Perspectives

États-Unis : soutenu par Biden, un tribunal fédéral défend l’assaut policier de Trump contre les manifestants pacifiques du Square Lafayette.

Lundi, un juge fédéral a rejeté des plaintes alléguant que l’ancien président Donald Trump avait ordonné à la police de violer les droits constitutionnels de manifestants pacifiques qui, avec des membres des médias, furent violemment attaqués à Lafayette Square, le 1er juin 2020.

Les plaintes déposées par l'American Civil Liberties Union, le mouvement Black Lives Matter et d'autres faisaient valoir que Trump, l'ancien procureur général William Barr et d'autres responsables de la police et des agences fédérales avaient violé les droits de Premier amendement [de la Constitution] des manifestants. Elles accusaient le gouvernement Trump d’avoir conspiré pour utiliser la violence afin de déloger les manifestants de Lafayette Square à Washington D.C. avant le couvre-feu de 19 heures, afin que Trump puisse passer pour une séance de photos devant l'église épiscopale Saint-John.

Le président Donald Trump à l’église Saint-John de Lafayette Square, à Washington D.C., le 1er juin 2020. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Shealah Craighead)

Le gouvernement Biden s’est rangé du côté des anciens responsables de Trump, arguant que l’affaire devait être rejetée.

Dans sa décision de 51 pages, la juge Dabney Friedrich, du tribunal fédéral du District de Columbia, a écrit qu’en l’absence d’enregistrements réels ou de déclarations écrites démontrant sans équivoque qu’une conspiration avait été préparée et mise en œuvre par les défendeurs, il était «simplement trop spéculatif» pour que le tribunal puisse décider si l’assaut de type État policier contre des manifestants pacifiques était justifié. Friedrich a également statué que des responsables fédéraux comme Barr et Trump étaient l’abri de toute poursuite civile.

En statuant sur la nature «spéculative» des revendications des plaignants, Friedrich a écrit: «À ce stade préliminaire, sans dossier factuel, les décisions de la Cour sont basées uniquement sur les allégations contenues dans les plaintes. Avant que l’une ou l’autre des parties n’ait eu la possibilité de procéder à des interrogatoires préalables, ilce serait prématuré pour la Cour de tirer des conclusions sur les raisons pour lesquelles le square Lafayette a étéa été nettoyédégagé le 1er juin ou si les actions des forces de l’ordre étaient justifiées».

Friedrich a affirmé qu’il y avait «d’autres explications évidentes» pour expliquer pourquoi la police a évacué le square Lafayette, y compris la violence possible des manifestants. Par conséquent, elle a décidé que les poursuites ne pouvaient pas avoir lieu.

En réponse à cette décision, Scott Michelman, directeur juridique de l’ACLU du District de Columbia, a déclaré: «La décision d’aujourd’hui donne essentiellement au gouvernement fédéral le feu vert pour utiliser la violence. Cela comprend la force létale contre les manifestants, tant que les fonctionnaires fédéraux prétendent protéger la sécurité nationale».

Friedrich n'est pas un arbitre neutre. Elle a servi pendant trois ans en tant que conseil associé pour le gouvernement de George W. Bush, période pendant laquelle elle a avancé la position que le gouvernement avait un droit «clair» de détenir des citoyens américains comme combattants ennemis. Elle a également décrit les conditions de détention des prisonniers dans la «guerre contre le terrorisme» comme «parmi les meilleures jamais offerte par un pays à des individus qui ont pris les armes contre lui». Elle a été nommée à la Commission des peines par Obama, puis a été nommée à un poste au tribunal de district de DC par Trump en 2017.

La véracité des «allégations» avancées par les plaignants était claire pour tous ceux qui ont vu la vidéo de l’événement. Personne ne peut contester le fait que, sans provocation, la police antiémeute et les agents fédéraux ont violemment agressé des manifestants pacifiques. On a diffusé dans le monde entier des images montrant des manifestants fuyant et en train de suffoquer alors que la police les matraquait et les gazait.

