Hécatombe dans les CHSLD du Québec: le gouvernement a abandonné les aînés et menti à la population

Alors que le Québec fait face à une forte remontée de la pandémie de COVID-19 (avec plus de 2.000 cas enregistrés vendredi, un sommet depuis le pic de la deuxième vague à la mi-janvier cette année), des informations récemment rendues publiques démontrent l’indifférence à la vie humaine dont a fait preuve le gouvernement de droite de la Coalition avenir Québec (CAQ) du multimillionnaire et ancien PDG François Legault.

La politique menée par le gouvernement de la CAQ depuis le début de la pandémie a mené à la contamination de près de 450.000 personnes et à plus de 11.500 décès. Dans les CHSLD (Centres d’hébergement et de soins de longue durée) publics et les établissements privés pour personnes âgées, environ 4.000 résidents sont décédés durant les premiers mois de la pandémie entre mars et juin 2020, le Québec ayant alors enregistré l’un des taux de mortalité par habitant les plus élevés au monde.

Un rapport spécial du Protecteur du citoyen publié le 23 novembre dernier, sous le titre «La COVID-19 dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie», a mis en lumière la fragilité structurelle du réseau de la santé et une complaisance des autorités gouvernementales qui frise la criminalité.

Un membre des Forces armées canadiennes travaillant à un CHSLD du Québec pendant la première vague du printemps 2020 (ministère canadien de la Défense)

Le rapport identifie «d’importantes lacunes systémiques préexistantes et connues de longue date» comme étant l’une des principales causes du drame qui s’est produit dans les CHSLD. Bien que cela ne soit pas dit explicitement dans le rapport, ces «lacunes» bien «connues» découlent des coupures drastiques imposées par les gouvernements successifs du Parti québécois (PQ), du Parti libéral du Québec (PLQ) et de la CAQ dans les domaines de la santé et des services sociaux.

Le rapport trace un portrait dévastateur d’un système sapé par ces décennies d’austérité capitaliste: un système informatique et de communication désuet, incapable de fournir des données épidémiologiques en temps réel; un manque criant d’expertise et de moyens en matière de prévention et de contrôle des infections; une absence totale de réserve d’équipements de protection individuelle (EPI) et une pénurie chronique de personnel.

Il constate qu’«à l’aube de la pandémie, les CHSLD ne disposaient d’aucune marge de manœuvre sur le plan des ressources humaines» et que la pénurie de personnel dans le système de santé et les services sociaux était un «problème aigu» qui «a fait l’objet de nombreuses mises en garde».

En plus de détailler l’état déplorable dans lequel se trouvait le système de santé, le Protecteur du citoyen confirme aussi que les autorités gouvernementales ont gaspillé les premières semaines de la pandémie en ne prenant aucune mesure concrète en janvier et en février 2020 pour se préparer sérieusement à l’inévitable arrivée du virus. Au contraire, le rapport laisse entendre que les déclarations publiques du gouvernement Legault niant les dangers du nouveau coronavirus afin de protéger les profits de la grande entreprise et d’éviter un krach boursier se sont répercutées sur un système de santé qui n’a pas pris la menace au sérieux.

Le rapport confirme aussi l’analyse du World Socialist Web Site des témoignages entendus à l’enquête publique de la coroner Géhane Kamel sur le «volet national de gestion de la pandémie dans les CHSLD» que le gouvernement du Québec a laissé les résidences pour aînés sans protection au début de la pandémie.

Le rapport conclut notamment que «les CHSLD n’ont été pris en compte par aucun scénario» de planification, qu’aucune action concrète n’a été instaurée avant la mi-mars 2020 et que ce n’est que dans la deuxième semaine d’avril que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a présenté des mesures renforcées pour les CHSLD et mis en place un comité consultatif d’experts. Cette réaction a été jugée «tardive et insuffisante» par le Protecteur du citoyen.

Le rapport examine également la décision prise par le gouvernement au début au mois de mars de transférer des patients des hôpitaux québécois vers les CHSLD afin de libérer des lits pour l’afflux anticipé de patients COVID. Cette politique a forcé le transfert de 865 personnes vulnérables vers des milieux de vie qui étaient déjà en surcapacité et qui manquaient de personnel, d’EPI et d’espace pour créer des zones de confinement. Ce n’est que le 11 avril alors que la situation était complètement hors de contrôle dans les CHSLD que ces transferts ont cessé. Simultanément, le gouvernement a aussi interdit d’envoyer les résidents des centres pour personnes âgées gravement malades de la COVID dans les hôpitaux, les laissant mourir sans soins adéquats.

