Nouvel avertissement de la secrétaire américaine au Trésor sur le plafond de la dette

La secrétaire d’État au Trésor américain, Janet Yellen, a renouvelé son appel au Congrès pour qu’il relève le plafond de la dette lorsqu’il votera à ce propos la semaine prochaine ; elle a prévenu que l’absence d’une telle mesure entraînerait une «catastrophe économique».

La secrétaire au Trésor Janet Yellen s’exprime lors d’une conférence de presse, à l’occasion de la réunion des ministres de l’Économie et des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G20 à Venise. (AP Photo/Luca Bruno) [AP Photo/Luca Bruno]

Plus tôt ce mois-ci, Yellen a adressé au Congrès une lettre appelant à un accord bipartite sur cette question ; elle la suivre celle-ci dimanche d’un article d’opinion publié au Wall Street Journal (WSJ).

Le fait qu’elle ait ressenti le besoin de placer un article dans les pages du WSJ, le principal porte-parole de la finance aux États-Unis, indique le sérieux avec lequel on considère cette question au gouvernement Biden.

Dans ce dernier commentaire, Yellen réitère son avertissement que si le plafond n’était pas relevé, à un moment donné en octobre, il n’était pas possible de dire quand, le département du Trésor serait à court de liquidités et le gouvernement fédéral serait incapable de payer ses factures.

«Les États-Unis ont toujours payé leurs factures à temps, mais l’immense consensus parmi les économistes et les responsables du Trésor des deux partis est que le fait de ne pas relever le plafond de la dette entraînerait une catastrophe économique généralisée» écrit-elle.

Yellen fait remarquer que le plafond de la dette a été relevé environ 80 fois depuis 1960. Dans le passé, cela s’était généralement fait sans conflit, à l’exception notable de 2011 où, comme elle le rappelle: «la politique de la corde raide en matière de limite de la dette» sous le gouvernement Obama avait « poussé l’Amérique au bord de la crise».

Compte tenu de la situation au Congrès, où de larges pans du Parti républicain continuent la campagne sur une «élection volée» qui a facilité la tentative de coup d’État du 6 janvier, Yellen estime qu’une crise, encore plus importante que celle d’il y a dix ans, pourrait éclater sur la question de la dette.

Faisant clairement appel à des sections du capital financier à intervenir directement, Yellen a déclaré que les États-Unis n’avaient jamais fait défaut et le faire «précipiterait probablement une crise financière historique qui aggraverait encore les dégâts dû à la crise sanitaire persistante».

Elle a prévenu qu’un défaut de paiement déclencherait une flambée des taux d’intérêt, une chute brutale du marché boursier et d’autres turbulences financières. «Notre reprise économique actuelle se transformerait en récession, avec des milliards de dollars de croissance et des millions d’emplois perdus».

La Chambre des députés votera la semaine prochaine sur l'opportunité de relever le plafond de la dette de vingt huit mille milliards de dollars. Le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, et ceux de la Chambre ont déclaré qu'ils ne devraient pas avoir à voter un projet de loi destiné à financer les dépenses d’un gouvernement Biden auquel ils sont opposés. Quelque 46 sénateurs républicains ont signé une lettre indiquant qu'ils ne voteraient pas pour un projet de loi autonome visant à relever le plafond.

Dans son article d’opinion, Yellen répète ce qu’elle avait dit dans sa lettre au Congrès :l’autorisation d’une dette accrue ne visait pas à faciliter des dépenses supplémentaires mais à couvrir des engagements déjà pris. Elle a noté que 97 pour cent du montant étaient «encourus par des congrès et des gouvernements antérieurs» et que «même si le gouvernement Biden n’avait autorisé aucune dépense, nous devrions quand même nous occuper du plafond de la dette maintenant».

Comme sur toutes les autres questions, et plus particulièrement sur la tentative de coup d’État fasciste, Yellen en appelle à ceux que les démocrates nomment leurs «collègues républicains» à respecter les normes antérieures ; «payer les factures de l’Amérique» ne devait pas être une question controversée. Elle rappelle que sous le gouvernement de Donald Trump, «le Congrès a suspendu le plafond de la dette à trois reprises avec un soutien bipartite et sans grande fanfare. Pour cette raison, je suis convaincue que nos législateurs se pencheront à nouveau sur le plafond de la dette, mais ils doivent agir rapidement.»

Il y a là une contradiction évidente. Si Yellen était convaincue que la question pouvait être résolue «sans fanfare», elle n’aurait pas jugé nécessaire d’écrire publiquement sur la question deux fois au cours de la semaine écoulée, annonçant une «catastrophe» si elle n’était pas réglée.

Yellen a également mis en garde contre toute solution de dernière minute. «Il y a une grande différence entre éviter le défaut de paiement quelques mois ou quelques minutes avant », écrit-elle. En 2011, le conflit avait conduit à la dégradation de la note de crédit de l’Amérique. Un «grave repli boursier» avait eu lieu. Cela avait entraîné «des perturbations sur les marchés financiers qui ont persisté des mois.»

Ses avertissements interviennent dans un contexte d’incertitude sur les marchés financiers quant à l’orientation de la politique monétaire de la Réserve fédérale, intensifiée par la chute brutale des marchés lundi suite à la crise de la dette du grand promoteur immobilier chinois Evergrande.

L’organe de décision de la Réserve fédérale se réunira pendant deux jours cette semaine. La question clé sera le calendrier et la quantité de la «réduction progressive» de son programme d’achat d’actifs. Celui-ci est actuellement de 120 milliards de dollars par mois, et fut initié en réponse à l’effondrement des marchés financiers de mars 2020 au début de la pandémie.

La Réserve fédérale est divisée entre ceux qui soutiennent que cette réduction progressive doit commencer rapidement et ceux qui craignent qu’un tel mouvement trop soudain ne déclenche des turbulences financières, les marchés étant devenus ultra-dépendants du flux d’argent de la banque centrale.

Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, cherche à trouver un équilibre entre les deux camps. Il a déclaré qu’une réduction des achats d’actifs d’ici la fin de l’année pouvait être «appropriée» ; tout en insistant pour dire que cela ne devait pas être considéré comme le signal que la Réserve fédérale était prête à relever son taux d’intérêt de base, actuellement proche de zéro.

Des commentateurs, tels que l’ancien secrétaire au Trésor Lawrence Summers, ont averti que la politique actuelle d’argent facile de la Réserve fédérale risquait de créer une situation de «stagflation», une hausse des prix dans un contexte de ralentissement économique.

L’analyste financier Mohamed El-Erian a réitéré ses précédents avertissements sur les dangers de la politique actuelle de la Réserve fédérale dans un commentaire publié lundi sur Bloomberg. Il a demandé à la Réserve fédérale de commencer immédiatement à réduire ses achats d’actifs pour les éliminer complètement d’ici le premier semestre de l’année prochaine, et à signaler un relèvement progressif des taux d’intérêt au second semestre.

Mais il a conclu que la Réserve fédérale était plus susceptible d’adopter une «approche douce» en raison de la mesure dans laquelle «les liquidités de la banque centrale ont gonflé la valorisation des actifs», entraînant un «découplage des fondamentaux économiques sous-jacents».

Aussi séduisante qu’elle paraisse, poursuit-il, cette approche est à courte vue car elle a permis aux risques financiers et économiques de s’accroître et, lorsque la Réserve fédérale «se voit contrainte d’appuyer sur le frein, la fenêtre pour le faire de manière ordonnée peut s’avérer très étroite».

(Article paru d’abord en anglais le 21 septembre 2021)

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