Encouragé par le soutien de la classe dirigeante, le Convoi de la liberté, un mouvement d’extrême droite, assiège le Parlement canadien

L’opposition officielle conservatrice du Canada, une grande partie des grandes entreprises et les médias bourgeois se sont emparés du «Convoi de la liberté» – une manifestation d’extrême droite exigeant apparemment que le gouvernement fédéral n’impose plus la vaccination obligatoire aux camionneurs transfrontaliers – comme d’un bélier pour briser toutes les mesures de santé publique restantes contre la COVID-19. Et ce, alors qu’Omicron infecte, hospitalise et tue maintenant des Canadiens dans des proportions jamais vues au cours des quatre vagues précédentes de la pandémie.

L’arrivée du convoi de camionneurs à Ottawa. (Photo: Twitter/@bennyjohnson)

Alors que le Convoi de la liberté faisait son chemin de l’Ouest canadien à Ottawa la semaine dernière, les premiers ministres de droite de l’Alberta et de la Saskatchewan se sont empressés de l’approuver et se sont engagés à éliminer rapidement toutes les mesures anti-COVID-19 restantes. Les groupes d’affaires, tels que la Chambre de commerce du Canada, ont amplifié leurs demandes de «réouverture» immédiate de l’économie. Les médias, quant à eux, ont accordé au Convoi une couverture générale, le décrivant comme une véritable manifestation populaire. Peu importe que près de 90 % de tous les camionneurs soient vaccinés et que les organisateurs du Convoi soient des militants d’extrême droite qui adoptent des points de vue violemment antidémocratiques et racistes qui sont en contradiction avec la grande majorité de la population.

Encouragés par ce soutien de la classe dirigeante, les éléments d’extrême droite les plus enragés et les plus déterminés, qui se sont déchaînés dans le centre-ville d’Ottawa le week-end dernier – défiant les restrictions en matière de santé publique, menaçant les journalistes et envahissant un refuge pour sans-abri –, se sont installés dans les environs du Parlement et ont juré de ne pas se disperser tant que leurs demandes ne seraient pas satisfaites.

La menace de violence politique plane désormais sur la capitale du Canada.

Alors que des militants d’extrême droite indisciplinés et des véhicules du convoi encombrent les rues autour de la colline du Parlement, la police demande instamment aux gens de ne pas se rendre dans le centre-ville.

Canada Unity, le groupe d’extrême droite à l’origine du convoi de camionneurs propriétaires-exploitants indépendants, a publiquement appelé le gouverneur général non élu et le Sénat nommé du Canada à se joindre à lui pour usurper les pouvoirs du gouvernement élu et abolir toutes les mesures anti-COVID-19.

Dimanche, le porte-parole de Canada Unity, Patrick King, a déclaré au National Post que les organisateurs du Convoi de la liberté ont des «plans d’urgence en place» au cas où la police tenterait de faire cesser la manifestation. «Vous ne vous en êtes pas pris aux bonnes personnes», a-t-il déclaré. Ancien dirigeant des défunts Gilets jaunes d’extrême droite et du parti séparatiste occidental Wexit, King est un partisan de la croyance liée aux suprémacistes blancs du «grand remplacement de la population». Le mois dernier, dans une diatribe contre les mesures de santé publique liées à la COVID-19, il a déclaré: «La seule façon de résoudre ce problème, c’est avec des balles», rapporte PressProgress.

Les partisans du Convoi ont ouvertement comparé leurs actions à la prise d’assaut du Capitole américain le 6 janvier 2021, qui était un élément clé de la tentative de Trump de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 et d’établir une dictature présidentielle avec lui-même comme Führer de l’Amérique.

Trump a salué le Convoi de la liberté comme un exemple pour tous les Américains, tout comme son acolyte Jim Jordan, le républicain le plus haut placé au sein de la commission judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis.

Samedi, le premier ministre Justin Trudeau, qui a été la cible d’un aspirant assassin d’extrême droite en juillet 2020, a été déplacé par sa garde rapprochée de sa résidence d’Ottawa vers un lieu sécurisé non divulgué.

