La diatribe nationaliste d’une dirigeante du Parti de gauche: une critique du nouveau livre de Sahra Wagenknecht

Deuxième partie

Die Selbstgerechten [1] («Les biens-pensants»), le dernier livre de Sahra Wagenknecht, est une diatribe populiste-nationaliste. Wagenknecht, membre éminente du Parti de gauche, s’en prend violemment au cosmopolitisme et à l’ouverture culturelle tout en promouvant le protectionnisme et un État fort. Elle dénonce les migrants et les réfugiés comme des abaisseurs de salaires, des briseurs de grève et des éléments culturels étrangers, et cherche à creuser un fossé entre les travailleurs qui ont un diplôme universitaire et ceux qui n’en ont pas. Certains paragraphes du livre peuvent également être retrouvés presque mot pour mot dans les textes de l’AfD d’extrême droite et des nazis, comme nous l’avons démontré dans la première partie de cet article.

Le nationalisme économique

Dans le domaine de la politique économique, Wagenknecht s’inspire également de l’idéologie nationaliste associée à l’extrême droite. Elle prône la démondialisation, les tarifs douaniers et autres mesures protectionnistes pour protéger les entreprises allemandes de la concurrence étrangère et le retour des chaînes de valeur dans le pays. En même temps, elle veut maintenir l’orientation exportatrice de l’économie allemande – un leader international avec un quota d’exportation de près de 50 % du PIB.

«La démondialisation augmenterait notre prospérité et rendrait notre économie moins vulnérable aux crises», affirme-t-elle. Il ne s’agit pas de «dire adieu au commerce international» mais de «chaînes de valeur mondiales», dans des conditions où «80 % de ce commerce mondial se fait aujourd’hui au sein de la chaîne de fabrication des grandes entreprises multinationales.»

«Ce n’est pas le libre-échange, mais le protectionnisme» qui a rendu l’Allemagne et les États-Unis «riches», écrit Wagenknecht, qui exige: «Nous devons changer les règles de façon à ce que chaque pays dispose à nouveau d’une plus grande marge de manœuvre pour définir sa politique économique... Ceux qui s’exposent sans protection à des importations qui sapent leurs propres normes ne sont pas ouverts au monde, mais stupides... Protéger les travailleurs et les fournisseurs nationaux des importations bon marché et des OPA hostiles est, en ce sens, un devoir démocratique.»

Sahra Wagenknecht (2017)

Un moyen simple d’y parvenir, écrit-elle, est d’instaurer des tarifs protecteurs: «Nous devons ramener la création de valeur industrielle en Europe et surmonter notre dépendance dans des secteurs clés tels que l’économie numérique... plus la valeur créée dans le pays est importante, plus la prospérité dominante est grande.»

L’affirmation selon laquelle les murs tarifaires et autres mesures protectionnistes servent à protéger les personnes socialement défavorisées et la prospérité économique est fausse dans les faits et politiquement réactionnaire.

La domination absolue et active de l’économie mondiale sur toutes les économies nationales est un fait fondamental de la vie moderne. La mondialisation de la production, combinée à des avancées technologiques exceptionnelles dans les domaines de l’informatique, des communications et des transports, a conduit à une intégration sans précédent de l’économie mondiale et a considérablement augmenté la productivité du travail.

Le progrès scientifique, la technologie moderne et la division mondiale du travail ont créé les conditions permettant de résoudre tous les problèmes fondamentaux de la société et d’enrichir énormément la vie et la culture de toute l’humanité. Pour cela, cependant, il est nécessaire de libérer les forces productives des chaînes de la propriété privée et de l’État-nation sur lesquelles repose le capitalisme.

La subordination de tous les aspects de la vie économique aux intérêts du profit privé conduit à une situation paradoxale dans laquelle l’augmentation de la richesse sociale entraîne une augmentation de la pauvreté. Une poignée de milliardaires se vautre dans un luxe fabuleux tandis que la grande majorité parvient à peine à joindre les deux bouts ou vit dans une pauvreté abjecte.

