Les troupes françaises ouvrent le feu sur les manifestations grandissantes contre la présence française en Afrique

Près de neuf ans après l’invasion du Mali par la France et le lancement d’opérations militaires dans tout le Sahel, la colère populaire et l’opposition à la présence militaire française éclatent dans toute la région. Des masses de gens tiennent les forces françaises et leurs alliés européens responsables de l’escalade du bain de sang et accusent l’armée française d’armer secrètement les milices islamistes qu’elle est censée aider à combattre.

Le mois dernier, des manifestants au Burkina Faso et au Niger ont bloqué un important convoi militaire français escorté par des forces locales qui se rendait de la Côte d’Ivoire au Niger, car ils pensaient qu’il transportait des armes destinées à armer des groupes terroristes. Les troupes françaises ont tiré sur la foule qui leur bloquait le passage, tuant deux personnes et en blessant des dizaines.

Des troupes françaises affrontent de jeunes Africains (Source: Twitter/Mika Chavala)

«Nous leur avons demandé d’ouvrir leurs véhicules pour que nous ayons une idée de leur contenu», a déclaré à Reuters un manifestant, Bassirou Ouedraogo. «Nous savons ce qu’il y a à l’intérieur: des objets suspects».

Un autre manifestant a déclaré: «Nous sommes prêts à brûler tout matériel français passant par là. Nous n’avons plus besoin de la France dans ce pays. C’est notre volonté.»

Le convoi militaire aurait été bloqué au Burkina Faso pendant plus d'une semaine, les manifestants l'empêchant de se déplacer. Dans la ville de Kaya, dans le nord du Burkina Faso, des manifestants se seraient approchés du convoi sur une bande de terrain vague où il avait passé la nuit, portant des pancartes manuscrites qui disaient: « Kaya dit à l'armée française : rentrez chez vous ».

Plusieurs manifestants ont été blessés lors d’une manifestation à Kaya lorsque des troupes françaises et burkinabè ont tenté de forcer les manifestants à laisser partir le convoi, et que les troupes françaises ont tiré sur la foule. Le personnel médical a déclaré à African News que «le service des urgences de l’hôpital de Kaya a reçu quatre personnes avec des blessures par balle».

Un manifestant de Kaya a expliqué qu’il voulait savoir où les groupes militants islamistes se procuraient des armes. Il a déclaré à VOA: «D’où les djihadistes obtiennent-ils leurs armes? C’est des Français. C’est pourquoi nous avons bloqué le convoi à Kaya. Ils nous ont tiré dessus hier et trois personnes ont été blessées. Nous étions là hier, et aujourd’hui nous sommes de nouveau là pour bloquer le convoi».

«Aujourd’hui, ils nous ont tiré dessus avec des armes lourdes. Ils ont d’abord tiré en l’air et après ils ont tiré et blessé des gens. Est-ce normal?» a déclaré à l’AP un manifestant, Mahamadi Sawadogo. «Vous êtes dans notre pays, même si vous avez colonisé les Africains, il y a des choses que vous ne devez pas faire».

Après que le convoi a quitté le Burkina Faso, des manifestants ont commencé à le bloquer dans l’ouest du Niger. Selon les autorités nigériennes, deux manifestants ont trouvé la mort et 16 autres ont été blessés le 27 novembre. Des témoins oculaires ont déclaré à la chaîne de télévision française TV5 Monde avoir vu des soldats français tirer sur la foule.

Les militaires français n’ont pas nié avoir tiré sur la foule, mais ont nié de manière invraisemblable avoir touché les manifestants. Le colonel Pascal Ianni, porte-parole du chef d’état-major de l’armée française, a déclaré à VOA: «Je répète ce que je viens de dire, les forces françaises n’ont pas tiré sur la foule», ajoutant: «Les forces françaises ont tiré au-dessus de la foule et ont tiré devant la foule, aux pieds de la foule, pour arrêter les manifestants les plus violents».

La guerre française au Mali est une guerre néocoloniale de pillage et les troupes françaises devraient être retirées d’Afrique immédiatement. La guerre au Mali, qui implique aussi des troupes allemandes et d’autres troupes de l’Union européenne (UE), ainsi que des soldats d’États africains voisins alliés de Paris, n’a rien à voir avec l’opposition au terrorisme islamiste. Il s’agit bien plutôt de la poursuite de la sanglante guerre de 2011 menée par l’OTAN dans la Libye voisine, où Paris a armé des milices islamistes et tribales contre le gouvernement libyen.

