Les travailleurs de l’abattoir Olymel de Vallée-Jonction au Québec en grève illimitée

Les travailleurs de l’usine d’abattage et de transformation de porcs d’Olymel à Vallée-Jonction en Beauce sont en grève illimitée depuis le 28 avril dernier. Près de 35.000 porcs sont abattus chaque semaine à Vallée-Jonction dans ce qui est la plus grosse usine en son genre au Québec.

Les quelque 1100 employés sont représentés par le Syndicat des travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction (STOVJ), affilié à la Fédération du commerce-CSN (FC-CSN) qui représente plus de 30.000 travailleurs à travers le Québec. Le STOVJ a exercé un mandat de grève qu’il détenait depuis le 28 février afin de dénoncer la lenteur des négociations visant le renouvellement de la convention collective venue à échéance le 30 mars dernier. Le déclenchement rapide de la grève laisse croire que le syndicat est soumis à une intense pression de la part de ses membres, une section particulièrement exploitée de la classe ouvrière.

Cependant, le STOVJ a immédiatement accepté la nomination d’un médiateur-conciliateur en vertu du Code du travail et il n’a fourni aucune information sur le déroulement d’une première séance de négociation qui a eu lieu le 5 mai. Le STOVJ refuse également d’avancer publiquement des demandes au nom des travailleurs ou de révéler les offres qu’il a présentées.

L’usine d’Olymel à Vallée-Jonction, au Québec (Wikimedia Commons)

De son côté, le porte-parole d’Olymel a dénoncé les demandes salariales du syndicat comme étant «exagérées». Il a déclaré, comme le font systématiquement les grandes entreprises confrontées à une demande d’augmenter leurs salaires misérables, qu’il est impossible d’y accéder sans quoi la compagnie cessera d’être «concurrentielle dans le marché».

C’est un mensonge éhonté. Olymel est une division du géant agro-alimentaire Sollio (anciennement la Coop fédérée) qui a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 8 milliards de dollars en 2020 et reçu des centaines de millions de dollars en investissement de la part des plus gros investisseurs institutionnels du Québec, dont la Caisse de dépôt et de placement et le Fonds de solidarité de la FTQ. Olymel est un joueur majeur dans l’industrie de la transformation de la viande et opère 35 usines à travers le Canada dans lesquelles travaillent environ 15.000 personnes. Elle a réalisé des profits de plus de 234 millions de dollars en 2020.

De son côté, sans confirmer la teneur de ses demandes salariales, le STOVJ a fait valoir que le salaire horaire des travailleurs de Vallée-Jonction a augmenté d’à peine 1$ en 15 ans et que les bas salaires sont la cause d’un grave problème de rétention de la main-d’œuvre à l’usine de Vallée-Jonction.

En fait, ce sont les trahisons à répétition du syndicat qui ont mené aux conditions déplorables que doivent aujourd’hui endurer les travailleurs de Vallée-Jonction. En 2007, après avoir lui-même déposé une offre qui aurait permis à Olymel de réaliser des économies salariales d’au moins 11,4 millions de dollars, le STOVJ a utilisé les menaces de fermeture définitive de l’usine pour faire accepter une entente encore plus pourrie. Les travailleurs y ont perdu environ 40% de leur salaire.

En 2015, les syndiqués ont voté par dépit en faveur d’une autre entente de concession endossée par le STOVJ, qui l’a présentée comme «le maximum» qu’il serait possible d’obtenir de l’employeur. Les travailleurs ont obtenu des augmentations de salaire de 2% pour les deux premières années et de 1,75% pour les suivantes, à peine plus que l’inflation. Au cours des 6 années où cette convention collective a été en vigueur, 1700 travailleurs ont quitté leur emploi à Vallée-Jonction en raison des mauvaises conditions.

La lutte des travailleurs de Vallée-Jonction a une autre cause profonde: la pandémie de COVID-19 et la réponse désastreuse des gouvernements capitalistes du monde entier, qui ont laissé mourir des millions de personnes et refusé systématiquement d’imposer des mesures sanitaires susceptibles de porter atteinte aux profits.

Cela est particulièrement vrai pour les travailleurs d’Olymel, le coronavirus ayant fait des ravages dans l’industrie de la transformation de la viande. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation: la nature du travail dans les abattoirs qui ne se prête pas à la distanciation; le fait que les travailleurs font partie des sections les plus vulnérables de la classe ouvrière et qu’ils n’ont pas les ressources pour rester à la maison en cas d’exposition au virus ; et le mépris pour la vie humaine d’Olymel qui, avec la complicité des gouvernements et des syndicats, a maintenu ses employés au travail dans des usines non sécuritaires.

Dès le début de la pandémie, à la fin mars 2020, une éclosion à l’usine d’Olymel à Yamachiche en Mauricie a mené à la contamination d’au moins 129 travailleurs. Olymel a attendu quatre jours après le premier cas diagnostiqué avant de fermer l’usine pour deux semaines, exposant ainsi volontairement un grand nombre de travailleurs.