La concentration de l’économie sous le contrôle du capital financier et d’une poignée de monopoles intensifie la lutte mondiale des puissances impérialistes pour les marchés, les profits et les matières premières jusqu’au point de conflit militaire ouvert. Le nationalisme économique et la guerre commerciale s’intensifient dans le monde entier. Toutes les puissances impérialistes, y compris l’Allemagne, se réarment massivement, dépensant des milliards pour renouveler leurs arsenaux nucléaires. Les préparatifs de guerre, notamment contre la Chine, sont bien avancés.

Ce n’est qu’avec une offensive internationale de la classe ouvrière, le renversement du capitalisme et la réorganisation de l’économie mondiale sur une base socialiste, que l’on parviendra à venir à bout des inégalités sociales, à libérer le potentiel des forces productives modernes pour le progrès social et à empêcher une troisième guerre mondiale.

Les conditions objectives d’une telle offensive socialiste se développent rapidement. Les rangs de la classe ouvrière internationale ont énormément augmenté. Selon l’OIT, la main-d’œuvre mondiale est passée de 2,6 milliards à 3,3 milliards de travailleurs rien que depuis l’an 2000. Pour la première fois, la grande majorité de l’humanité vit en milieu urbain. Des régions entières du monde, autrefois essentiellement agraires, ont été intégrées dans le processus de production mondial.

Le nationalisme économique de Wagenknecht sert à diviser la classe ouvrière internationale et à soutenir la bourgeoisie allemande dans la guerre commerciale et les préparatifs de guerre contre la Chine, les États-Unis et d’autres rivaux. Sa tentative d’enfermer l’économie mondiale dans la cage de l’État-nation est dirigée contre la classe ouvrière, dont l’existence est liée aux forces productives modernes.

Une fois encore, Wagenknecht s’inspire de modèles d’extrême droite. Mussolini et Hitler avaient déjà rendu l’économie mondiale responsable de la profonde récession des années 1930 et mené une politique économique nationaliste. Léon Trotsky avait écrit à ce sujet en 1933: «Les tentatives de sauver la vie économique en lui inoculant le virus pris au cadavre du nationalisme aboutissent à cet empoisonnement du sang qui porte le nom de fascisme... Au lieu de dégager une arène suffisamment grande pour les opérations de la technologie moderne, les dirigeants coupent et mettent en pièces l’organisme vivant de l’économie.» [2]

Trotsky a averti que le nationalisme fasciste préparait «des explosions volcaniques et des affrontements grandioses dans l’arène mondiale... Toutes nos expériences à ce sujet au cours des 25 ou 30 dernières années ne sembleront qu’une ouverture idyllique comparée à la musique de l’enfer qui est imminente.»

La confirmation de l’avertissement de Trotsky se concrétisa en six ans. En 1939, l’Allemagne envahissait la Pologne et déclenchait une guerre qui signifiait – comme il l’avait prédit – «une dévastation économique complète et la destruction d’une culture entière.»

Du stalinisme au nationalisme de droite

Sahra Wagenknecht a commencé sa carrière politique dans les années 1990 en tant que porte-parole de la plate-forme dite communiste du Parti du socialisme démocratique (PDS, le prédécesseur du Parti de gauche). À cette époque, elle employait un vocabulaire marxiste et se rendait régulièrement en pèlerinage au mémorial de Rosa Luxembourg, tout en adoptant physiquement son apparence. À l’âge de 20 ans, et peu avant la chute du mur de Berlin en 1989, elle avait rejoint le Parti socialiste unifié stalinien (SED), le parti au pouvoir en ex-République démocratique allemande. Le PDS a été fondé en 1990, succédant au SED stalinien.

Staline

La phraséologie marxiste de cette période a disparu dans le dernier livre de Wagenknecht. Elle évite même soigneusement les termes «socialisme» et «socialiste»; une recherche électronique ne donne pas un seul résultat. Au lieu de cela, elle promeut explicitement le capitalisme – un capitalisme sans mondialisation, «une véritable méritocratie» où «la concurrence fonctionne» et où «la propriété privée et la recherche du profit sont les moteurs du progrès technologique», où «la propriété fondée sur le rendement réel» facilite la vie des entrepreneurs.