Les puissances de l’OTAN ont approfondi leurs liens avec les milices liées à Al-Qaïda dans leur guerre par procuration en Syrie, liens rendus publics et ayant fait l’objet de témoignages devant le Congrès américain. Les gouvernements français successifs ont courtisé intensivement les pétromonarchies du golfe Persique qui financent les réseaux terroristes islamistes, mais achètent aussi de grandes quantités d’armes de fabrication française et recyclent leurs revenus pétroliers sur les marchés financiers européens.

La guerre néocoloniale du Mali fait partie intégrante de ce pillage impérialiste de l’Afrique et du Moyen-Orient. En plaçant les troupes françaises à proximité des énormes réserves de gaz naturel de l’Algérie et des principales mines d’uranium du Niger, la guerre a donné à Paris un levier stratégique lucratif dans la région.

L’explosion du sentiment anti-colonial et les accusations de complicité de la France avec les groupes terroristes islamistes, qui ont également mené des attaques terroristes en France, ont secoué la classe dirigeante française. Dans Le Monde diplomatique, Caroline Roussy, du groupe de réflexion de l’Institut de relations stratégiques et internationales (IRIS), a dénoncé avec hystérie les accusations des travailleurs et des paysans africains concernant le pillage économique de la France et sa complicité avec les groupes terroristes, les qualifiant de «théorie du complot malsaine».

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré à la télévision française que des «manipulateurs» étaient à l’origine de l’opposition à la présence militaire française, mais qu’il espérait qu’une solution serait trouvée.

La réalité est que depuis l’invasion française du Mali en janvier 2013, la violence et l’influence des milices islamistes ont bondi au Mali, au Niger, au Burkina Faso et dans toute la région. En menant une politique de division et de domination pour maintenir leur contrôle sur la région. La France et ses alliés de l’OTAN ont attisé les conflits ethniques et soutenu diverses milices rivales, ce qui a entraîné une recrudescence des massacres sanglants dans toute la région. Les accusations selon lesquelles certains groupes ethniques étaient plus favorables aux milices islamistes ont également déclenché des violences inter-communautaires dans plusieurs zones de la région.

La violence djihadiste s’est rapidement intensifiée dans le Sahel ces derniers mois. Selon le «Centre mondial pour la responsabilité de protéger», «on a tué plus de 1.500 civils dans le Sahel central en 2021. Dans les régions instables de Tillabéri et Tahoua, dans l’ouest du Niger, on a tué plus de 600 civils cette année, soit plus de cinq fois plus qu’en 2020».

En août, des djihadistes présumés ont massacré plus de 40 civils dans le nord du Mali et tué 12 soldats dans une embuscade au Burkina Faso voisin. Le même mois, ils ont tué 80 personnes, dont 59 civils et des forces gouvernementales dans le nord du Burkina Faso. En juin, des hommes armés ont perpétré les massacres les plus sanglants, tuant 160 personnes dans la province de Yagha, encore dans le nord du Burkina Faso, à la frontière avec le Niger.

Le mois dernier, des hommes armés ont tué 69 personnes puis 25 personnes lors de deux attaques distinctes dans le sud-ouest du Niger ; au Burkina Faso ils ont tué 49 policiers militaires et quatre civils.

Le 3 décembre, au moins 30 personnes ont été tuées et des dizaines blessées dans une attaque près de Bandiagara, dans le centre du Mali. Le régime militaire malien a fait état de 31 morts et 17 blessés. Pour l’instant, aucun des groupes armés islamistes qui opèrent dans la région n’a revendiqué l’attaque.

«Les civils se trouvaient dans un véhicule de transport. On a mitraillé les passagers et on a brûlé le véhicule. L’État a envoyé des forces de sécurité sur les lieux», ont déclaré les autorités locales de la région de Moptiont à l’Agence France-Presse. Un élu de la ville de Bandiagara a confirmé le bilan des morts, ajoutant que parmi les victimes se trouvaient «des enfants et des femmes et des personnes disparues».

Mettre fin à l’effusion de sang implique de ramener les troupes françaises en France, d’expulser d’Afrique l’influence impérialiste et d’unir les travailleurs au-delà des frontières nationales en Afrique, en Europe et à l’international dans un mouvement contre la guerre et le pillage néocolonial.

(Article paru d’abord en anglais le 7 décembre 2021)

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