Un rapport du Sénat confirme les efforts de Trump pour impliquer le ministère de la Justice dans le coup d’État tenté le 6 janvier

Jeudi, le président de la commission judiciaire du Sénat, le sénateur Dick Durbin (Illinois), a publié un rapport provisoire. Le rapport se concentre sur les agissements de l’ancien président Donald Trump et de ses alliés de la Maison-Blanche et du Parti républicain après sa défaite électorale pour forcer les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice (DoJ) à soutenir leurs affirmations bidon d’une élection frauduleuse afin de réaliser un coup d’État fasciste.

Sur cette photo d’archives du 5 décembre 2020, le président Donald Trump s’exprime lors d’un rassemblement de campagne pour les candidats républicains au Sénat à Valdosta, Georgia. Un rapport de la majorité démocrate de la commission judiciaire du Sénat détaille l’effort extraordinaire de Trump pour annuler l’élection présidentielle de 2020 qu’il a perdue. (AP Photo/Evan Vucci, File)

Le rapport explosif est intitulé «Subversion de la justice: comment l’ancien président et ses alliés ont fait pression sur le DoJ pour renverser l’élection de 2020». Il confirme plusieurs épisodes détaillés au cours de l’année dernière sur le World Socialist Web Site concernant les manigances de Trump qui ont conduit à l’attaque du 6 janvier contre le Capitole. Il s’agit notamment des tentatives répétées de Trump et de ses alliés de la Maison-Blanche de forcer les responsables du DoJ à rendre publiques des enquêtes inexistantes sur des activités frauduleuses présumées concernant le vote illégal de mineurs en Géorgie, et sur des satellites-espions italiens et des machines de Dominion Voting Systems mises à contribution pour tenter de fausser le comptage ou de modifier le total des votes en faveur de Biden. Le rapport couvre la période cruciale entre la défaite électorale de Trump face à Joe Biden en novembre et une réunion cruciale de «2 à 3 heures» le 3 janvier dans le bureau ovale de la Maison-Blanche. Au cours de cette réunion, de hauts responsables du DoJ ont menacé de démissionner en masse en réponse à la tentative de Trump d’évincer le procureur général par intérim Jeffery Rosen.

En décembre, Rosen a remplacé Bill Barr, qui avait récemment démissionné après avoir résisté aux efforts de Trump pour «enquêter» sur ses mensonges électoraux. Trump a cherché à remplacer Rosen par le procureur général adjoint par intérim de la division civile, Jeffrey Clark.

Le conseiller juridique de la Maison-Blanche, Pat Cipollone, qui a également menacé de démissionner, a dit à Trump que ses efforts pour renvoyer Rosen et installer Clark équivalaient à un «pacte de meurtre-suicide», a déclaré Donoghue au Comité.

Clark, comme le détaille le rapport, a complètement soutenu les mensonges de Trump. Contrairement à Rosen, il était prêt à signer une lettre (qu’il a rédigée) qui devait être envoyée aux États pivots de l’élection. Le but était de faire pression sur les législatures des États pour qu’elles élisent une nouvelle liste de grands électeurs afin de renverser le vote du Collège électoral. Durbin a déclaré, dans des commentaires adressés aux médias et au Sénat, que «nous étions à mi-chemin d’une véritable crise constitutionnelle». Sans le vouloir, il a souligné à quel point les États-Unis étaient proches d’un coup d’État fasciste, voire d’une guerre civile.

Sur les ondes de CNN, Durbin a déclaré que «… si Jeffrey Rosen, Richard Donoghue et huit membres du ministère de la Justice ne s’étaient pas levés. S’ils n’avaient pas dit: “Nous démissionnerons si vous retirez Rosen du tableau et y mettez Jeffrey Clark”. Si nous n’avions pas fait ces efforts, nous aurions pu assister à l’effondrement de ce ministère de la Justice en une entité politique. Ils [Trump et ses alliés] avaient déjà leur successeur trié sur le volet. C’était un homme nommé Jeffrey Clark, prêt à prendre la relève, et il était impliqué dans des domaines qu’il n’aurait pas dû toucher en tant que chef de la division civile».