En apparence, Wagenknecht a effectué un virage à 180 degrés, mais cette apparence est trompeuse. Son évolution suit une logique politique. La Plate-forme communiste était un amalgame d’anciens staliniens. Elle ne défendait pas la propriété socialisée de la RDA et les acquis sociaux de l’Allemagne de l’Est qui en découlaient, mais plutôt la dictature stalinienne du SED et sa répression de la classe ouvrière – y compris la répression du soulèvement du 17 juin 1953 et la construction du mur de Berlin.

Le stalinisme s’est développé en Union soviétique dans les années 1920. La dictature de Staline incarnait le pouvoir d’une bureaucratie privilégiée qui avait connu une croissance disproportionnée et usurpé le pouvoir des soviets en raison de l’isolement et du retard économique du premier État ouvrier. Fondant ses privilèges sur la propriété socialisée créée par la Révolution d’octobre, la bureaucratie s’est sentie obligée d’adhérer à la phraséologie marxiste de la révolution, mais l’a en fait transformée en son contraire.

Au cœur de l’offensive stalinienne contre le marxisme se trouvaient un plaidoyer véhément en faveur du nationalisme et une hostilité amère envers la révolution socialiste mondiale. En 1924, la faction stalinienne promulguait la théorie de la «construction du socialisme dans un seul pays», qui était diamétralement opposée à l’internationalisme prolétarien. Cette théorie est devenue le point de départ d’une campagne contre les marxistes révolutionnaires qui a culminé avec la Grande Terreur de 1937-1938. Des centaines de milliers de révolutionnaires qui avaient joué un rôle de premier plan dans la révolution d’Octobre, dans les premières années de la République soviétique et de l’Internationale communiste sont morts au cours de la Terreur. Léon Trotsky, leader de l’Opposition de gauche, a été assassiné en exil au Mexique en 1940.

Après la Deuxième Guerre mondiale, Staline a transféré les formes de domination et de propriété de l’Union soviétique en Europe de l’Est et dans la partie orientale de l’Allemagne afin de protéger l’Union soviétique contre une nouvelle attaque impérialiste grâce à une chaîne d’États tampons. Contrairement à l’Union soviétique, ces États, y compris la RDA, n’étaient pas le résultat d’une révolution prolétarienne. L’expropriation du capital et des grandes propriétés foncières représentait certes un progrès social, mais en même temps, le régime du SED réprimait tout mouvement politique indépendant de la classe ouvrière.

Bien que le stalinisme et le fascisme aient été fondés sur des bases sociales complètement différentes – le stalinisme était un cancer parasite de l’État ouvrier, le fascisme incarnait la dictature du capital financier – il y avait des similitudes entre les deux. Tous deux étaient terrifiés par la perspective d’un mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière.

Léon Trotsky a écrit dans son livre La révolution trahie: «L’étouffement de la démocratie soviétique par la bureaucratie toute-puissante et les défaites infligées à la démocratie en d’autres pays sont dus à la lenteur dont le prolétariat mondial fait preuve dans l’accomplissement de la tâche que lui assigne l’histoire. En dépit de la profonde différence de leurs bases sociales, le stalinisme et le fascisme sont des phénomènes symétriques. Par bien des traits, ils se ressemblent d’une façon accablante. Un mouvement révolutionnaire victorieux en Europe ébranlerait aussitôt le fascisme et aussi le bonapartisme soviétique.» [3]

Trotsky a également prédit dans La révolution trahie que la bureaucratie réintroduirait inévitablement le capitalisme si la classe ouvrière ne parvenait pas à renverser la bureaucratie dans une révolution politique. Son pronostic a été confirmé en 1989-1990, lorsque les dirigeants staliniens d’Europe de l’Est, d’Union soviétique et de Chine ont réintroduit la propriété privée des moyens de production, pillé les biens de l’État et démoli tous les acquis sociaux restants de la classe ouvrière.