Jusqu’à présent, la police s’est pliée en quatre pour être accommodante avec les manifestants d’extrême droite. Il ne fait aucun doute que l’une des raisons de cette attitude est que certaines sections de la police sont elles-mêmes sympathisantes de leurs objectifs virulents contre la classe ouvrière. Mais les demandes pour mettre fin à la manifestation, y compris de la part des entreprises incommodées, que ce soit par une action de la police ou par des «gestes de bonne volonté», c’est-à-dire une capitulation, vont sans doute bientôt se multiplier. Le maire d’Ottawa, Jim Watson, a déjà déclaré que les manifestants avaient «ne sont plus les bienvenus».

Lundi, Trudeau, qui a été contraint à l’auto-isolement après avoir lui-même été testé positif à la COVID-19, a rejeté les suggestions de rencontrer les représentants du Convoi, déclarant qu’il n’irait «nulle part près de manifestations qui ont exprimé une rhétorique haineuse et de la violence envers leurs concitoyens».

En cas d’affrontement violent entre la police et les manifestants d’extrême droite, on peut s’attendre à ce que de nombreux éléments de la classe dirigeante qui ont promu le Convoi cherchent à rejeter la faute sur le gouvernement et à profiter du tollé pour déplacer la politique encore plus à droite. Cela pourrait prendre plusieurs formes, y compris le changement du personnel du gouvernement, que ce soit en remplaçant Trudeau par son adjointe, le faucon de guerre anti-russe Chrystia Freeland, ou en organisant la chute du gouvernement minoritaire au Parlement.

Quelle que soit l’issue immédiate de la crise déclenchée par l’occupation effective du centre-ville d’Ottawa et le siège du Parlement par le convoi d’extrême droite, elle témoigne d’une crise sociale et politique sans précédent du capitalisme canadien.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement libéral de Trudeau a supervisé la mise en œuvre de la politique de pandémie de retour au travail et à l’école de la classe dirigeante, qui fait passer le profit avant la vie. Dans le même temps, il a injecté des centaines de milliards de dollars dans les marchés financiers et les coffres des grandes entreprises afin de protéger les profits et la richesse des investisseurs. Depuis leur réélection en tant que gouvernement minoritaire en septembre dernier, Trudeau et ses libéraux ont pratiquement éliminé l’aide aux travailleurs en cas de pandémie et intégré encore davantage le Canada dans les offensives militaro-stratégiques incendiaires des États-Unis contre la Russie et la Chine.

Pourtant, des sections puissantes de la classe dirigeante sont insatisfaites. Ils exigent une politique encore plus agressive contre la classe ouvrière, à commencer par l’abandon immédiat de toutes les mesures visant à empêcher la propagation du virus, et une affirmation plus agressive des intérêts impérialistes canadiens à l’étranger.

Sentant leur propre isolement et craignant la croissance naissante de l’opposition sociale, ces éléments de la classe dirigeante mettent en avant l’extrême droite et incite un mouvement extra-parlementaire dans le but d’intimider les travailleurs.

La manifestation de samedi a rassemblé un large éventail de forces politiques d’extrême droite, y compris une faction d’extrême droite du Parti conservateur sympathisant avec Trump, Maxime Bernier et son Parti populaire du Canada d’ultra-droite, ainsi que des groupes carrément néo-nazis et fascistes. Des symboles d’extrême droite et fascistes, notamment des croix gammées nazies et des drapeaux confédérés, étaient bien visibles lors de la manifestation. Les participants ont dégradé des monuments, jeté des pierres sur des ambulanciers et bafoué les règles de santé publique en envahissant le Centre Rideau, un centre commercial voisin.

Des menaces de violence ont été proférées à l’encontre d’un événement marquant le cinquième anniversaire de la fusillade de la mosquée de Québec, où un extrémiste de droite, admirateur déclaré de Trump et de la Française Marine Le Pen, a massacré six personnes le 27 janvier 2017. Craignant pour leur sécurité, les organisateurs de la commémoration l’ont annulée.

Presque aussi extraordinaire que le comportement agressif et arrogant de la foule d’extrême droite, c’est le traitement timide en gant de velours qu’elle a reçu de la police. Un porte-parole de la police a déclaré tard samedi que pas une seule arrestation n’avait été effectuée. Bien que des reportages affirment que des enquêtes criminelles sont en cours pour déterminer qui a uriné sur la tombe du Soldat inconnu, une seule arrestation liée au chahut du week-end dernier a été effectuée à ce jour.

