Bernie Sanders soutient les provocations impérialistes contre la Russie

Le sénateur américain Bernie Sanders, indépendant du Vermont, prend la parole lors d’un rassemblement, le vendredi 26 mars 2021, à Birmingham, en Alabama, avant un vote syndical dans un entrepôt d’Amazon dans cet État (AP Photo/Kim Chandler)

Mardi, peu après que Joe Biden a annoncé ce qu’il a appelé une «première tranche» de sanctions contre la Russie, le sénateur du Vermont Bernie Sanders a annoncé son soutien à ces mesures. Dans une déclaration de six phrases, Sanders a imputé à la Russie la responsabilité du danger de guerre et a présenté les États-Unis comme œuvrant démocratiquement à la résolution du conflit par des moyens pacifiques. Sanders a justifié les sanctions comme étant politiquement progressiste et même respectueuse de l’environnement.

La déclaration se lit comme suit, dans son intégralité:

La dernière invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine est une violation indéfendable du droit international, quel que soit le faux prétexte qu’il avance. Une solution diplomatique à cette situation a toujours existé. Tragiquement, Poutine semble vouloir la rejeter. Les États-Unis doivent maintenant travailler avec nos alliés et la communauté internationale pour imposer des sanctions sérieuses à Poutine et à ses oligarques, notamment en leur refusant l’accès aux milliards de dollars qu’ils ont cachés dans des banques européennes et américaines. Les États-Unis et nos partenaires doivent également se préparer à un scénario plus grave en aidant les voisins de l’Ukraine à prendre en charge les réfugiés qui fuient ce conflit. Enfin, à plus long terme, nous devons investir dans une transition énergétique verte mondiale en nous éloignant des combustibles fossiles. C’est non seulement pour lutter contre les changements climatiques, mais aussi pour priver les pétro-États autoritaires des revenus dont ils ont besoin pour survivre.

Aucun politicien américain – et encore moins Sanders – n’est placé pour critiquer les autres pour avoir mené des guerres en violation du droit international. Pendant 31 ans, Sanders a siégé au Congrès, un organe responsable de l'approbation et du financement de guerres d'agression impitoyables, de la destruction de sociétés entières et de la mort de millions de personnes sous des prétextes qui étaient en violation flagrante du droit international.

Au cours de ces trois décennies, Sanders a joué un rôle crucial en donnant une tournure «progressiste» aux objectifs de guerre de l’impérialisme américain. Il a légitimé les objectifs et les fausses justifications du gouvernement américain, qui va d’un crime sanglant à un autre. La routine est la suivante: la classe dirigeante permet à Sanders de voter «non» lorsque son vote «oui» n’est pas requis et promeut son image d’«anti-guerre» afin de capitaliser sur son soutien lorsque le moment est venu de vendre à la population les derniers mensonges humanitaires pour ses guerres de pillage impérialiste.

Le long parcours de Sanders dans la promotion de l’impérialisme américain

Le 22 août 1990, alors que Sanders était candidat au Congrès, David Broder, chroniqueur au Washington Post, a écrit que, malgré l’opposition passée du maire de Burlington à l’intervention américaine en Amérique centrale, le candidat Sanders «semble tout à fait traditionnel» sur les questions de politique étrangère.

Sanders «soutient l’embargo contre l’Irak et le déploiement de troupes américaines en Arabie saoudite», écrit Broder, citant Sanders qui aurait dit: «Nous ne pouvons pas tourner le dos» à la menace du “dictateur-despote” Saddam Hussein.» Un communiqué de presse publié en 1999 par un groupe de manifestants anti-guerre cite un ancien assistant de Sanders selon lequel le politicien aurait dit à son équipe: «Je ne vais pas laisser une foutue guerre me faire perdre l’élection.»

Bien que Sanders ait voté contre l’invasion de l’Irak en 1991, 178 démocrates ont fait de même, soit les deux tiers des membres de la Chambre des représentants. Le parti majoritaire a cependant fourni suffisamment de voix pour la résolution de guerre, avec une minorité républicaine quasi unanime, pour que la mesure passe facilement. Sanders a soutenu les sanctions contre le gouvernement irakien et s’est opposé à leur levée après la fin de la guerre. Selon le Vermont Digger, Sanders s’est opposé à la levée du blocus imposé par les États-Unis au motif que cela faciliterait les efforts de Hussein pour se procurer des armes. Plus tard en 1992, lorsque le président sortant George H. W. Bush a lancé des dizaines de missiles de croisière sur Bagdad, Sanders a déclaré au Burlington Free Press qu’il soutenait l’attaque, déclarant: «La crédibilité des Nations unies est mise à mal si les résolutions de l’ONU ne sont pas appliquées».