Le SED/PDS a également soutenu la restauration capitaliste. En 1989, il considérait que la «voie vers l’unité allemande était inévitable» et entreprit cette tâche «avec détermination», comme l’a écrit son dernier premier ministre Hans Modrow dans ses mémoires. Gregor Gysi, le président de longue date du PDS, a plus tard exprimé sa fierté d’avoir «conduit les élites de l’Est – y compris les fonctionnaires de niveau intermédiaire – vers l’unité allemande».

Au cours de la restauration capitaliste, de nombreux anciens staliniens se sont transformés en fascistes ouverts. En Russie et dans de nombreux pays d’Europe de l’Est, la transition entre les organisations néostaliniennes et fascistes reste fluide à ce jour. En Grèce, Syriza, le parti frère du Parti de gauche, n’a eu aucun problème à former une alliance gouvernementale avec les Grecs indépendants d’extrême droite en 2015 pour imposer les diktats d’austérité brutale de la Troïka face à la résistance farouche de la classe ouvrière.

Wagenknecht n’est donc qu’une femme de plus parmi les nombreux renégats staliniens qui se sont retrouvés à droite.

Corporatisme et «syndicats forts»

Le nationalisme de droite de Wagenknecht s’inscrit dans le cadre d’un virage à droite de l’ensemble du milieu syndical et social-démocrate. Depuis les années 2000, elle a aligné sa politique sur celle d’Oskar Lafontaine, son mari incidemment. Après une carrière de 40 ans au sein du SPD, Lafontaine a réuni un groupe de sociaux-démocrates et de responsables syndicaux dissidents du PDS pour former le Parti de gauche.

Pour Lafontaine, la tâche la plus importante du SPD avait été de «préserver la paix sociale» –c’est-à-dire étouffer la lutte des classes et assurer la stabilité du régime capitaliste. En 1999, il a démissionné de son poste de chef du SPD et de ministre fédéral des Finances parce qu’il estimait que les politiques du chancelier Gerhard Schröder sapaient la capacité du SPD à garder la classe ouvrière sous contrôle. La vision de Lafontaine pour le Parti de gauche, qu’il a dirigé dans ses premières années avec Gregor Gysi, était de remplacer le SPD comme principal point d’ancrage de la stabilité dans la société capitaliste.

Wagenknecht commença alors à chanter les louanges du marché libre et de la méritocratie et à vanter le type de politiques économiques «ordolibérales» associées au règne d’après-guerre du chancelier Konrad Adenauer. Son livre Freiheit und Kapitalismus (Liberté et capitalisme) a été publié en 2011 et Reichtum ohne Gier (La richesse sans cupidité – notre traduction) en 2016. Ces deux ouvrages reprennent de nombreux points que l’on retrouve dans son dernier livre. Par exemple, dans Reichtum ohne Gier, elle écrit: «Nous avons besoin de ce que les néolibéraux aiment tant écrire sur leurs bannières, mais oblitèrent dans la réalité: la liberté, l’initiative, la concurrence, la rémunération basée sur le rendement, la protection des biens acquis par soi-même.»

Dans Die Selbstgerechten (Les bien-pensants – notre traduction), Wagenknecht cite comme modèle la «république fédérale des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970». Elle la décrit comme une «'société de classe moyenne équitable' dans laquelle il n’y a plus de contrastes sociaux marqués et où tous ceux qui font des efforts et respectent les règles ont la possibilité de progresser socialement et de mener une vie prospère solide», et dans laquelle «des valeurs telles que la réussite, l’assiduité, la discipline, l’ordre, la sécurité, la stabilité et la normalité sont partagées par la classe ouvrière ainsi que par les classes bourgeoise et petite-bourgeoise traditionnelles», dans laquelle la société est «considérée comme une affaire commune dans laquelle la cohésion sociale, l’esprit public et la responsabilité comptent non seulement pour soi-même mais aussi pour les autres».

