Biden dévoile un budget 2023 qui contient des dépenses massives pour l’armée et la police

Le président Joe Biden a dévoilé lundi après-midi le projet de budget 2023 de son gouvernement qui prévoit les dépenses militaires américaines les plus importantes de tous les temps et une augmentation substantielle de la répression policière intérieure.

Le président Joe Biden s’exprime depuis le Statuary Hall du Capitole des États-Unis pour marquer le premier anniversaire de l’émeute du 6 janvier au Capitole par des partisans fidèles au président de l’époque, Donald Trump, le jeudi 6 janvier 2022, à Washington (Greg Nash/Partage via AP)

Si Biden a parlé d’augmenter les dépenses pour les programmes sociaux nationaux et de taxer les milliardaires, c’était pour la forme, étant donné l’étroitesse de la marge de contrôle du Parti démocrate à la Chambre et au Sénat. Sa déclaration selon laquelle la «responsabilité fiscale» serait la priorité de son gouvernement est plus significative.

Dans sa brève allocution aux côtés de la directrice du budget Shalanda Young, Biden a défini ses priorités comme suit: «Premièrement, c’est la responsabilité fiscale. Deuxièmement, c’est la sûreté et la sécurité. Et troisièmement, c’est les investissements nécessaires pour construire une meilleure Amérique».

Il a ensuite réitéré: «La première valeur est la responsabilité fiscale. L’administration précédente, comme vous le savez tous, a enregistré des déficits budgétaires records. En fait, il a augmenté chaque année sous mon prédécesseur. Mon gouvernement est en train de renverser la situation. L’année dernière, nous avons réduit le déficit de plus de 350 milliards de dollars. Cette année, nous sommes sur la bonne voie pour réduire le déficit de plus de 1300 milliards de dollars. Ce serait la plus grande réduction du déficit en un an de l’histoire des États-Unis».

Cela signifie que lorsque la proposition d’augmentation d’impôt sur les milliardaires et d’autres mesures qui visent à augmenter les recettes seront bloquées par les républicains et l’aile droite de son propre Parti démocrate, Biden insistera sur le fait qu’il ne peut y avoir de réductions dans l’armée, étant donné la confrontation en cours avec la Russie et la menace supposée de la Chine. Les dépenses sociales en feront inévitablement les frais.

Quelle que soit l’issue des marchandages et des luttes intestines au Congrès, le budget repose sur les hypothèses les plus optimistes: pas de résurgence de la COVID-19, une croissance économique substantielle et un ralentissement de l’inflation qui atteint actuellement près de 8 pour cent. Biden a déclaré qu’il demandait la fin de l’aide fiscale accordée aux États et aux collectivités locales et des subventions aux grandes entreprises en raison de la pandémie. Les dépenses liées à la pandémie «seront considérablement réduites par rapport à l’année dernière», même si le nombre réel de personnes infectées et nécessitant des soins a augmenté.

Biden a déclaré qu’un nouvel impôt sur les milliardaires permettrait de récolter 360 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Il s’agit de la dernière itération d’une escroquerie de longue date du Parti démocrate qui consiste à prétendre qu’il est favorable à une augmentation des impôts sur les riches et à adopter des modifications du code fiscal auxquelles les multimillionnaires peuvent ensuite facilement échapper. Les démocrates ne proposent jamais de mesures qui redistribueraient réellement la richesse au détriment des super-riches, car, comme l’a dit Biden lundi, «je suis un capitaliste».

Il a également proposé une augmentation du taux de l’impôt sur les sociétés de 21 à 28 pour cent. Un plan similaire n’a pas abouti l’année dernière en raison de l’opposition de deux démocrates de droite, Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Kyrsten Sinema (Arizona). Ni l’un ni l’autre n’ont changé de position, cette proposition est donc purement destinée à soutenir un peu de démagogie populiste dans la campagne électorale de 2022.

Le président démocrate a débité une litanie de promesses en matière de dépenses sociales, notamment en matière de garde d’enfants, d’école maternelle universelle, de soins de santé, de développement de la recherche sur la lutte contre le cancer et les changements climatiques, et de réduction de la pauvreté et du nombre de sans-abri. Biden est bien conscient que le Congrès n’adoptera aucune de ces propositions, à moins qu’elles ne soient réduites quasiment à néant.