Sanders a soutenu les campagnes de bombardement répétées du gouvernement Clinton en Irak. Il a déclaré au Rutland Herald en 1996 que Hussein «doit apprendre que la communauté internationale ne tolère pas l’agression militaire». Les États-Unis avaient une obligation humanitaire, disait Sanders, de ne pas «donner le feu vert à un tyran instable pour qu’il continue à commettre des atrocités.» Il a déclaré à l’Associated Press: «Je continue à soutenir les frappes aériennes actuelles de l’OTAN».

Sanders a soutenu à fond l’attaque de l’administration Clinton contre la Serbie en 1999, justifiant la campagne de bombardement de 78 jours par des raisons humanitaires. Après avoir voté pour une résolution de la Chambre des représentants qui autorisait la campagne de bombardement – une mesure parrainée au Sénat par Joe Biden – Sanders a déclaré lors d’une assemblée publique du Vermont le 3 mai 1999: «À ceux qui disent “arrêtez les bombardements, ramenez les troupes à la maison”, je vous demande de penser à ce qui arrive aux 800.000 hommes, femmes et enfants qui ont été chassés de chez eux» par Slobodan Milosovic, qui est «un boucher qui a aligné des gens pour les abattre».

Sanders parlant de la guerre en Serbie en 1999

Lors d’une réunion publique, Sanders a cité favorablement l’ancien étudiant radical devenu ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, un défenseur éminent de la campagne de bombardement de l’OTAN. Citant une interview de Fischer parue dans Newsweek, Sanders a déclaré: «Je suis assis ici en train de donner une interview au siège de l’OTAN. Je n’ai jamais rêvé de cela, mais nous ne pouvons pas accepter la politique de Milosevic et plier les genoux». Sanders a terminé la citation et a déclaré: «Je pense que la position de Herr Fischer est très proche de la mienne».

En 2001, Sanders a voté pour soutenir la guerre en Afghanistan, et bien qu’il ait voté contre l’invasion de l’Irak en 2003, il a soutenu un amendement avancé par le député John Spratt (démocrate de Caroline du Sud) qui aurait autorisé les troupes américaines à s’engager dans l’élimination des armes de destruction massive irakiennes «par la force si nécessaire».

Le 17 février 2020, NBC News a publié un article intitulé «L’opposition de Sanders à la guerre en Irak était plus compliquée qu’il ne le présente». Le journal a noté que l’amendement Spratt «était un instrument pour les démocrates qui voulaient indiquer qu’ils soutenaient une action militaire dans les bonnes circonstances», selon les auteurs de l’amendement. L’amendement soutenu par Sanders «donnait à Bush la possibilité d’agir sans l’approbation de l’ONU si nécessaire». Un partisan de l’amendement, le membre du Congrès, Lloyd Doggett (démocrate du Texas), a déclaré: «Nous ne sommes pas seulement une bande de manifestants qui veulent donner une chance à la paix.»

Sanders a voté pour financer l’occupation américaine de l’Irak à quatre reprises. Lors d’un débat avec Hillary Clinton en 2015, il a exprimé son soutien aux opérations militaires américaines en Syrie. Il a affirmé que l’intervention ne devrait pas immédiatement tenter de renverser le gouvernement Assad: «ISIS est maintenant la principale priorité. Nous nous débarrasserons d’Assad plus tard. Ayons une Syrie démocratique. Mais la première tâche est de rassembler les pays pour détruire ISIS». Toujours en 2015, Sanders a déclaré qu’il soutenait l’utilisation de la guerre des drones, déclarant à Chuck Todd de NBC qu’il soutenait les drones: «Tout ça et plus encore».

Sanders a également été un partisan constant de l’OTAN sous conditions de son expansion vers l’est jusqu’aux frontières de la Russie. En 2015, il a prononcé un important discours de politique générale à l’université de Georgetown, dans lequel il a souligné son soutien à l’OTAN et affirmé que ses origines remontaient à une alliance progressiste contre «l’agression soviétique»:

Après la Seconde Guerre mondiale, en réaction à la crainte d’une agression soviétique, les nations européennes et les États-Unis ont créé l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord – l’OTAN, une organisation fondée sur des intérêts et des objectifs communs et sur la notion de défense collective contre un ennemi commun. Je suis convaincu que nous devons développer ces idéaux et consolider nos engagements à travailler ensemble pour combattre la menace mondiale de la terreur.

La semaine dernière, Sanders a déclaré soutenir la décision de Biden d’envoyer des milliers de soldats en Europe de l’Est pour menacer la Russie, en déclarant à NPR: «Je pense que c’est un signal que nous sommes aux côtés de l’OTAN.»

