffre d’affaires d’environ 1 milliard de dollars canadiens par année.

Comme le reste de l’industrie de transformation alimentaire, Exceldor a priorisé ses profits à la vie humaine durant la pandémie de COVID-19 en maintenant ses employés au travail dans des usines non sécuritaires, avec pour résultat des éclosions à Saint-Anselme en novembre 2020 (au moins 8 cas rapportés) et à Saint-Bruno-de-Montarville en avril 2020 (au moins 23 cas rapportés). À son abattoir de Blumenort au Manitoba, la plus grosse en son genre dans cette province avec 650 employés, au moins 52 employés ont contracté le virus et 2 en sont morts.

À chaque éclosion, Exceldor, avec la complicité des autorités de santé publique et des syndicats, a lancé des campagnes bidon de «dépistage massif» afin de maintenir ses usines ouvertes et blâmé les travailleurs eux-mêmes en affirmant, sans preuve, que les éclosions résultaient de la «transmission communautaire», c’est-à-dire que les employés avaient contracté le virus à l’extérieur de l’usine.

À Vallée-Jonction en Beauce, à moins de 40km de l’usine d’Exceldor, les 1100 travailleurs de l’usine d’abattage et de transformation de porcs d’Olymel poursuivent la grève débutée le 28 avril.

Les travailleurs réclament un rattrapage salarial après que deux ententes pourries négociées par le Syndicat des travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction (STOVJ), affilié à la Fédération du commerce-CSN, en 2007 et 2015 leur aient fait perdre environ 40% de leur salaire.

Lors d’une séance de négociation tenue le 15 mai devant un conciliateur nommé par le gouvernement du Québec, Olymel a présenté une offre sur les conditions de travail qui, selon le syndicat, demandait «des reculs épouvantables». L’entreprise, qui a réalisé des profits de 234 millions de dollars en 2020, prétend qu’elle ne peut offrir plus si elle veut demeurer «compétitive».

En réponse, le STOVJ a cherché à semer l’illusion parmi les travailleurs qu’ils pourront obtenir gain de cause en plaidant auprès des patrons de l’entreprise et du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) dirigé par François Legault, un ancien PDG multi-millionnaire qui prend régulièrement position en faveur des entreprises dans les conflits de travail. D’ailleurs, le 18 mai, le gouvernement du Québec a consenti 150 millions de dollars à Olymel (sous la forme d’un «investissement»), sans rien exiger en retour concernant les conditions des employés.

Le 21 mai, le syndicat a organisé une manifestation dans les rues de Vallée-Jonction à laquelle ont pris part environ 250 employés. Le parcours emprunté par les travailleurs en grève les a amenés devant la résidence de certains cadres de l’usine. À cette occasion, le président du STOVJ, Martin Maurice, a résumé la tactique du syndicat en déclarant: «On veut avoir un respect de l’employeur et c’est pour ça qu’on va là, on veut qu’il nous écoute».

Mais de tels appels sont vains. La classe dirigeante a la ferme intention de faire payer à la classe ouvrière les centaines de milliards de dollars qui ont été versés au début de la pandémie aux banques, aux grandes entreprises et aux riches investisseurs sous le couvert de plans de «sauvetage». La lutte des travailleurs d’Olymel et d’Exceldor se déroule dans le contexte d’une attaque patronale généralisée, partout dans le monde, sur les emplois, les salaires et les conditions de travail.

Les patrons et leur laquais politiques n’entendent pas céder un pouce à ces travailleurs, conscients qu’en pleine recrudescence des luttes de classe, un conflit en apparence local et limité pourrait mettre le feu aux poudres et provoquer une explosion sociale. Ils utilisent donc les syndicats pro-capitalistes pour menotter les travailleurs et confiner leur lutte dans le cadre du droit du travail et d'un simulacre de négociations collectives.

Les grands médias à sa solde produisent régulièrement des articles dénonçant les «conséquences» de la grève de façon à placer une intense pression sur les travailleurs. Ainsi, la semaine dernière, des articles sur une possible pénurie de poulet dans les restaurants et l’obligation d’euthanasier les milliers de poulets qui ne peuvent actuellement pas être abattus à l’usine de Saint-Anselme ont préparé le terrain pour les dirigeants d’Exceldor qui ont immédiatement réclamé une intervention plus directe du gouvernement du Québec sous la forme d’une loi spéciale pour criminaliser la grève.

Cela démontre que les travailleurs d’Exceldor ne font pas seulement face aux demandes de concessions de l’entreprise, mais à une campagne coordonnée de toute l’élite dirigeante qui n’hésite pas à utiliser l’appareil répressif de l’État. En effet, le gouvernement Legault a récemment adopté une loi spéciale pour briser la grève des débardeurs du Port de Montréal, et il a menacé du même sort les travailleurs de la construction et les travailleurs du secteur public dont les conventions collectives sont arrivées à échéance.

Pour résister à une telle campagne pour criminaliser leurs luttes, les travailleurs doivent unir leurs forces, une nécessité dont ils sont de plus en plus conscients. Ainsi, le 2 juin, les travailleurs en grève d’Olymel ont rendu visite à ceux d’Exceldor sur leurs lignes de piquetage, dans un geste de solidarité qu’un travailleur a qualifié de «visite surprise».

Le peu de promotion qui en a été faite par le STOVJ, la CSN et les TUAC démontre que les syndicats n’entendent pas préconiser une telle unité, qui va à l’encontre de leur tactique usuelle consistant à isoler chaque lutte ouvrière qui éclate malgré eux.

Le STOVJ s’est contenté de brièvement mentionner l’évènement sur sa page Facebook. Pourtant, la même journée, le 2 juin, le STOVJ et la CSN ont organisé une manifestation largement publicisée de travailleurs d’Olymel à Québec. Son but n’était pas de mobiliser la force indépendante et unifiée des travailleurs contre l’assaut patronal sur les salaires, les emplois et les conditions de travail. Elle visait plutôt à endormir politiquement les travailleurs avec de vaines supplications adressées au gouvernement très à droite de François Legault pour l’enjoindre à renoncer aux attaques sur la santé et la sécurité au travail prévues dans le projet de loi 59.

En opposition à la stratégie de démobilisation et de division mise de l’avant par les syndicats pro-capitalistes, les travailleurs doivent former des comités de la base dans leurs usines respectives.

De tels organes de lutte doivent être entièrement indépendants des appareils syndicaux et des partis politiques de la grande entreprise. Ils permettront aux grévistes à Olymel et Exceldor de prendre contact avec leurs frères et sœurs partout en Amérique du Nord où il y a une montée de luttes militantes, y compris parmi les mineurs de Vale Inco à Sudbury en Ontario. Ils faciliteront ainsi l’échange d’informations et l’unité de classe dans une offensive commune contre l’élite dirigeante.

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