La base de ce pays capitaliste de lait et de miel, selon Wagenknecht, était «des syndicats puissants» et un État qui imposait «des règles et des restrictions dans la quête du profit.» Elle conclut: «Le capitalisme fonctionne mieux dans les industries hautement compétitives où les lois et des syndicats puissants garantissent des salaires en hausse et des normes sociales et environnementales élevées.»

Tout ceci est une déformation grotesque de la réalité historique. L’après-guerre a été marqué par la guerre froide et un climat de réaction sociale. Les échelons supérieurs des milieux d’affaires, de la politique, du gouvernement et des universités regorgeaient d’anciens nazis en Allemagne. Les acquis sociaux obtenus à l’époque étaient le résultat d’âpres luttes de classes dans le pays même, mais aussi au niveau international.

En 1956-1957, par exemple, les métallurgistes de l’État du Schleswig-Holstein ont obtenu des indemnités de maladie au terme d’une grève de 16 semaines. En France, 10 millions de travailleurs se sont mis en grève générale en 1968, entraînant le régime bourgeois au bord de l’effondrement. En 1969, des grèves de masse spontanées dans les industries allemandes de l’acier, du métal et du textile ont mis fin aux accords salariaux misérables qui avaient été conclus par les syndicats. Au début des années 1970, de vastes actions industrielles dans les industries chimiques, métallurgiques, de l’imprimerie et de l’acier, ainsi que dans le secteur public, ont abouti à des augmentations de salaire substantielles, à six semaines de congé annuel et à d’autres gains importants.

Grèves de septembre 1969 chez Hoesch à Dortmund

Les syndicats n’ont pas été les initiateurs de ces luttes. Au contraire, ils collaboraient étroitement avec les employeurs et le gouvernement dans le cadre du système allemand de «codétermination», et n’intervenaient que pour que les luttes industrielles ne mettent pas en danger le capitalisme. Si ces luttes ont néanmoins permis d’obtenir des améliorations sociales significatives, c’est uniquement parce que les entreprises pouvaient les payer dans les conditions de reprise économique de l’après-guerre.

La situation a changé après la première récession profonde des années 1970. Les syndicats se sont transformés en adversaires ouverts de la classe ouvrière. Privés par le processus de mondialisation de la capacité de négocier des compromis dans un cadre national, ils ont élaboré et appliqué les plans de licenciements et de rationalisation des entreprises sous la bannière de la «compétitivité» et de la «défense des sites de production».

Aujourd’hui, les syndicats sont profondément intégrés à l’État et aux grandes entreprises. Leurs fonctionnaires et les dirigeants des comités d’entreprise gagnent plusieurs fois le salaire d’un travailleur ordinaire. Ils passent sans problème du syndicat à la salle du conseil d’administration de l’entreprise et aux postes gouvernementaux, et agissent en tant que cogestionnaires et policiers de l’entreprise. Presque tous sans exception, ils soutiennent le réarmement intérieur et extérieur. Nombreux sont les bureaucrates syndicaux qui soutiennent l’AfD, un parti d’extrême droite.

L’appel de Wagenknecht à des «syndicats forts» vise à renforcer ces appareils réactionnaires et propatronaux. Elle fait l’éloge des syndicats. Tout en accusant les «libéraux de gauche» de toutes les conséquences négatives de la mondialisation, elle passe sous silence le rôle des syndicats et de leurs représentants qui ont signé des accords impliquant la suppression de millions d’emplois, accepté d’importantes réductions de salaire et, en tant que ministres du gouvernement, ont supervisé la réduction des allocations de chômage, des pensions et d’autres prestations sociales.

Avec son plaidoyer en faveur des syndicats propatronaux, Wagenknecht ne réinvente pas la roue. La tendance à coopérer avec les grandes entreprises et l’État caractérise depuis longtemps les syndicats. Et surtout en temps de crise et de guerre, où ils ont tendance à fusionner avec l’État. Le fascisme a porté le corporatisme à sa conséquence ultime, transformant les syndicats en organes directs de l’État.

Conclusion

L’évolution politique de Wagenknecht et du Parti de gauche ne peut être comprise que dans le contexte de changements sociaux objectifs. La lutte des classes et les tensions entre les grandes puissances impérialistes ont atteint un degré d’intensité ne permettant plus de demi-mesures. Toutes les tendances politiques sont maintenant obligées de montrer leur vrai visage.

