69 morts en Algérie alors que les incendies dévastent le Bassin méditerranéen

Au moins 69 personnes, selon les derniers reportages, ont trouvé la mort en Algérie dans des incendies qui ravagent le nord du pays et tout le Bassin méditerranéen. C’est la plus grande perte en vies dans cette série d’incendies, nourris pas une sécheresse et une canicule record, qui s’étendent à présent de la Turquie et la Grèce à travers les Balkans, l’Italie et l’Espagne jusqu’en Algérie.

En Algérie, les incendies se concentrent surtout en Kabylie, dans le nord du pays à l’est de la capitale, Alger. Le régime algérien a donné des indications parcellaires sur les pertes militaires, alors que de nombreux villages sont cernés par d’immenses flammes dans les montagnes de Kabylie.

«C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès de 25 éléments de l’Armée Nationale Populaire (ANP) après avoir réussi à secourir plus de 100 citoyens des feux de forêts de Béjaïa et Tizi-Ouzou», a déclaré mardi le président algérien, Abdelmajide Tebboune. Le ministère de la Défense Nationale a précisé que 18 des militaires décédés et six brûlés relevaient du 57e Bataillon Léger d’Infanterie stationné à Ichelladhen. Sept autres blessés dont quatre brûlés en état grave relevaient du 4e Bataillon d’Infanterie Autonome.

Les militaires et les autorités locales recensent de nombreuses victimes civiles, souvent des agriculteurs morts alors qu’ils tentaient de protéger leurs exploitations. Hier, 26 morts ont été découverts dans le seul village d’Agulmim.

Mercredi matin, la Direction générale de la Protection civile algérienne recensait 69 incendies dans 14 wilayas (préfectures) du pays. La wilaya de Tizi Ouzou, la plus gravement touchée, regroupait 24 de ces incendies; depuis le 9 août, elle a enregistré 116 incendies au total.

Déjà ébranlée en 2019 par le hirak, les manifestations de masse de jeunes et de travailleurs contre le régime militaire, la classe dirigeante algérienne s’est vue forcée de critiquer l’accablant manque de moyens dont dispose Alger pour combattre les incendies. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), nationaliste-berbère et le Parti des travailleurs (PT), proche du régime algérien, ont tous deux critiqué l’absence de Canadairs. Déjà en juin, les incendies à Khenchela avaient démontré la nécessité d’acquérir ce type d’équipement.

Hier, lors d’une allocution télévisée, Tebboune a annoncé que l’arrivée de Canadairs permettrait de maîtriser les incendies. Actuellement, Alger doit utiliser des hélicoptères militaires pour déverser de l’eau sur les incendies.

Tebboune a déclaré: «J’ai donné les instructions au premier ministre dès le début les incendies afin d’affréter des Canadairs auprès de nos partenaires européens, mais malheureusement aucun pays n’avait répondu favorablement à notre demande, car tous les avions étaient déployés en Grèce et en Turquie. Deux avions français sont arrivés aujourd’hui, deux autres espagnols devront arriver demain et un autre avion suisse devrait arriver dans trois jours. Avec tous ces avions, nous allons pourvoir bien maîtriser ces feux de forêts ».

Tebboune a ajouté que l’ANP serait désignée pour coordonner l’achat par l’État algérien de Canadairs auprès des constructeurs.

Hier, les Canadairs français ont commencé leurs opérations en déversant de l’eau sur des incendies dans la région de Béjaïa. Le président français Emmanuel Macron avait déclaré mercredi sur Twitter: «Face aux drames auxquels sont confrontés les amis de la France, notre solidarité est sans réserve. Au peuple algérien, je veux apporter tout notre soutien. Dès demain, deux Canadairs et un avion de commandement seront déployés en Kabylie en proie à de violents incendies ».

En réalité, l’enfer que vivent l’Algérie et l’ensemble du Bassin méditerranéen souligne surtout le manque de préparation et de coordination internationale face au réchauffement climatique. La responsabilité incombe surtout aux puissances impérialistes européennes. Alors que les pays d’Europe augmentent à coups de milliards d’euros leurs budgets militaires, et que Paris envoie bombardiers et drones faire la guerre au Mali et à travers le Sahel, les infrastructures les plus essentielles contre les incendies manquent cruellement.