Le rapport détaille neuf cas spécifiques dans lesquels Trump a fait pression sur la direction du DoJ pour soutenir ses affirmations frauduleuses d’une élection volée, à partir du 15 décembre 2020 et jusqu’au 3 janvier 2021. Le rapport note que les efforts répétés de Trump pour enrôler les avocats du DoJ dans la perpétuation de ses mensonges électoraux «ont sans doute violé les dispositions pénales du Hatch Act. Cette loi empêche toute personne – y compris le président – de commander aux employés du gouvernement fédéral de s’engager dans une activité politique».

Les neuf cas survenus en moins de trois semaines comprennent des réunions et des appels téléphoniques à la Maison-Blanche au cours desquels Trump a harcelé Rosen et Donoghue, séparément ou ensemble, pour qu’ils ouvrent des enquêtes et intentent des poursuites au nom de Trump. Lorsqu’il s’entretenait avec les avocats du DoJ, Trump déplorait généralement le fait que le ministère ne faisait pas assez pour lutter contre la «fraude électorale», indique le rapport.

Le rapport attire l’attention sur le rôle clé joué par l’ancien membre républicain du Congrès et chef de cabinet de Trump à la Maison-Blanche, Mark Meadows, pour faire pression sur le DoJ. Le rapport affirme que la conduite de Meadows a violé «des restrictions de longue date sur les communications entre la Maison-Blanche et le DoJ concernant des questions spécifiques d’application de la loi». Le rapport indique que Meadows a contacté Rosen à quatre reprises pour lui suggérer d’enquêter sur des allégations bidon de fraude électorale en Géorgie, en Italie et au Nouveau-Mexique.

Fait non relaté jusqu’ici par le WSWS, le rapport a révélé qu’après avoir rencontré Trump pour discuter de l’annulation de l’élection, Jeffrey Clark a dit à Rosen que Trump cherchait à le remplacer puisqu’il ne voulait pas suivre ses plans. Toutefois, si Rosen acceptait de tenir une conférence de presse pour annoncer une enquête sur les allégations bidon de fraude électorale de Trump et s’il envoyait une lettre, préalablement rédigée par Clark, aux législatures des États leur suggérant de nommer de nouveaux grands électeurs en faveur de Trump, il déclinerait l’offre de Trump de remplacer Rosen.

Comme on le sait depuis au moins novembre dernier, le rapport confirme que Trump a travaillé de concert avec le mouvement «Arrêter le vol [de l’élection] (Stop the Steal)» pour faire pression sur le DoJ afin qu’il l’aide à annuler les résultats. Trump a été soutenu dans ces efforts par des législateurs républicains, notamment le représentant Scott Perry (Pennsylvanie, 10e district) et Doug Mastriano, un sénateur d’État républicain, également de Pennsylvanie.

Le rapport confirme que Perry a présenté Clark à Trump et qu’il a communiqué directement avec Donoghue au sujet de fausses accusations de fraude électorale. Mastriano, comme Perry, a également parlé à Donoghue au sujet de la fraude électorale présumée. Mastriano a également payé des milliers de dollars pour faire venir des supporters de Trump pour l’attaque du 6 janvier contre le Capitole, à laquelle Mastriano a participé.

Le rapport fait également mention de la conseillère juridique de la campagne Trump, Cleta Mitchell. Mitchell a soutenu les affirmations de Trump sur le vol des élections et a participé à l’appel que Trump a passé le 2 janvier 2021 au secrétaire d’État de Géorgie Brad Raffensperger, dans lequel il a imploré ce dernier de «trouver 11.780 votes».

«Ces liens justifient une enquête plus approfondie pour mieux situer les efforts de Trump pour enrôler le DoJ dans ses efforts pour renverser l’élection présidentielle dans le contexte de l’insurrection du 6 janvier», indique le rapport.

