Perspectives

Dans un discours sur le droit de vote, Biden reconnaît que la démocratie américaine est à l’agonie

Mardi, le président Joe Biden a prononcé son premier discours en réponse à l’attaque sans précédent du droit de vote, menée par les États contrôlés par les républicains suite à la tentative de coup d’État de Donald Trump, le 6 janvier.

Le discours de Joe Biden, prononcé au National Constitutional Center de Philadelphie, intervenait deux jours après la conclusion de la CPAC [Conférence sur l’action politique conservatrice] républicaine de Dallas, au cours de laquelle Donald Trump s’est déchaîné contre le socialisme, a réitéré son mensonge du «coup de poignard dans le dos» prétendant que l’élection était volée, et a défendu l’assaut violent du Capitole américain, selon lui un effort patriotique pour «reprendre l’Amérique» aux démocrates de la «gauche radicale».

Le président Joe Biden prononce son discours sur le droit de vote au National Constitution Center, mardi 13 juillet 2021, à Philadelphie. (AP Photo/Evan Vucci)

Évaluant l’événement CPAC, le World Socialist Web Site a mis en garde que «Donald Trump [était] en train de consolider son pouvoir sur le Parti républicain et de transformer un parti bourgeois conservateur en un parti fasciste avec un leader personnaliste et une aile paramilitaire».

Dans ses remarques mardi, Biden a reconnu de la façon la plus directe et la plus radicale à ce jour la crise de la démocratie américaine et son quasi-renversement le 6 janvier.

«En 2020, a-t-il dit, la démocratie a été mise à l’épreuve. D’abord par la pandémie, puis par une tentative désespérée de nier la réalité du résultat électoral, et enfin par une insurrection violente et mortelle contre le capitole, la citadelle de notre démocratie.»

Faisant le lien entre l’assaut contre le droit de vote et la tentative de renverser l’élection de 2020, il a noté que depuis l’élection de novembre, 17 États contrôlés par les républicains avaient promulgué 28 lois restreignant l’accès au scrutin pour les électeurs de la classe ouvrière, les pauvres et les minorités, et qu’un total de 400 lois de ce type avaient été introduites dans tous les États-Unis.

La tentative de renverser la Constitution et d’établir une dictature se poursuit, a-t-il averti. «Écoutez-moi bien», a-t-il dit, «Il y a un assaut en cours en Amérique aujourd’hui, une tentative de supprimer et de subvertir le droit de vote dans des élections justes et libres, un assaut contre la démocratie, un assaut contre la liberté, un assaut contre ce que nous sommes en tant qu’Américains».

Les États-Unis, a-t-il poursuivi, seraient confrontés à «une nouvelle vague sans précédent de répression des électeurs et de subversion électorale brute et soutenue» aux élections de mi-mandat de 2022.

«Nous sommes confrontés au test le plus important de notre démocratie depuis la guerre civile», a-t-il déclaré. «Ce n’est pas une hyperbole… Les Confédérés de l’époque n’ont jamais forcé les portes du Capitole comme l’ont fait les insurgés le 6 janvier. Je ne dis pas cela pour vous alarmer. Je dis cela parce que vous devriez être alarmés».

Cette grave admission que la démocratie américaine est à l’article de la mort contraste fortement avec l’inaction et l’impuissance des propositions de Biden pour la défendre. Elles revenaient à des remontrances et des appels moraux adressés à «[ses] amis républicains du Congrès, des États, des villes et des comtés, afin qu’ils se lèvent, pour l’amour de Dieu, et aident à empêcher cet effort concerté pour saper nos élections et le droit sacré de voter».

«N’éprouvez-vous aucune honte?» a demandé Biden plaintivement.

Il a totalement omis de mentionner le nom de Trump – ou, d’ailleurs, celui de ses complices républicains dans sa conspiration. Il n’a rien dit de la menace du gouverneur du Texas Greg Abbott, soutenu par les républicains du Texas, d’arrêter 51 membres démocrates de la Chambre des députés du Texas qui ont fui l’État lundi et se sont envolés pour Washington DC afin de briser le quorum et retarder l’adoption d’une nouvelle loi de suppression des électeurs.

La Maison-Blanche a fait savoir que Biden n’avait pas l’intention de rencontrer les démocrates texans. Ceux-ci font pression pour que le gouvernement approuve une modification de la règle d’obstruction parlementaire du Sénat américain pour permettre l’adoption de deux projets de loi qui rendraient illégales de nombreuses mesures antidémocratiques dans les lois de l’État républicain et rétabliraient le principal mécanisme d’application de la loi de 1965 sur le droit de vote, invalidée par la Cour suprême en 2013.