Les conditions de chaleur et de sécheresse extrêmes que connaissent actuellement de grandes parties du Bassin méditerranéen ont mis à nu cette faillite des classes dirigeantes. Une canicule bat tous les records de température dans la région, avec 49 degrés en Sicile, en Turquie et en Tunisie.

Ces conditions provoquent une vague de méga-incendies. En huit jours, la Grèce a vu 586 incendies qui ont fait trois victimes. Plusieurs centaines d’incendies en Turquie ont fait au moins huit morts, et l’Italie pleure quatre morts dans plus de 500 incendies à travers le pays, avec la déclaration d’un état d’urgence en Sicile. Dans l’ex-Yougoslavie, la Macédoine du Nord a déclaré un état d’urgence face aux incendies qui ravagent aussi la région frontalière entre la Bosnie et la Croatie.

Dans l’analyse finale, la cause de ces conditions désastreuses est l’incapacité et le refus des classes dirigeantes à travers le monde, sur plusieurs décennies, de planifier une politique environnementale capable d’enrayer le réchauffement climatique. Selon plusieurs investigations et modélisations scientifiques, ce réchauffement va impacter la Méditerranée avec une violence particulière.

« Sur tout le pourtour méditerranéen, le climat sera désertique à la fin du 21e siècle », a déclaré Levent Kurmaz de l’Université Bogazici, située à Istanbul, au Independent britannique. Ce journal a ajouté qu’à «la fin de ce siècle, le climat dans le sud de la Turquie, de la Grèce et de l’Italie sera similaire à celui du Caire ou de Bassora dans le sud de l’Irak ».

Tebboune et d’autres responsables algériens clament haut et fort que tous ces incendies sont tous criminels et ont lancé une vague d’arrestations visant prétendument à identifier des pyromanes. Un homme de 35 ans, Djamel Bensmaïl est mort lynché à Larbaâ Nath Irathen mardi, après avoir été pris pour un pyromane alors qu’il venait de Miliana pour aider à lutter contre les incendies. Hier, des habitants de la ville ont présenté des excuses au père de Djamel.

Or, il est évident que la cause fondamentale de ces incendies et surtout de l’ampleur qu’ils prennent est le réchauffement climatique et la gestion désastreuse de l’économie par la classe capitaliste.

Hier, l’ex-directeur de la Faune et de la Flore à la Direction générale des forêts (DGF) algérienne, Abdelkader Benkheira, a expliqué la vulnérabilité des forêts du Bassin méditerranéen aux incendies, liée au réchauffement climatique. Il a dit à Middle East Eye: «Ce patrimoine forestier est fortement résineux et inflammable. Il est également accompagné d’un cortège forestier tout aussi inflammable tel que les maquis et les garrigues, dans lesquels poussent des arbres comme le chêne et l’olivier ».

Des conditions météorologiques comme celles d’aujourd’hui, a-t-il ajouté, provoquent incendies et explosions: « La forêt étant un milieu vivant, l’arbre et la résine en particulier transpirent et dégagent des gaz appelés terpènes. Ces gaz quasiment inflammables vont jouer davantage en faveur de la propagation de ces feux, ce qui est même susceptible de créer des explosions à l’intérieur des massifs forestiers, surtout en zone accidentée, lorsque l’air n’est pas véhiculé. Nous assistons ainsi à un phénomène de concentration de gaz qui peut créer cette auto-combustion ».

Le réchauffement climatique, qui intensifie aussi le manque d’eau, crée les conditions pour la généralisation de pareils méga-incendies.

Benkheira a expliqué: « Induit par le réchauffement climatique, le stress hydrique est en train de peser de tout son poids sur les forêts méditerranéennes, renforcé par une augmentation des températures et des fréquences des vents. Ceci explique le rallongement de la période estivale … Le stress hydrique correspond à la réduction de l’humidité dans le sol. Ce sol non arrosé donne lieu à une végétation stressée, car quasiment sèche, donc facilement inflammable. À ceci s’ajoute l’éolisation, à savoir des séquences de vents violents ».

Alors que la mort de millions de personnes dans la pandémie de Covid-19 souligne la défaillance la criminalité politique des élites dirigeantes capitalistes, les incendies dans le Bassin méditerranéen indiquent à nouveau la nécessité pour les travailleurs de les renverser à travers une révolution socialiste qui permettrait d’imposer une politique sanitaire et environnementale rationnelle.

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