Perspectives

La fin du test COVID-19 pour les personnes non assurées: la classe dirigeante américaine s’en remet à l’infection de masse

Le mois dernier, le programme américain qui finance les tests COVID-19 pour les personnes non assurées a cessé d’accepter les demandes «faute de fonds suffisants». Cela signifie que dans une grande partie des États-Unis, les personnes sans assurance maladie n’auront pas accès aux tests COVID-19, à moins qu’elles ne puissent payer de leur poche. Certaines cliniques ont déjà commencé à refuser les personnes sans assurance qui viennent se faire dépister et n’ont pas les moyens de payer.

L’infirmière Debbi Hinderliter (à gauche) prélève un échantillon sur une femme dans un site de dépistage du coronavirus près du poste-frontière piéton le plus fréquenté du pays, le 13 août 2020, à San Diego [Photo: AP Photo/Gregory Bull]

Cette situation se produit alors qu’une nouvelle vague d’infections due au sous-variant Omicron BA.2, encore plus contagieux, prend de l’ampleur. L’exemple de l’Europe, où le BA.2 est à l’origine d’une nouvelle vague d’infections et de décès, est un avertissement de ce qui est à venir aux États-Unis.

De nombreux travailleurs à faible revenu et chômeurs ont déjà connu l’humiliation de se voir refuser l’accès à des centres de dépistage ou à des centres de vaccination parce qu’ils n’étaient pas assurés ou ne pouvaient pas se permettre de payer les 125 dollars que coûte un test PCR, le moyen le plus précis de détecter une infection, ou une vaccination. Et bien sûr, les personnes non assurées n’ont aucun moyen de payer les milliers de dollars que nécessiterait une hospitalisation pour une infection de COVID-19.

La semaine dernière, Biden a attribué l’arrêt du financement du dépistage de la COVID-19 à «l’inaction du Congrès». En réalité, l’arrêt de la gratuité des tests et de la vaccination contre la COVID-19 est tout à fait conforme à la politique du gouvernement en matière de COVID-19.

Le gouvernement Biden a utilisé l’émergence du variant Omicron, hautement transmissible, comme prétexte pour abandonner toutes les mesures qui visent à arrêter la propagation de la COVID-19. Il laisse la quasi-totalité de la population américaine être infectée et réinfectée par la COVID-19 dans un avenir indéfini.

À cette fin, en décembre, alors que la vague Omicron venait juste de commencer, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont réduit de moitié la durée d’isolement recommandée pour les personnes infectées par la COVID-19. Le 21 janvier, les CDC, sous la direction de la Maison-Blanche, ont lancé une campagne pour que les États mettent fin aux masques obligatoires.

Le 26 mars, Hawaï est devenue le dernier État américain à mettre fin à son obligation de porter un masque. Tous les gouverneurs, qu’ils soient démocrates ou républicains, ont mis fin à cette mesure d’atténuation minimale.

Le recul des tests se produit à l’échelle internationale. Le 1er avril, les tests gratuits de COVID-19 ont pris fin au Royaume-Uni, presque simultanément avec la mesure prise aux États-Unis.

Sans tests, il devient impossible de contrôler la propagation de la maladie par l’isolement et la quarantaine, ce qui permet à la maladie de se propager sans entrave dans la population, tout en censurant le nombre de cas officiels.

Les efforts qui visent à réduire les tests ont pour but de garantir que les grandes entreprises continuent à disposer d’un flux constant de main-d’œuvre à exploiter, même si les travailleurs sont malades au travail et infectent les autres.

La cause immédiate de la fin du dépistage et de la vaccination gratuits est l’échec du Congrès à approuver une mesure de 15,6 milliards de dollars pour prolonger le programme dans lequel le gouvernement fédéral achetait des fournitures de dépistage et des vaccins et les livrait gratuitement aux sites de dépistage et de vaccination gérés par les États. On a supprimé cette mesure de la loi de financement du gouvernement fédéral que les deux chambres du Congrès ont adopté il y a deux semaines.

En raison de cette querelle législative, le financement supplémentaire pour le dépistage, le traitement et la vaccination de la COVID-19, ainsi que pour la poursuite de la recherche, nécessite l’adoption d’un projet de loi distinct qui a besoin du soutien d’au moins 10 républicains pour surmonter l’obstruction attendue au Sénat. La majorité des sénateurs républicains d’extrême droite veulent mettre un terme à toutes les mesures de secours et d’atténuation des effets du coronavirus et affirmer simplement que le virus est devenu «endémique» et qu’on ne doit plus le combattre.

L’accord bipartite annoncé lundi en fin d’après-midi par le chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, et un petit groupe de sénateurs républicains dirigé par Mitt Romney, de l’Utah, ne fera pas grand-chose pour remédier à la situation. Il prévoit 10 milliards de dollars pour l’achat de fournitures d’essai, de médicaments thérapeutiques comme les anticorps monoclonaux et de vaccins de différents types. En d’autres termes, tout cet argent sera versé à des sociétés géantes, et pas un centime ne sera versé aux prestataires de soins de santé ou à leurs patients.

