Depuis le week-end une campagne de grande envergure sur des crimes de guerre présumés des troupes russes à Boutcha, une ville d'environ 28 500 habitants au nord-ouest de Kiev, se déchaîne dans la presse occidentale.
Cette campagne représente une escalade significative de la guerre en Ukraine et intervient juste après que la Russie a annoncé que deux hélicoptères ukrainiens étaient entrés sur le territoire russe et avaient bombardé un dépôt pétrolier à Belogorod, vendredi.
Elle se fonde sur des allégations des autorités et de l'armée ukrainiennes selon lesquelles les troupes russes, tout en contrôlant Boutcha, ont torturé et assassiné un grand nombre de civils. Les chiffres cités dans des articles de presse vont de quelques dizaines à plus de 400. Plusieurs corps auraient été trouvés dans des fosses. Human Rights Watch a publié un rapport, basé sur des entretiens avec des témoins oculaires à Boutcha et dans d'autres villes, décrivant des viols et des tortures, qui selon elle devaient faire l’objet d’une enquête pour « crimes de guerre » commis par les troupes russes.
Le Kremlin a rejeté les allégations d'atrocités contre des civils comme étant une « provocation de forces radicales ukrainiennes » et a appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU lundi. Le ministère russe des Affaires étrangères a souligné que les troupes russes s'étaient retirées de Boutcha le mercredi 30 mars, un jour après que la Russie eut promis, lors des négociations de paix,qu'elle réduirait considérablement ses forces près de Kiev.
Le Kremlin a également fait remarquer qu'un message vidéo du maire de Boutcha du 31 mars ne fait aucune référence à des atrocités et que les images et les reportages n'ont commencé à circuler qu'après l'entrée des troupes et de la télévision ukrainiennes dans la ville, le samedi 2 avril.
Le message vidéo d'Anatoly Fedoruk montre en effet un maire exubérant, proclamant que tous les « orcs russes », le nom qu’il donna aux troupes russes, avaient quitté la ville, sans aucune mention d'atrocités ou de crimes de guerre.
Ce qui s'est réellement passé à Boutcha et qui a perpétré quels crimes n’est jusque-là pas avéré. Mais deux choses elles, sont claires: premièrement, l'hypocrisie cynique des puissances impérialistes sur les crimes de guerre atteint avec cette campagne une nouvelle dimension; et deuxièmement, on s’en sert pour intensifier considérablement la guerre.
Les mêmes puissances impérialistes qui crient à présent au « choc » et à l’« horreur» face aux allégations non prouvées de meurtres commis par l'armée russe ont transformé en ruines de grandes parties du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Les guerres américaines ont fait, rien que depuis 2001 et selon des estimations prudentes, entre 3 et 4 millions de victimes civiles.
En fait, la rhétorique de la campagne de presse à propos de Boutcha et les allégations de « génocide » et « d'atrocités » portent l’estampille de la propagande impérialiste ayant précédé le déclenchement ou l'escalade d'innombrables guerres pour la défense des « droits de l'homme » depuis 1991, dont celles menées en Yougoslavie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Il est impossible de fournir une liste exhaustive des crimes de guerre perpétrés par les États-Unis, tout comme par l'impérialisme britannique, australien, français et allemand au cours des dernières décennies. Les futurs historiens auront besoin de volumes entiers pour documenter et analyser les crimes ainsi commis.
Quelques cas récents devraient cependant être cités :
- Le massacre de Kunduz en 2009, le plus grand crime de guerre de l'armée allemande depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui a fait au moins 90 morts parmi les civils.
- Le siège américain de Mossoul , en Irak, en 2014, qui a fait environ 40 000 morts.
- La destruction de Raqqa , en Syrie, en 2017, par les forces américaines avec plus de 1 600 victimes civiles.
Dans aucun de ces cas, aujourd'hui abondamment documentés, les responsables n'ont été poursuivis. Julian Assange , qui a dénoncé certains des crimes les plus horribles de l'impérialisme américain, a été cruellement torturé et enfermé pendant plus d'une décennie à la demande de Washington. Il est maintenant menacé d'extradition vers les États-Unis et passible d'une peine de 175 ans de prison.
Il convient également de noter qu’Human Rights' Watch a publié un rapportjeudi (article en anglais) indiquant que les troupes ukrainiennes pourraient avoir commis des crimes de guerre en tirant sur les jambes de prisonniers de guerre russes et en le filmant. L'armée ukrainienne a, en fait, annoncé publiquement(article en anglais) de tels crimes de guerre et a mené des semaines durant une campagne sur les réseaux sociaux où elle a partagé des images de soldats russes tués. Cela constitue en soi une violation de la Convention de Genève pour le traitement humain des prisonniers de guerre. Mais de cela, la presse occidentale n’en a pour ainsi dire pas parlé.