Le cœur de son programme intérieur est la loi et l’ordre. «La réponse n’est pas de définancer nos services de police», a-t-il déclaré, «c’est de financer notre police et de lui donner tous les outils dont elle a besoin… Le budget prévoit plus de policiers dans les rues pour la police de proximité afin qu’ils apprennent à connaître la communauté qu’ils surveillent». Les agences de police fédérales bénéficieraient également d’un financement accru, notamment le FBI et le Bureau des alcools, du tabac et des armes à feu.

Ces différents postes domestiques font pâle figure en comparaison des dépenses massives consacrées à l’armée, qui recevra la somme record de 813 milliards de dollars, soit plus de 2 milliards de dollars par jour. La majeure partie de ces dépenses est destinée à l’acquisition d’un nombre croissant d’armements: avions, navires, chars, véhicules blindés, artillerie de pointe, ainsi que 40 milliards de dollars au ministère de l’Énergie afin de construire de nouvelles armes nucléaires plus destructrices.

Il y aura également une augmentation de salaire de 4,6 pour cent pour les militaires et les employés civils fédéraux. Les militaires en uniforme et les employés du Pentagone, de la CIA et des départements principalement concernés par la sécurité nationale et le maintien de l’ordre au niveau national, tel que la Sécurité intérieure, la Justice, le département d’État, les Anciens Combattants, l’Énergie et les Transports, constituent la grande majorité des employés fédéraux.

Le budget prévoit, par exemple, 42 milliards de dollars pour la patrouille frontalière, l’immigration et le contrôle douanier, ainsi que l’expansion et l’entretien des clôtures frontalières. Un autre montant de 30 milliards de dollars sera consacré à divers programmes qui visent à renforcer les forces de police locales et étatiques.

L’invasion réactionnaire de l’Ukraine par la Russie, en réaction à l’insistance intransigeante du gouvernement américain et des puissances impérialistes européennes sur l’expansion de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, est devenu une excuse toute trouvée pour donner au Pentagone tous les dollars qu’il demande, et même plus.

Biden a cité la guerre en Ukraine à plusieurs reprises et a appelé à un «programme d’unité bipartisan» en réponse aux supposées menaces mondiales posées par la Russie et la Chine.

Le document budgétaire est explicite à ce sujet: «Nous sommes au début d’une décennie décisive qui déterminera l’avenir de la concurrence stratégique avec la Chine, la trajectoire de la crise climatique, et si les règles qui régissent la technologie, le commerce et l’économie internationale vont consacrer ou violer nos valeurs démocratiques».

Le New York Times a cité ce passage puis a déclaré sans ambages que le cœur du message de Biden n’était pas «un appel urgent à s’attaquer aux inégalités raciales et de revenus, au changement climatique et aux luttes de la classe moyenne, mais à réaffirmer la domination américaine dans un monde dangereux et compétitif».

Si l’on ajoute à cela le budget 2022 qui vient d’être adopté définitivement par le Congrès avec six mois de retard, le Pentagone recevra une augmentation énorme de 10 pour cent au cours des deux premières années du gouvernement Biden. Et cela suppose que les États-Unis et l’OTAN ne s’impliquent pas plus directement dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, auquel cas on peut s’attendre à une énorme augmentation supplémentaire.

Parmi les postes budgétaires les plus importants, citons 6,9 milliards de dollars pour l’Initiative européenne de dissuasion, qui soutient les opérations de l’OTAN principalement en Europe orientale, en visant la Russie. C’est presque le double du montant de 3,6 milliards de dollars de 2022. Quelque 692 millions de dollars iront à l’Ukraine pour soutenir ses opérations militaires contre la Russie.

Un montant record de 130 milliards de dollars sera consacré à la recherche et au développement militaires, notamment aux armes hypersoniques, à la biotechnologie et à la microélectronique.

Une autre tranche de 40 milliards de dollars du budget de l’armée de l’air ira à d’autres agences sur une base classifiée. C’est ce que l’on appelle le «budget noir», qui finance des opérations dont l’État de sécurité nationale ne rend même pas compte au Congrès, et encore moins à la population américaine.

(Article paru en anglais le 29 mars 2022)

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