Des personnes rencontrées par les enquêteurs du Protecteur du citoyen ont résumé en termes poignants le drame qui s’est joué dans les CHSLD: «[on y pratiquait de la] médecine de guerre […] nous ne savions plus où mettre les corps. Des usagers et des usagères mourraient seuls, en détresse et en souffrance».

Un échange de courriels entre des gestionnaires de résidences pour aînés et le ministère de la Santé pendant la période critique de début mars 2020 a été récemment rendu public. La séquence révèle non seulement l’indifférence crasse du ministère envers les aînés les plus vulnérables, mais aussi comment le gouvernement a systématiquement menti à la population.

Le 16 mars 2020, la directrice de l’Association des établissements privés conventionnés (AEPC), Annick Lavoie, se plaint que le gouvernement n’a pas encore fourni aux résidences pour aînés des équipements de protection individuelle (EPI) promis – masques, gants, jaquettes. Dans un autre courriel envoyé le 19 mars, avec copie au ministère des Aînés, Lavoie déplore que «certains CISSS et CIUSSS [centres regroupés de soins de santé] contactés refusent d’approvisionner» alors que «nous faisons partie du réseau de la santé».

Le sous-ministre adjoint chargé de la logistique, Luc Desbiens, répond le 20 mars à Lavoie que c’est la «crise», que «le MSSS n’a pas d’inventaire» et que «la majorité des établissements sont en manque d’EPI». La journée même, le premier ministre Legault déclare en direct à la télévision qu’«on a assez d’équipements à court terme» et qu’«il n’y a pas de besoins». Ce qui provoque cette réponse acerbe de Lavoie au sous-ministre adjoint: «Vous me trouvez extrêmement surprise par vos propos qui me semblent contradictoires avec les informations que le premier ministre Legault et madame la ministre McCann transmettent lors des points de presse quotidiens».

La gravité de toutes ces révélations a obligé les partis d’opposition, le PLQ, le PQ et le parti de la pseudo-gauche québécoise, Québec solidaire (QS), à critiquer le gouvernement Legault. De la part de ces formations politiques qui ont collaboré dans le dos de la population à la mise en œuvre des politiques meurtrières de la CAQ, ces critiques sont entièrement hypocrites.

Rappelons que dans un «dossier spécial» du quotidien montréalais La Presse en mars 2021, les chefs de l’opposition de l’époque, Manon Massé (QS), Pierre Arcand (PLQ) et Pascal Bérubé (PQ) s’étaient vantés de ce que leur seule demande au gouvernement au début de la pandémie avait été d’avoir «un lien direct, sur une base régulière» avec Legault pour connaitre à l’avance le contenu de ses points de presse. Pour justifier leur absence totale de critique des politiques du gouvernement, les chefs d’opposition avaient référé à un «épisode de collaboration inédit» entre les quatre partis, tous membres de la «même équipe». Massé avait même admis avoir travaillé avec Legault «derrière une porte close».

Le front commun de tous les partis politiques à l’Assemblée nationale, la couverture complaisante des grands médias capitalistes et la pleine collaboration des appareils syndicaux ont permis à Legault d’implanter les politiques exigées par l’élite financière et la grande entreprise sans réelle opposition, malgré les milliers de morts dont il est responsable.

Ne voulant pas condamner ouvertement des politiques qu’ils ont aidé à mettre en œuvre, les partis d’opposition ont limité leurs critiques aux «contradictions» et aux «mensonges» de certains témoins entendus par la coroner Kamel et à la possible destruction ou altération des rapports d’inspection des CHSLD durant la pandémie.

Leur seule demande est la tenue d’une futile «enquête publique indépendante». Tout comme l’enquête du Protecteur du citoyen (dont le rapport est «tourné vers l’avenir» et «ne cherche pas à formuler des blâmes») et celle de la coroner Kamel (à qui la loi interdit de se prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d’une personne), l’enquête publique réclamée par l’opposition se contenterait de recommandations «préventives» que le gouvernement n’aurait ensuite aucune obligation légale de mettre en place.

Les travailleurs au Québec et dans le reste du Canada ne doivent rien attendre de ces enquêtes commandées et dirigées par la classe capitaliste pour s’absoudre elle-même de toute responsabilité.

Si la classe ouvrière veut connaitre la vérité sur la réponse désastreuse des gouvernements pro-patronaux, des grandes entreprises et des médias de masse à l'épidémie de COVID-19, et faire la lumière sur les intérêts politiques et économiques responsables de la transmission incontrôlée du virus qui a tué des millions de personnes dans le monde, elle doit participer à l’enquête ouvrière mondiale lancée par le World Socialist Web Site le 21 novembre dernier.

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