Le capitalisme traverse sa plus grave crise internationale depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La politique des profits avant la vie menée par les classes dirigeantes en réponse à la pandémie de la COVID-19 a coûté la vie à des millions de personnes et créé une misère sociale généralisée, sans que l’on puisse en voir la fin. Parallèlement, la bourse et les fortunes des milliardaires grimpent de record en record. Des luttes de classe explosives se profilent dans le monde entier, et celles-ci prendront inévitablement une direction internationale et socialiste.

Le Parti de gauche réagit à cette évolution en poussant fortement vers la droite. L’idée que ce parti puisse contribuer au socialisme, fomentée par des courants de pseudo-gauche dans et autour de ses rangs, a toujours été une fraude colossale. Historiquement, le Parti de gauche est enraciné dans le stalinisme, l’adversaire le plus acharné du socialisme. Socialement, il s’appuie sur les membres de la classe moyenne et des appareils bureaucratiques, qui craignent qu’un soulèvement des travailleurs ne menace leurs positions privilégiées et leurs comptes en banque. Sur le plan politique, le parti est un solide pilier de la domination capitaliste.

Le parti grec Syriza, frère du Parti de gauche, a déjà démontré sa position en 2015. Confronté à l’alternative d’accepter les diktats d’austérité de la Troïka ou de les combattre, Syriza au pouvoir a fait fi du référendum même qu’il avait organisé et imposé des coupes sociales sans précédent face à la résistance farouche des travailleurs.

La classe dirigeante du monde entier répond à la crise mondiale du capitalisme en se tournant vers le militarisme et la dictature. Les inégalités sociales stupéfiantes, les attaques incessantes contre les emplois et les salaires, les millions de décès évitables dus à la COVID-19 et les préparatifs massifs de guerre sont incompatibles avec les formes démocratiques de gouvernement.

Aux États-Unis, Donald Trump est en train de transformer le Parti républicain en un mouvement fasciste, tandis que Joe Biden plaide pour l’unité avec ces mêmes républicains. En Allemagne, les lois policières réactionnaires se succèdent, des réseaux terroristes d’extrême droite se répandent dans les forces de sécurité du pays, et l’AfD, parti d’extrême droite, siège au Bundestag où il est courtisé par les autres partis. Le livre de Wagenknecht montre clairement que le Parti de gauche fait partie intégrante de ce front de droite.

Un mouvement socialiste de la classe ouvrière ne peut se construire qu’en opposition au Parti de gauche et à ses alliés de la pseudo-gauche. Le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), auquel le Parti de l’égalité socialiste (PES) est affilié, a été fondé en 1953 pour défendre le programme de la révolution socialiste mondiale contre tous ceux qui s’alignent sur le stalinisme, la social-démocratie et le nationalisme petit-bourgeois.

Aujourd’hui, la lutte politique et théorique du CIQI prend une importance énorme. Dans des conditions où la classe ouvrière se radicalise dans le monde entier et où sa lutte prend des dimensions internationales, le Parti de gauche et d’autres organisations de pseudo-gauche se déplacent rapidement vers la droite – comme le souligne le livre de Wagenknecht. Toute personne qui souhaite sérieusement lutter pour une perspective socialiste doit rejoindre le CIQI et le PES et soutenir la lutte visant à mobiliser la classe ouvrière internationale pour le renversement du capitalisme et la construction d’une société socialiste.

(Article paru en anglais le 18 juillet 2021)

Notes

[1] Sahra Wagenknecht, Die Selbstgerechten. Mein Gegenprogramm - für Gemeinsinn und Zusammenhalt, Campus Verlag Frankfurt am Main, 2021.

[2] Léon Trotsky, «Nationalisme et vie économique» (1934). https://www.marxists.org/archive/trotsky/1934/xx/nationalism.htm

[3] Léon Trotsky, La révolution trahie https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revtrahie/frodcp11.htm

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