Le nettoyage du square Lafayette a eu lieu alors que Trump prononçait un discours au Rose Garden, annonçant qu’il mobilisait les troupes à Washington DC. Se proclamant «président de loi et d’ordre», Trump avait menacé d’invoquer la Loi sur l’insurrection pour déployer l’armée dans les villes des États-Unis. Il a qualifié les manifestations de masse contre la violence policière qui ont suivi le meurtre de George Floyd de «terrorisme intérieur».

C’est à dire que non seulement les responsables du gouvernement Trump ont conspiré pour violer les droits démocratiques des manifestants du square Lafayette, mais ils ont encore conspiré pour renverser la constitution, établir une dictature présidentielle et abolir les droits démocratiques de tous les Américains.

Le matin de l’action du square Lafayette, Trump avait tenu une conférence téléphonique avec des gouverneurs où il avait averti que les manifestations contre les violences policières étaient «un mouvement, et si vous ne le réprimez pas, il va devenir de pire en pire. Vous devez le dominer». Barr avait rejoint Trump durant l’appel et dit aux gouverneurs, «nous devons contrôler la rue», ce qui nécessitait «une forte présence.»

L’action brutale de Washington DC, diffusée quelques heures plus tard en direct à la télévision nationale, devait servir de démonstration de ce que l’administration prévoyait de faire dans tout le pays.

On a révélé par la suite que la seule raison pour laquelle Trump n’avait pas invoqué la loi sur l’insurrection à ce moment-là était la réticence d’une section de l’état-major militaire. Ce dernier craignait qu’une abrogation aussi ouverte des droits démocratiques ne fût prématurée et risquait de déclencher une explosion sociale.

La position du gouvernement Biden est aussi importante que la décision du juge Friedrich. Avant le jugement, le département de la Justice de Joe Biden avait plaidé au nom des défendeurs, c’est-à-dire de Trump, pour que l’affaire des plaignants soit rejetée. Le gouvernement a fait valoir qu’étant donné que Trump n’était plus en fonction, le procès était sans objet. Les avocats du gouvernement ont également fait valoir que le nettoyage du square était justifié pour des raisons de sécurité présidentielle. Ils ont affirmé essentiellement que des menaces inexistantes pour la sécurité du président l’emportaient sur les droits constitutionnels de tous les autres.

Quant aux médias, ils ont largement ignoré la décision de la juge. Le New York Times a publié un article superficiel de neuf paragraphes qui ne dit rien du contexte politique de l’action de Trump, ni du discours du Rose Garden et de la menace d’invoquer la loi sur l’insurrection. Le Washington Post a publié une analyse plus détaillée, qui ne faisait pas non plus référence au discours de la Roseraie. Quant aux chaînes d’information télévisées, elles n’ont même pas rapporté la décision.

Le rôle des démocrates, tout au long du gouvernement Trump et après, a été de couvrir l’assaut de grande envergure contre les droits démocratiques. Cela inclut le complot fasciste qui visait à kidnapper les gouverneurs démocrates du Michigan et de la Virginie, encouragés par les appels de Trump à «Libérer le Michigan!» et d’autres États de toute mesure contre la propagation de la pandémie.

La conspiration antidémocratique a culminé avec la tentative de coup d’État fasciste du 6 janvier, visant à bloquer la certification du résultat des élections de 2020 et à empêcher le transfert du pouvoir. Les démocrates et les médias suppriment les révélations en cours sur la complicité de l’armée et de la police dans cette tentative de coup d’État, tandis que la ligne de Biden était de dire qu’il fallait «passer à autre chose» au nom de «l’unité» et du «bipartisme» avec les complices républicains de Trump dans la conspiration.

L’intervention du gouvernement Biden dans l’affaire du square Lafayette est une confirmation supplémentaire qu’il n’y a aucune partie de la classe dirigeante qui défendra les droits démocratiques, les deux factions réactionnaires de la classe dirigeante plaidant devant les tribunaux pour le droit d’utiliser la violence d’État contre l’opposition politique intérieure.

(Article paru d’abord en anglais le 23 juin 2021)

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