La campagne à propos de Boutcha sert maintenant de base à une considérable escalade de la guerre par procuration que l'OTAN mène contre la Russie en Ukraine, quelques jours seulement après que les négociateurs russes et ukrainiens aient évalué les négociations de paix comme « positives ».
La réponse a été particulièrement hystérique en Allemagne. Le chancelier allemand Olaf Scholz a qualifié les morts de Boutcha de « crime de guerre » et a annoncé de nouvelles livraisons d'armes à l'Ukraine ainsi que des sanctions de l'OTAN contre la Russie dans les prochains jours.
Dans un article du quotidien libéral Süddeutsche Zeitung, Stefan Kornelius a déclaré que la «révélation» de cadavres à Boucha montraient que l'Ukraine subissait «une guerre d'anéantissement». Il a comparé directement la guerre en cours à l'invasion de l'Union soviétique par Hitler en 1941. C'est là une minimisation et une relativisation délibérée des crimes de l'impérialisme allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans le cadre de la guerre d'anéantissement d'Hitler contre l'Union soviétique, les nazis ont occupé l'Ukraine soviétique, tuant plus de 5 millions d'Ukrainiens, dont 1,5 million de Juifs ukrainiens.
Les nationalistes ukrainiens, les prédécesseurs du régiment Azov et d'autres forces paramilitaires qui fonctionnent à présent comme troupes de choc pour le compte des puissances impérialistes et du gouvernement de Kiev, ont participé à ces crimes, perpétrant des massacres contre les Juifs, les Polonais et les civils opposés au fascisme.
Aujourd'hui, la classe dirigeante allemande s'appuie à nouveau sur ces forces d'extrême droite et saisit la guerre comme une opportunité pour imposer un budget de guerre record de 100 milliards d'euros, triplant d’un coup les dépenses militaires du pays – ce que même Hitler n'avait pas osé faire après son arrivée au pouvoir en 1933.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié les cadavres de Boutcha de preuves d'un « génocide » en cours et a effectivement exclu tout progrès significatif dans les négociations de paix, déclarant: « Nous ne pouvons avoir la paix qu'en combattant ». Son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré qu'il ne pouvait plus y avoir d'hésitation quant à de nouvelles livraisons d'armes à l'Ukraine : « Nous avons besoin d'armes, maintenant! »
En fait, l'Ukraine a été inondée d'armes par l'OTAN, en particulier par les États-Unis et maintenant aussi par l'Allemagne, qui envoie chars, drones et armes antichars. Selon le Washington Post, le gouvernement Biden a depuis son entrée en fonction dépensé pour l'Ukraine 2,3 milliards de dollars de « soutien à la défense ». De cette somme, 1,6 milliard de dollars ont été débloqués au cours des cinq premières semaines de la guerre.
La semaine dernière, Biden a annoncé une autre « aide budgétaire » encore de 500 millions de dollars pour l'Ukraine (article en anglais). Samedi, le Pentagone a promis 300 millions de dollars supplémentaires pour du matériel militaire, notamment des drones, des véhicules blindés et des mitrailleuses.
Ces livraisons massives d'armes ont déjà eu un impact majeur sur la guerre. Même à en juger par les chiffres fournis par le Kremlin, les pertes militaires russes (1 351) sont plus élevées que le bilan officiel des civils ukrainiens, qui s'élève à 1 232. Mais le nombre réel des morts parmi les soldats russes est largement considéré comme bien plus élevé ; le Pentagone estime lui, que 7 000 soldats russes pourraient avoir été tués.
Selon The Economist, les généraux russes meurent à un rythme sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Des informations suggèrent que pas moins de 18 commandants militaires de haut rang ont été tués au combat, dont plusieurs généraux.
Si The Economist a cité un certain nombre de raisons possibles de la forte exposition des militaires russes les plus gradés – comme un équipement, une logistique et un moral des troupes médiocres – son article fait également remarquer que l'OTAN aide probablement l'Ukraine à intercepter les communications militaires russes et à localiser les troupes. De plus, The Economist fait référence à un reportage de Yahoo News qui révèle l’entraînement durant de nombreuses années des paramilitaires ukrainiens par les États-Unis, entre autres de tireurs d'élite. Un ancien responsable américain a déclaré à Yahoo News : « Je pense que les tireurs d'élite montrent de grands effets […] la formation a vraiment porté ses fruits ».
(Article paru en anglais le 4 avril 2022)