La décision des autorités de laisser la lie de l’extrême droite se déchaîner dans le centre-ville d’Ottawa contraste fortement avec leur réponse aux manifestations de la gauche et de la classe ouvrière. En 2010, lorsque des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pacifiquement à Toronto contre le sommet du G20, elles ont été brutalement battues, mises au pas et malmenées par 7000 policiers lourdement armés et en tenue de combat. La police a déployé des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et du gaz poivré pour arrêter plus de 600 personnes. Nombre d’entre elles ont été détenues dans de petits enclos de fortune ressemblant à des cages.

Alors que la manifestation de samedi battait son plein, le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a fait référence au Convoi de la liberté lorsqu’il a annoncé le démantèlement de toutes les mesures de santé publique encore en vigueur dans sa province. Les conservateurs ont réitéré leur soutien aux manifestants d’extrême droite lundi, la chef adjointe Candice Bergen déclarant à la Chambre des communes qu’ils étaient des «patriotes» et qu’elle avait rencontré les dirigeants de la manifestation dimanche soir.

Les médias jouent un rôle non moins pernicieux. Les journaux ultra-conservateurs National Post et Toronto Sun ont publié des articles élogieux sur la progression du convoi à travers le pays. Même le radiodiffuseur public CBC (Canadian Broadcasting Corporation) a offert une tribune politique à Tamara Lich, militante d’extrême droite et membre du parti séparatiste occidental Maverick, qui dirige la campagne GoFundMe de la manifestation, pour affirmer qu’aucun «extrémiste» ne serait toléré.

Si, après les événements du week-end dernier, certains médias modèrent leur soutien, c’est uniquement parce qu’ils reconnaissent que le mouvement d’extrême droite violent qu’ils ont créé sera de plus en plus difficile à contrôler.

La capacité de quelques milliers de manifestants d’extrême droite à paralyser le centre-ville d’Ottawa pendant plusieurs jours ne peut s’expliquer simplement par le soutien qu’ils ont reçu des sections les plus à droite de l’élite dirigeante. Les néo-démocrates et les syndicats, ostensiblement «de gauche», jouent un rôle central dans la création de cet état de fait, par leur sabotage systématique de toute opposition de la classe ouvrière à la politique criminelle de pandémie de «profits avant la vie» du gouvernement Trudeau.

Les néo-démocrates ont soutenu le gouvernement libéral minoritaire de Trudeau depuis les élections de 2019, notamment en aidant à faire passer les plans de sauvetage de plusieurs milliards de dollars pour les banques et les grandes entreprises au début de 2020. Les syndicats ont étranglé les efforts des éducateurs, des travailleurs de l’agroalimentaire, des travailleurs de l’automobile et d’autres pour s’opposer aux conditions de vie dans leurs lieux de travail et ont collaboré avec les gouvernements à tous les niveaux pour appliquer des politiques de réouverture. Ces derniers mois ont été marqués par une recrudescence des luttes des travailleurs, souvent en rébellion ouverte contre la bureaucratie syndicale. Mais la mainmise des syndicats pro-capitalistes sur la classe ouvrière n’a pas encore été brisée politiquement. C’est ce qui a laissé la voie libre à une minorité bruyante de voyous d’extrême droite, soutenus par des sections de l’élite dirigeante, pour jouer un rôle de plus en plus important et menaçant dans la vie politique officielle.

Les travailleurs de tout le Canada doivent prendre les événements de ces derniers jours comme un sérieux avertissement. L’extrême droite fasciste ne dispose pas d’une base de soutien massive, et sa politique pandémique d’infection et de mort en masse suscite une large opposition. Cependant, à moins que la classe ouvrière n’entreprenne une lutte politique indépendante pour briser le pouvoir de l’oligarchie financière sur tous les aspects de la vie sociale et politique, l’élite dirigeante poursuivra son programme fasciste d’«immunité collective», ce qui signifie l’infection et la mort en masse à perpétuité. L’opposition à ce programme ne peut venir que d’un mouvement de masse dirigé par la classe ouvrière et guidé par un programme socialiste et internationaliste.

(Article paru en anglais le 1er février 2022)

Loading