Un amiral américain prévient la Chine : «nous avons la meilleure armée du monde»

L’amiral John Aquilino, chef du commandement américain pour la région indo-pacifique, a renouvelé ses avertissement au sujet d’un conflit avec la Chine au sujet de Taïwan, lors de la conférence annuelle d’Aspen sur la sécurité, la semaine dernière. Il s’est dit préoccupé par les actions de la Chine à l’égard de Taïwan, puis a rassuré l’auditoire en affirmant que les États-Unis étaient en mesure de mener une action militaire contre elle.

Interrogé sur la capacité des États-Unis à défendre Taïwan, Aquilino a rejeté toute suggestion que les États-Unis seraient sur le déclin. «Je veux être très clair – nous avons la meilleure armée du monde sur la planète. Nous sommes ici pour continuer à opérer afin d’assurer la paix et la prospérité dans la région. Nous devons être en mesure de garantir le maintien du statu quo en ce qui concerne Taïwan», a-t-il déclaré.

L’amiral de la marine américaine John C. Aquilino, avril 2021 (Département de la défense des États-Unis)

Le général Charles Flynn, commandant de l’armée du Pacifique, a fait des remarques similaires la semaine dernière. Interrogé sur la capacité des États-Unis à contrer une invasion chinoise de Taïwan, il a déclaré: «L’armée est toujours capable de se déployer rapidement. Et nous disposons d’un éventail de forces ici dans le Pacifique – des troupes d’entrée en force aux troupes motorisées, en passant par le soutien, les communications, la cybernétique, la guerre électronique, le renseignement, l’assistance aux forces de sécurité… qui peuvent se déplacer rapidement et à grande échelle».

Alors que Washington accuse constamment Pékin d’une agression potentielle envers Taïwan, ce sont les États-Unis qui bouleversent le statu quo qui a sous-tendu les relations avec la Chine ces 50 dernières années. L’établissement de relations diplomatiques entre les États-Unis et la Chine à la suite de la visite du président Nixon en Chine en 1972 était fondé sur la reconnaissance par Washington de la politique d’«une seule Chine» ; à savoir que Pékin était le gouvernement légitime de toute la Chine, y compris Taïwan.

Trump et maintenant Biden ont mis fin aux protocoles diplomatiques qui limitaient les contacts entre Washington et Taipei, afin de permettre des contacts de haut niveau entre responsables américains et taïwanais. Pékin a averti à plusieurs reprises qu’il utiliserait la force militaire pour unifier l’île avec la Chine si Taipei tentait de déclarer officiellement son indépendance. Pourtant, en renforçant les liens avec Taïwan, Washington encourage le gouvernement du Parti démocratique progressiste de Taipei à faire exactement cela.

La semaine dernière, l’administration Biden a donné son feu vert à une nouvelle vente d’armes américaines à Taïwan, une enveloppe de 750 millions de dollars qui comprend de nouveaux systèmes d’artillerie – 40 obusiers automoteurs moyens M109A6 – et des équipements connexes. Cette dernière vente vient s’ajouter à un contrat d’armement de 1,8 milliard de dollars pour Taïwan qui comprend des capteurs, des lance-roquettes et de l’artillerie, proposé en octobre dernier par le gouvernement Trump.

Dans sa déclaration, le ministère chinois des Affaires étrangères s’est «fermement opposé» à la proposition de vente d’armes du gouvernement Biden, avertissant qu’elle envoyait le mauvais message aux partisans de l’indépendance à Taïwan et nuisait « gravement aux relations sino-américaines ainsi qu’à la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan». Il a averti que la Chine prendrait «les contre-mesures appropriées et nécessaires».

Le gouvernement Biden a poursuivi et intensifié la confrontation des États-Unis avec la Chine qui a commencé avec le «pivot vers l’Asie» d’Obama et s’est intensifiée sous Trump ; celui-ci a lancé ce qui ne peut être décrit que comme une guerre économique. Malgré sa propagande, Washington ne se préoccupe pas de la «paix» ou des «droits de l’homme», mais cherche plutôt à empêcher la Chine de menacer l’hégémonie mondiale des États-Unis par tous les moyens disponibles, y compris militaires.