Le mois dernier, les républicains ont voté à l’unanimité pour bloquer un vote au Sénat sur une version édulcorée de la «Loi pour le peuple», conçue par le démocrate Joe Manchin. Manchin et une poignée d’autres démocrates de droite refusent de soutenir un affaiblissement de la règle antidémocratique de l’obstruction parlementaire, pour garantir l’adoption de mesures relatives aux droits de vote.

La couardise de Biden et son insistance sur le «bipartisme» et l’«unité» avec des républicains censés être «modérés» contrastent fortement avec la sauvagerie politique du Parti républicain dominé par Trump. Abbott a donné le ton de la session législative spéciale convoquée pour faire passer son projet de loi anti-droit de vote en arrêtant et emprisonnant un travailleur afro-américain de 62 ans pour avoir voté l’an dernier alors qu’il était encore en liberté conditionnelle.

La seule action concrète annoncée par Biden dans son discours de Philadelphie équivaut à l’acceptation tacite d’une défaite des projets de loi démocrates sur le droit de vote – qui ne feraient pas grand-chose pour stopper l’attaque du droit de vote et l’accélération de la marche vers la dictature de puissantes sections de la classe dirigeante. Biden a annoncé qu’il allouait 25 millions de dollars au Comité national démocrate pour qu’il mène une campagne d’inscription et d’éducation des électeurs, basé sur les exigences plus onéreuses des mesures républicaines.

La somme dérisoire de 25 millions de dollars donne une idée des véritables priorités du gouvernement Biden et du Parti démocrate – le plus vieux parti capitaliste du monde. Biden a proposé, avec le soutien massif des démocrates du Congrès, un budget militaire record de 753 milliards de dollars. Autrement dit, il veut dépenser 30.000 fois plus pour préparer la guerre contre les puissances nucléaires rivales de l’impérialisme américain Chine et Russie, entre autres pays, que pour s’opposer à ce qu’il reconnaît être une attaque fondamentale de la démocratie.

Aucun des deux partis du capitalisme américain ni aucune autre institution officielle ne peut défendre les droits démocratiques contre la montée des forces fascistes et la croissance du militarisme. L’ascension de Trump et la transformation du Parti républicain, tout comme la trajectoire toujours plus à droite des démocrates, sont le résultat d’un processus prolongé de déclin économique dont l’expression la plus maligne est la croissance stupéfiante des inégalités sociales.

Les droits démocratiques sont incompatibles avec des inégalités sociales extrêmes et des guerres sans fin. En 2000 déjà, les démocrates avaient accepté sans combattre le vol de l’élection par la Cour suprême, qui avait interrompu le recompte des voix en Floride et donné la Maison Blanche au perdant du vote populaire, George W. Bush. Après que la Cour suprême a vidé de sa substance la Loi sur le droit de vote en 2013, le gouvernement Obama et les démocrates n’ont rien fait pour adopter une loi qui la rétablisse.

À présent, la pandémie mondiale a révélé à des milliards de personnes l’incompétence des gouvernements et des élites capitalistes et leur indifférence à la vie humaine. La pandémie a intensifié toutes les contradictions du capitalisme et porté à ébullition les tensions sociales.

Le gouvernement Biden a poursuivi la politique d’immunité collective de Trump, coûtant des centaines de milliers de vies dans l’intérêt des profits et augmentant la concentration de richesse au sommet de la société. Selon les chiffres de la Réserve fédérale, depuis le début de 2020, les 50 pour cent les plus pauvres de la population américaine ont gagné 700 milliards de dollars de richesse, tandis que les 1 pour cent le plus riche a lui, gagné dix mille milliards de dollars.

Les appels des démocrates à l’unité avec le Parti républicain de Trump sont motivés par la crainte que la classe ouvrière ne brise l’emprise des syndicats pro-entreprises et du bipartisme capitaliste. Ils veulent un État corporatiste pour rester de force maîtres de la classe ouvrière. Dans le même temps, ils encouragent la politique raciale pour diviser et désorienter la classe ouvrière.

La vague croissante de grèves aux États-Unis et dans le monde – chez Volvo Trucks en Virginie, chez les mineurs de charbon, les infirmières et bien d’autres – prend la forme d’une insurrection contre les appareils syndicaux de droite. Ces luttes vont s’intensifier. Ce qui est essentiel, c’est qu’elles acquièrent une perspective socialiste consciente fondée sur la lutte pour le pouvoir des travailleurs.

Ceux-ci finiront par comprendre qu’il n’y a pas de démocratie en dehors de la lutte pour le socialisme. Cela signifie construire le Parti de l’égalité socialiste en tant que nouvelle direction politique pour établir l’indépendance politique et l’unité internationale de la classe ouvrière.

(Article paru d’abord en anglais le 14 juillet 2021)

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