Pour le rapport, plusieurs hauts responsables du DoJ sous Trump ont été interviewés, notamment Clark, son adjoint Richard Donoghue et l’ancien procureur des États-Unis pour le district Nord de la Géorgie, Byung Jin «Bjay» Pak. Ce dernier a été contraint de démissionner par Trump après qu’il a échoué à prouver les affirmations de ce dernier selon lesquelles des bulletins de vote frauduleux étaient comptabilisés au State Farm Arena d’Atlanta. Trump a contourné la ligne de succession après la démission de Pak et a nommé Bobby Christine, qui occupait déjà le poste de procureur des États-Unis pour le district Sud de la Géorgie, comme remplaçant de Pak. Donoghue a déclaré à la commission que Trump lui a dit qu’il avait agi ainsi parce qu’il appréciait Christine et qu’il pensait qu’elle «ferait quelque chose» pour répondre aux affirmations de Trump.

Alors que plusieurs hauts fonctionnaires du DoJ se sont rendus disponibles pour le rapport de la commission, Jeffrey Clark, l’agent de Trump au sein du DoJ, a refusé à plusieurs reprises les demandes volontaires de se faire interviewer par la commission. L’Administration nationale des archives et des dossiers (NARA), chargée de conserver les dossiers de la Maison-Blanche, n’a toujours pas donné suite à la demande du Comité du 20 mai concernant les dossiers de Trump à la Maison-Blanche. Cela témoigne du conflit interne qui fait rage au sein de l’État capitaliste. Le rapport note que «le retard dans la transition des dossiers électroniques de Trump de la Maison-Blanche à la NARA peut empêcher le Comité d’obtenir une réponse avant plusieurs mois».

En réponse au rapport, le membre principal de la commission judiciaire du Sénat, le sénateur républicain, Chuck Grassley (Iowa), a publié son propre rapport. Dedans, il affirme que Trump n’a rien fait de mal.

«Les preuves disponibles montrent que le président Trump a fait ce que nous attendons d’un président sur une question de cette importance: il a écouté ses principaux conseillers et a suivi leurs conseils et recommandations», a déclaré Grassley dans un communiqué.

Le rapport est une confirmation de l’analyse marxiste présentée sur le World Socialist Web Site. Contrairement à la pseudogauche – y compris les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) et d’autres «socialistes» – qui a cherché à minimiser la première tentative de coup d’État fasciste de l’histoire des États-Unis, sous le prétexte que c’était simplement une manifestation de droite isolée qui a dégénéré, le rapport confirme que l’attaque du Capitole était le point culminant d’une stratégie politique définie, orchestrée par Trump et exécutée par ses loyalistes au sein du Parti républicain et de l’État capitaliste, y compris la police, l’armée et les agences de renseignement. Travaillant de concert, ces éléments ont mis en œuvre une stratégie juridique et politique tout en facilitant l’effondrement de la sécurité au Capitole, ce qui a donné aux milices fascistes des heures pour rechercher et kidnapper les législateurs dans le cadre des efforts de Trump pour retarder la certification de l’élection.

La confirmation stupéfiante des tentatives de Trump de renverser l’élection a été accueillie par un silence de pierre par le prétendu caucus «progressiste» et l’aile gauche du Parti démocrate. Au moment de la rédaction de cet article, un examen des comptes de médias sociaux du sénateur Bernie Sanders, des représentants Alexandria Ocasio-Cortez Ilhan Omar, Cori Bush, Pramila Jayapal et Katie Porter ne montre aucune mention du rapport accablant du Sénat. Au lieu de mettre en garde leurs partisans et la classe ouvrière contre la menace fasciste imminente et permanente, les politiciens capitalistes concentrent tous leurs efforts sur la promotion d’illusions dans le gouvernement Biden et son plan «Reconstruire en mieux» (Build Back Better), totalement inadéquat et constamment réduit.

Le maigre paquet de dépenses sociales est passé de 6000 milliards de dollars à une somme comprise entre «2,3 et 1,9 mille milliards de dollars» afin d’apaiser les membres les plus à droite du parti démocrate et leurs «collègues républicains» qui continuent à défendre le fasciste Trump.

(Article paru en anglais le 8 octobre 2021)

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