Le danger d’une guerre a été souligné en mars, à la fois par Aquilino et par l’amiral Philip Davidson, le chef sortant du commandement indo-pacifique. En plaidant, lors d’un témoignage au Congrès, pour un doublement du budget de l’INDOPACOM, Davidson a averti que les États-Unis «pourraient être en guerre avec la Chine au sujet de Taïwan au cours des six prochaines années». Se référant aux remarques de Davidson, Aquilino avait déclaré dans son témoignage que «ce problème est beaucoup plus proche de nous que la plupart ne le pensent.»

Contrairement à Trump, Biden a activement cherché à mobiliser le soutien des alliés des États-Unis. Le premier voyage à l’étranger de son secrétaire d’État, Antony Blinken, fut au Japon et en Corée du Sud. Il s’agit des deux principaux alliés militaires de Washington en Asie du Nord-Est, qui abritent d’importantes bases militaires américaines et plus de 80.000 militaires.

Le Japon hausse de plus en plus le ton sur la «défense» de Taïwan, une colonie japonaise entre 1910 et 1945. Au début du mois, le ministre japonais de la Défense, Nobuo Kishi, le frère cadet de l’ancien premier ministre Shinzo Abe, a appelé la «communauté internationale» à accorder une plus grande attention à la «survie de Taïwan». Kishi, un militariste de droite, est connu pour ses liens étroits avec des politiciens taïwanais.

La semaine dernière, Aquilino s’en est également pris à la Chine pour sa «revendication illégale de l’ensemble de la mer de Chine méridionale» et son impact négatif sur «tous les pays de la région..... qu’il s’agisse de la pêche ou de l’accès aux ressources naturelles». Il ajouta: «Ce sont ces éléments qui me poussent à croire que notre exécution de la dissuasion intégrée doit se produire maintenant, et avec un sentiment d’urgence».

Washington ne se préoccupe en rien des droits de pêche et des droits économiques des voisins de la Chine. Il a ignoré pendant des décennies les conflits territoriaux envenimés en mer de Chine méridionale. Mais quand Barack Obama a annoncé son «pivot vers l’Asie», la secrétaire d’État Hilary Clinton est intervenue pour déclarer que les États-Unis avaient un «intérêt national» en mer de Chine méridionale.

Durant la dernière décennie, le Pentagone a monté un nombre croissant de prétendues opérations de «liberté de navigation», envoyant de manière provocante navires et avions de guerre pour contester directement les revendications territoriales chinoises. Les stratèges américains considèrent que le contrôle de la mer de Chine méridionale, qui jouxte les bases militaires chinoises importantes de l’île de Hainan, est essentiel pour organiser des attaques militaires et imposer un blocus économique à la Chine en temps de guerre.

L’appel d’Aquilino au «sentiment d’urgence» pour la mise en place d’une «dissuasion intégrée» dans ces eaux stratégiques et contestées est un appel aux armes non seulement pour Washington, mais pour ses alliés. Le danger de guerre est mis en évidence par le fait que la semaine dernière, alors que des navires de guerre chinois et russes se livraient à des exercices conjoints en mer de Chine méridionale, le Pentagone a annoncé qu’il avait lancé son exercice à grande échelle (LSE) 2021 dans la région, avec les forces navales britanniques, australiennes et japonaises.

Les remarques d’Aquilino la semaine dernière ont été reprises lundi par le secrétaire d’État Blinken, qui a déclaré au Conseil de sécurité des Nations unies qu’un conflit «aurait de graves conséquences mondiales pour la sécurité et le commerce… Lorsqu’un État ne risque aucune conséquence s’il ignore ces règles, il alimente une plus grande impunité et une plus grande instabilité partout».

En réalité, en organisant de manière provocante des exercices navals à grande échelle à proximité de la Chine continentale, les États-Unis créent les conditions d’un incident militaire, délibéré ou accidentel, qui pourraient conduire à une escalade dangereuse du conflit entre les deux puissances nucléaires.

(Article paru d’abord en anglais le 11 août 2021)

Loading