Perspectives

Il faut s’opposer à l’interdiction de transport des immigrants sans papiers au Texas!

Mercredi, le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, a promulgué un décret interdisant à certains immigrants sans papiers de voyager dans le deuxième plus grand État du pays. Bien que ce décret soit peut-être la restriction la plus brutale du droit de voyager depuis l’internement des Japonais, il n’a reçu que peu d’attention de la part du gouvernement Biden dont la politique anti-immigrants a facilité la prise d’une telle mesure.

Cette interdiction de voyager à l’intérieur du pays est une attaque contre les droits démocratiques de toute la population et doit être activement combattue par les travailleurs, quelle que soit leur situation au regard de l’immigration. Au cours des derniers mois, Abbott a commencé à appliquer sa propre politique migratoire ; il a déployé la Garde nationale du Texas et 1.000 soldats de cet État à la frontière pour arrêter des milliers d’immigrants dans le cadre de l’ « Opération Lone Star». Il a également affecté 250 millions de dollars de fonds publics à la construction d’un mur frontalier, le tout avec l’approbation explicite de l’ex-président Donald Trump.

Le dernier décret s’applique à la fois aux immigrants libérés des centres de détention pour immigrés et à ceux entrés aux États-Unis dans les 18 derniers mois, depuis que Trump a invoqué des dispositions du Titre 42 [du Code des États-Unis], interdisant effectivement l’immigration pendant la pandémie de coronavirus. Ces dispositions déclarent que les particuliers, entreprises et organisations à but non lucratif ne peuvent transporter des personnes sans papiers et que les immigrants ne peuvent voyager que sous la garde de la police fédérale ou de celle de l’État.

Le gouverneur du Texas Greg Abbott, à gauche, s’exprime lors d’une réunion d’information sur la sécurité frontalière tandis que l’ex-président Donald Trump écoute, au bureau régional Weslaco du DPS du Texas, mercredi 30 juin 2021, à Weslaco, Texas. (Joel Martinez/The Monitor via AP, Pool)

Cette proclamation marque une escalade majeure de la stratégie de Trump et du Parti républicain visant à faire des immigrants les boucs émissaires de la propagation de la pandémie de coronavirus. Elle dit: «L’admission et le mouvement des migrants sous l’administration Biden exposent le Texas au Covid-19 et créent un désastre sanitaire au Texas… des bus entiers de migrants, dont un nombre inconnu sont infectés par le COVID-19, sont transportés vers des communautés dans tout l’État du Texas, exposant les Texans à la propagation du Covid-19.»

Elle conclut: «Aucune personne, autre qu’un agent des forces de l’ordre fédérales, étatiques ou locales, ne doit assurer le transport terrestre d’un groupe de migrants que le CBP [Customs and Border Protection – Douanes et protection des frontières] a détenus auparavant pour avoir franchi illégalement la frontière ou qui auraient fait l’objet d’une expulsion en vertu de l’ordonnance du Titre 42».

Le Parti démocrate a facilité ces mesures d’état policier. Le décret d’Abbott cite le gouvernement Biden comme source d’autorité juridique, déclarant que «le gouvernement Biden a maintenu en place l’arrêté du titre 42, et pour de bonnes raisons».

Le député démocrate du Texas Henry Cuellar s’est joint aux efforts d’Abbott pour faire des immigrants les boucs émissaires de la pandémie. Il a demandé au gouvernement Biden de «faire une pause» dans l’immigration parce que les immigrants «pourraient avoir le COVID-19». Le gouvernement Biden a porté plainte contre le décret d’Abbott, mais pas parce qu’il violait les droits démocratiques des immigrants. Le ministère de la Justice a bien plutôt affirmé dans sa plainte que le Texas usurpait les pouvoirs du gouvernement fédéral en fait de réglementation migratoire.

Étant donné que le CBP libère les immigrants des centres de détention en les déposant aux arrêts de bus situés à proximité, l’ordonnance créera effectivement des campements de sans-abri aux arrêts de bus dans des villes frontalières comme McAllen, El Paso et Brownsville.

L’ordonnance s’applique également aux nouveaux arrivants qui ont échappé à la détection, mais qui seraient refoulés en vertu du Titre 42 s’ils étaient pris. Cela signifie que des milliers de sans-papiers pauvres dans des grandes villes comme Dallas, Houston et San Antonio seraient désormais incapables de se déplacer en véhicule motorisé, même pour aller au travail ou au supermarché, de peur d’être arrêtés et expulsés sur-le-champ.