Les 10 milliards de dollars représentent une nouvelle réduction de ce qui était à l’origine, tel qu’élaboré par le département de la Santé et des Services sociaux en février, une proposition de 32,5 milliards de dollars de dépenses supplémentaires pour lutter contre la pandémie – et cela, avant l’émergence d’Omicron BA.2. La Maison-Blanche a réduit ce chiffre à 22,5 milliards de dollars dans sa proposition au Congrès, et la Chambre des représentants l’a encore réduit à 15,6 milliards de dollars. Aujourd’hui, le Sénat réduit encore ce montant à 10 milliards de dollars. Cela représente moins que le financement d’un groupe de chasseurs F-35 Joint Strike Fighter dans la dernière proposition militaire gargantuesque du gouvernement Biden.

La dernière coupe dans les dépenses COVID-19 vient de l’élimination totale d’une proposition du gouvernement Biden de dépenser 5 milliards de dollars comme contribution américaine aux programmes mondiaux de vaccination et de lutte contre la COVID-19. Cette action témoigne du sectarisme nationaliste et de l’étroitesse d’esprit antiscientifique des démocrates et des républicains, puisqu’il est impossible de combattre l’épidémie mondiale d’un virus mortel à l’intérieur des frontières d’un seul pays.

Dans de grandes parties de l’Afrique, par exemple, seuls 15 pour cent de la population sont vaccinés. Les chiffres sont presque aussi élevés dans certaines parties de l’Asie, de l’Amérique latine et même dans les zones rurales et pauvres des États-Unis. Les grandes populations non vaccinées, partiellement vaccinées ou qui n’ont pas eu de dose de rappel constituent le terrain idéal pour les mutations du SRAS-CoV-2, le virus à l’origine de la COVID-19. La propagation du virus implique potentiellement des milliards de transmissions d’un hôte à l’autre, où chacune d’entre elles est une occasion pour le virus de muter et de trouver une forme plus infectieuse, résistante au vaccin et mortelle.

Le refus des élites dirigeantes capitalistes mondiales d’accepter des confinements qui entraîneraient une réduction de leurs profits est à l’origine de la propagation mondiale de l’infection et de l’émergence de variants telles qu’Alpha, Beta, Delta, Omicron, et maintenant Omicron BA.2, qui est devenue la souche dominante du virus dans le monde entier.

En outre, l’aristocratie financière a trouvé un «bon côté» à la pandémie, puisqu’elle tue de manière disproportionnée les personnes âgées, retraitées ou souffrant de maladies ou d’autres conditions qui les empêchent de travailler. Ces millions de personnes sont «improductives» du point de vue du système de profit et il est donc préférable de s’en débarrasser.

Encore plus de personnes perdront leur aide financière à partir du 16 avril si le gouvernement fédéral met fin à l’urgence nationale déclarée en 2020 par le gouvernement Trump. Dans le cadre de l’urgence, la couverture de Medicaid a été fortement augmentée et de nombreux travailleurs, auparavant inéligibles parce que leurs revenus étaient «trop élevés», ont été ajoutés au programme. Une étude a estimé que jusqu’à 13 millions de personnes seront exclues du programme pendant le reste de l’année 2022 si la déclaration d’urgence devient caduque.

L’impact sur les travailleurs à faible revenu a été souligné par le Poor People’s Pandemic Report, publié lundi, qui révèle que les 300 comtés les plus pauvres d’Amérique ont un taux de mortalité lié à la COVID-19 deux fois plus élevé que les 300 comtés les plus riches. Pendant les vagues de Delta et d’Omicron, cette disparité s’est accrue, le taux de mortalité étant jusqu’à six fois plus élevé, les systèmes de santé des comtés les plus pauvres étant surchargés.

Comme le montrent le rapport sur la pauvreté et l’interruption de l’aide américaine aux programmes de vaccination mondiaux, la lutte contre la pandémie est une question de classe. La lutte contre la COVID-19 requiert l’unité de classe de tous les travailleurs américains, noirs, blancs, hispaniques et asiatiques, ainsi que l’unité entre les travailleurs américains et leurs frères et sœurs de classe dans le monde entier. Une solution nationale n’existe pas pour une pandémie mondiale. Aucune manière n’existe non plus pour une lutte efficace sous la domination de la classe capitaliste.

Une partie cruciale de cette lutte consiste à identifier les forces sociales et de classe responsable de ce qui n’est pas une catastrophe naturelle, mais un crime social massif. Pour mener à bien cette lutte, les travailleurs de tous les pays doivent soutenir l’Enquête ouvrière mondiale sur la pandémie de COVID-19, entreprise par le World Socialist Web Site. Cette enquête permet de découvrir les impacts de la pandémie et d’identifier tous les responsables de cette souffrance et de cette mort inutiles.

(Article paru en anglais le 5 avril 2022)

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