En concomitance avec cette éclosion, Olymel, applaudie à tout rompre par les centrales syndicales québécoises, a annoncé une «prime COVID» de 2$ l’heure pour ses employés. Visant à les inciter à travailler malgré le confinement partiel du Québec et les risques évidents, cette prime a été abolie dès juin 2020, alors que la pandémie faisait toujours rage.

En octobre 2020, au moins 125 travailleurs ont été infectés à l’abattoir de Vallée-Jonction et un travailleur est mort 24 heures après avoir reçu un diagnostic positif. Malgré l’ampleur de l’éclosion, Olymel et la santé publique ont collaboré pour garder l’usine ouverte avec pour seule mesure une campagne bidon de dépistage massif, qui a été interrompue à la première occasion. Alors même qu’elle priorisait ainsi les profits aux dépens de la vie humaine, Olymel blâmait les travailleurs pour l’éclosion. Le syndicat a cautionné cette campagne odieuse, le président de la FC-CSN David Bergeron-Cyr déclarant: «Il y a quelqu’un qui est mort. On pourra peut-être se préserver de dire que c’est la faute du monde, même si, je conviens, qu’il y en a qui n’écoute pas les consignes» (souligné par nous).

À la même période, les usines d’Olymel de Princeville et de Sainte-Rosalie ont aussi connu des éclosions. À Princeville dans la région du Centre-du-Québec, au moins 76 travailleurs ont été contaminés. Là aussi, l’usine est demeurée ouverte en échange d’un «dépistage massif» sur une petite portion des employés.

En février 2021, une éclosion massive a touché l’usine d’Olymel de Red Deer en Alberta. Au moins 500 travailleurs ont contracté la COVID-19 et 3 en sont morts. La province refusant d’ordonner la fermeture de l’usine, Olymel a pu attendre trois semaines après le premier décès avant de la fermer temporairement.

Que ce soit la FC-CSN au Québec ou les Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC) en Alberta, les syndicats ont contrecarré toute action des travailleurs susceptible de ralentir le flot de profits vers les poches des riches actionnaires d’Olymel et du reste de l’oligarchie financière. Comme l’a écrit le WSWS : «Et juridiction après juridiction, les responsables syndicaux, après s’être assuré que leur 'indignation' avait été correctement consignée, ont refusé d’appuyer leurs membres en organisant ou même en autorisant une grève pour sauver leurs vies.»

Malgré cela, le STOVJ n’a avancé aucune demande concrète pour assurer la sécurité des travailleurs. Critiquant une proposition d’Olymel d’octroyer un montant forfaitaire de 50$ pour chaque travailleur qui se fait vacciner, le syndicat a affirmé vouloir «des choses reliées à la pandémie». Mais «ces choses» restent limitées à une démonstration qu’Olymel aurait «un certain respect envers les travailleurs».

Les travailleurs n’ont rien à attendre du syndicat, qui a agi au cours des 15 dernières années comme une véritable police industrielle chargée d’imposer aux travailleurs les concessions exigées par Olymel. Un rôle similaire est joué par la CSN et toutes les centrales syndicales au Québec qui étouffent depuis des décennies la résistance ouvrière à l’austérité capitaliste et qui, depuis le début de la pandémie, soutiennent pleinement la réponse désastreuse du gouvernement de la CAQ (Coalition Avenir Québec).

Alors que le syndicat et Olymel négocient en secret, l’establishement et ses larbins dans les grands médias s’affairent à faire monter la pression sur les travailleurs pour qu’ils ne voient d’autre issue, le moment venu, que d’accepter n’importe quelle entente pourrie qui leur sera présentée par le STOVJ comme la plus récente version du «moins pire possible dans les circonstances». Déjà, la veille de la première séance de conciliation, un haut dirigeant d’Olymel a évoqué «l’urgence» de mettre fin à la grève en raison de l’impact catastrophique sur les producteurs de porc et les médias ont suggéré l’intervention du gouvernement pour forcer le retour au travail.

Afin d’éviter les trahisons vécues en 2007 et 2015, les travailleurs de Vallée-Jonction doivent prendre leur lutte en main et créer un comité de grève de la base qui mettra de l’avant leurs propres intérêts indépendants. Ce comité devrait exiger que les négociations soient publiques et qu’aucune offre ne puisse être faite par le syndicat sans que les membres ne soient consultés au préalable. Il devrait également exiger de véritables mesures de protection contre le coronavirus et s’octroyer le droit d’imposer, en consultation avec des scientifiques, la fermeture immédiate d’usines touchées par des éclosions lorsque c’est nécessaire pour préserver des vies.

Les travailleurs de Vallée-Jonction doivent entrer en contact avec leurs frères et sœurs de classe au Canada et internationalement, non seulement dans les autres usines d’Olymel, mais dans toute l’industrie alimentaire et toutes les autres sections de la classe ouvrière qui sont entrées en lutte dans la foulée de la pandémie. Ce n’est qu’ainsi unie que la classe ouvrière peut résister à l’assaut généralisé de la classe dirigeante contre les emplois, les salaires et les conditions de travail.

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