Concocter des prétextes «progressistes» pour la guerre impérialiste

Les tentatives de Sanders de présenter son soutien actuel à la campagne de guerre américaine contre la Russie comme «progressiste» sont absurdes. Dans sa déclaration, il accuse «Poutine et ses oligarques» qui ont «des milliards de dollars cachés dans des banques européennes et américaines» d’être les principaux responsables de l’aggravation des tensions en Europe de l’Est. Bien que les actions du gouvernement réactionnaire et capitaliste de Poutine ne diminuent en rien le danger de guerre, ce sont les États-Unis qui ont accueilli l’admission de plus d’une douzaine de nouveaux pays dans l’OTAN, y compris d’anciennes républiques soviétiques et d’anciens membres du Pacte de Varsovie. Les États-Unis insistent maintenant pour garder une «porte ouverte» pour l’entrée de l’Ukraine, en violation des engagements passés selon lesquels l’alliance n’empiéterait pas sur les frontières de la Russie.

Sanders est sélectif dans sa dénonciation des oligarques… seulement en Russie. Il reste silencieux sur le fait que les oligarques américains provoquent la crise actuelle pour soumettre la Russie et extraire ses ressources et sa main-d’œuvre bon marché pour le compte des banques et des sociétés américaines. Sanders fait souvent étalage de son opposition à l’inégalité des richesses aux États-Unis, mais sa déclaration qui soutenait les sanctions de Biden et condamnait la Russie ne fait que faciliter les efforts des oligarques américains pour s’enrichir par la guerre et la domination du monde.

Quant à l’appel humanitaire de Sanders à «aider les voisins de l’Ukraine à s’occuper des réfugiés qui fuient ce conflit», il pourrait sembler plus authentique si ce n’était que l’impérialisme américain et le gouvernement Biden sont les premiers responsables du déclenchement du conflit qui risque de causer un nombre immense de morts et de déplacements.

En outre, les «voisins» dont parle Sanders qui pourraient se porter au secours des réfugiés comprennent la Pologne qui a récemment déployé des milliers de soldats à sa frontière orientale avec la Biélorussie au nom de l’Union européenne pour empêcher les réfugiés de fuir les guerres menées par les États-Unis en Irak, en Afghanistan et en Syrie. Les États-Unis ne «s’occupent pas des réfugiés» à leur propre frontière sud, où le droit d’asile est considérablement réduit et où les réfugiés sont brutalisés et fouettés par des gardes-frontières à cheval. Sanders s’oppose à la suppression des restrictions à l’immigration aux États-Unis pour des raisons chauvines, parce qu’ils entreront en concurrence avec les travailleurs américains pour les emplois.

De même, les arguments de Sanders selon lesquels les sanctions aident à «abandonner les combustibles fossiles» et à «priver les pétro-États autoritaires des revenus dont ils ont besoin» sont absurdes à première vue. En termes pratiques, les sanctions signifient que les membres européens de l’OTAN font face à une coupure des importations de gaz russe. Les États-Unis ont déjà annoncé qu’elles seront remplacées par une augmentation de la production qui provient de pétromonarchies réactionnaires du Golfe persique comme le Qatar. Et il n’y aura peut-être pas d’environnement à protéger au cas où la crise déclencherait un échange nucléaire.

Le rôle de Sanders mis à nu

La classe dirigeante est consciente de la profonde opposition à la guerre au sein de la population américaine. Selon un sondage AP publié mercredi, seuls 26 pour cent des Américains pensent que les États-Unis devraient jouer un rôle majeur dans le conflit actuel.

La société américaine est dans un état d’effondrement causé en grande partie par les guerres des 30 dernières années qui ont épuisé les budgets, empoisonné la culture politique et démontré que l’ensemble de l’establishment politique, patronal, médiatique et militaire n’est constitué que de menteurs et de criminels de guerre. L’inflation augmente et 2.000 personnes meurent de la COVID-19 chaque jour alors que la classe dirigeante met fin aux restrictions et sacrifie les travailleurs et les enfants au nom du profit des sociétés.

La classe dirigeante cherche désespérément à réaffirmer sa position déclinante d’hégémonie mondiale et à détourner l’attention de la classe ouvrière de la mort, de la pauvreté et de l’inégalité dans son pays en ayant recours à un ennemi étranger. Malgré tous ses efforts, Sanders ne parviendra pas à légitimer la campagne de guerre de Biden. Ce faisant, il ne fera que démontrer ce que sont ses véritables politiques.

(Article paru en anglais le 24 février 2022)

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