Pour faire appliquer l’ordonnance, Abbott a donné à la police des pouvoirs allant même au-delà de ce que les républicains de l’Arizona avaient tenté de faire avec la notoire Loi 1070 du Sénat en 2010. La police peut ainsi arrêter tout véhicule qu’elle «soupçonne raisonnablement» de transporter des immigrés sans papiers ; un chèque en blanc pour le profilage racial dans un État qui compte une majorité de Latino-Américains. Les véhicules ayant à bord des immigrants sans papiers seront escortés jusqu’à leur point d’origine où jusqu’à la frontière avec le Mexique. L’État mettra en fourrière les véhicules transportant «illégalement» des personnes sans papiers.

L’affirmation que cette mesure est une nécessité sanitaire n’est qu’un prétexte cynique. Pendant la pandémie, Abbott a activement combattu toutes les restrictions sanitaires pour les entreprises. Vingt-quatre heures après avoir interdit aux immigrants de voyager au motif de la santé, il a publié un autre décret interdisant aux municipalités de rendre obligatoires la vaccination ou le port du masque. Alors que les cas se multiplient au Texas, le gouvernement texan encourage le scepticisme à l’égard des vaccins et mobilise la pire arriération pour garantir les profits des entreprises, quel qu’en soit le coût humain.

L’ordre d’Abbott fait partie de la stratégie fasciste suivie par Donald Trump. Et son gouvernement a fait du Texas le centre des efforts de Trump et du Parti républicain pour restreindre le droit de vote dans tout le pays.

En juin, Trump a rendu visite à Abbott au Texas et a déclaré: «Nous avons une frontière ouverte, vraiment dangereuse. Nous ferions mieux d’y retourner rapidement». En avril, le procureur général du Texas et allié de Trump, Ken Paxton, avait intenté un procès au gouvernement Biden pour exiger une expulsion plus rapide des demandeurs d’asile. Paxton a été rejoint dans ce procès par l’America First Legal Foundation, un groupe juridique fondé par le conseiller fasciste de Trump Stephen Miller.

Samedi, ce dernier est apparu sur le «Hannity Show» de Fox News pour y discuter sa collaboration avec le gouvernement Abbott et la création d’un nouvel axe dans l’assaut contre les immigrants.

Miller a déclaré: «Nous avons une immigration illégale sans entrave, sans retenue, sans contrôle. Il y a de personnes qui sont positives au COVID et qui sont libérées au Texas, en Arizona, dans tout le pays. Cela se passe au moment même où vos enfants souffrent de ces restrictions onéreuses… [les immigrants ne sont pas] sélectionnés, contrôlés, vaccinés ou masqués. Ils propagent le COVID et apportent de nouveaux variants dans le pays». Il a encore affirmé que les démocrates voulaient que les immigrants votent illégalement.

En réalité, le gouvernement Biden a poursuivi les attaques du gouvernement Trump contre les immigrants. La semaine dernière, il a annoncé qu’il reprenait les vols de déportation accélérée pour les familles. Le ministère de la Sécurité intérieure a annoncé: «En plaçant en procédure d’expulsion accélérée les familles qui ne peuvent être expulsées en vertu du Titre 42, nous montrons clairement que ceux qui ne remplissent pas les conditions requises pour rester aux États-Unis seront rapidement expulsés.» Lors d’un voyage au Guatemala en juin, la vice-présidente Kamala Harris avait mis en garde les Centraméricains qui fuient la violence et la pauvreté causées par un siècle d’exploitation impérialiste: «Ne venez pas.»

Tout au long de la présidence de Trump, le Parti démocrate a systématiquement démonté les manifestations contre l’attaque fasciste des immigrants par Trump. Alexandria Ocasio-Cortez, des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), a joué un rôle essentiel dans cette opération. Elle s’est rendue à la frontière texane pendant la présidence de Trump et a feint la colère face à la détention d’enfants, mais elle a défendu la même politique lorsqu’elle fut menée par Biden ; elle a dénoncé les critiques de gauche de sa politique migratoire les traitant de «privilégiés» et d’«acteurs de mauvaise foi».

Les travailleurs pauvres d’Amérique centrale ne sont pas responsables de la propagation du coronavirus. Comme avec son mensonge du ‘labo de Wuhan’, la classe dirigeante américaine cherche à rejeter sur d’autres une responsabilité pour la pandémie qui est clairement la sienne. La politique bipartite qu’elle a menée a consisté à s’opposer aux restrictions sanitaires et à forcer les travailleurs à reprendre le travail pour garantir les profits de la grande entreprise. Sept mois après la tentative de putsch de Trump le 6 janvier, l’extrême droite poursuit son attaque des droits démocratiques. L’assaut d’Abbott, Trump et Miller contre les immigrants au Texas est une attaque lancée contre les droits de toute la classe ouvrière. Elle doit être combattue.

(Article paru d’abord en anglais le 3 août 2021)

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