Perspective

Le COVID-19 ravage Washington

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a été testée positive au COVID-19, a annoncé son bureau jeudi, un jour après avoir été à la Maison-Blanche pour deux événements, où elle s’est trouvée à proximité du président Joe Biden. Pelosi n’est que la dernière, et la plus importante, des dizaines de hauts fonctionnaires du Congrès et du gouvernement Biden à avoir contracté le virus potentiellement mortel ces dernières semaines.

Le président Joe Biden embrasse la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (Californie), lors d’un événement concernant la loi sur les soins abordables dans la salle «Est» de la Maison-Blanche à Washington, le mardi 5 avril 2022. (AP Photo/Carolyn Kaster)

La liste comprend le procureur général Merrick Garland, le directeur de la CIA William Burns et la secrétaire au commerce Gina Raimondo. Le mari de la vice-présidente Kamala Harris, Doug Emhoff, a été testé positif, tout comme le directeur de la communication de Harris, Jamal Simmons. La secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a contracté le COVID-19 pour la deuxième fois, et son adjointe, Karine Jean-Pierre, a été testée positive. La sœur de Biden, Valerie Biden Owens, a été testée positive, ainsi que la maire de Washington D. C., Muriel Bowser.

Quelques heures après avoir participé au vote de jeudi sur la nomination de Ketanji Brown Jackson à la Cour suprême, la sénatrice républicaine, Susan Collins, a déclaré qu’elle venait de se faire tester positive.

Ailleurs au Capitole, cinq autres membres de la Chambre des représentants ont annoncé cette semaine qu’ils avaient contracté le COVID-19. Il s’agit de: Adam Schiff (Californie), président de la commission du renseignement de la Chambre, Katherine Clark (Massachusetts), vice-présidente de la Chambre, Scott Peters (Californie), Derek Kilmer (Washington) et Joaquin Castro (Texas).

Sur les 134  membres de la Chambre qui ont été testés positifs au COVID-19 depuis le début de la pandémie, 65, soit près de la moitié, ont été infectés depuis le 1er décembre 2021, date à laquelle Omicron est devenu le variant dominant aux États-Unis. Parmi eux, il y a les trois principaux leaders de la Chambre: Pelosi, Steny Hoyer et Jim Clyburn, tous âgés de plus de 80 ans. Sur les 24 sénateurs qui ont contracté le COVID-19, 12 l’ont eu pendant la poussée d’Omicron, soit exactement la moitié.

Depuis le début du mois de mars, une série de rassemblements politiques ont servi de points chauds pour la transmission virale au sein de l’establishmentpolitique, notamment le discours sur l’état de l’Union, un week-end de retraite à huis clos pour les principaux démocrates, le dîner annuel du Gridiron Club (un événement social majeur qui réunit près d’un millier de personnalités du monde politique, des médias et des affaires), et une cérémonie à la Maison-Blanche mardi qui marquait le dixième anniversaire de la signature de la Loi sur les soins abordables.

Ces rencontres ont été une démonstration d’une incroyable témérité, puisque le président de 79 ans – qui a survécu de justesse à un anévrisme cérébral il y a 30 ans – a circulé sans masque parmi des foules non masquées de partisans et d’officiels, serrant des mains et administrant des accolades. Dans de nombreux cas, il était accompagné de Pelosi, âgée de 82 ans, ou bien de Jim Clyburn, âgé de 81 ans – le whip de la minorité et le plus proche allié de Biden au Capitole.

Le fait qu’autant de personnalités de premier plan de l’État américain aient récemment contracté le COVID-19 est le signe d’une profonde irresponsabilité dans ces couches.

Le Wall Street Journala expliqué la motivation politique derrière ce comportement imprudent. Il a noté: «Les responsables de l’administration ont reconnu que les contacts réguliers du président avec ses conseillers et ses partisans pouvaient l’exposer au COVID-19. Mais ils ont dit que c’était important pour Biden de projeter un sentiment de semi-normalité alors que de nombreux Américains choisissent de quitter leur maison, de retourner au travail et de socialiser avec leurs amis».

En d’autres termes, la propagation rapide du COVID-19 à travers le Washington officiel est le sous-produit d’une campagne systématique, menée par la Maison-Blanche, pour faire croire au public américain que la pandémie de COVID-19 est terminée. Cependant, les épidémiologistes et les responsables de la santé publique qui s’appuient sur des principes avertissent que le sous-variant Omicron BA.2 est désormais dominant aux États-Unis. Ce dernier est encore plus transmissible et dangereux que le sous-variant Omicron BA.1 qui a ravagé le pays cet hiver.

Les officiels de la Maison-Blanche et les leaders du Congrès se sont apparemment bercés d’illusions. Ils croient à leur propre propagande sur un retour aux conditions prépandémiques, ou comme l’a récemment dit Biden, «le virus n’a plus le contrôle». Mais la série de contaminations à Washington assène un démenti aux affirmations officielles. En réalité, le COVID-19 continue de ravager la population, tuant au moins 24.000 personnes au cours du mois dernier. La courbe de l’infection a commencé à remonter vers le haut, le BA.2 étant devenu dominant aux États-Unis.

Face à cette nouvelle recrudescence, le gouvernement Biden abandonne toute mesure qui vise à ralentir la propagation de la pandémie. Le 7 avril, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont commencé à autoriser les personnes activement infectées par le COVID-19 à prendre l’avion. En même temps, ils leur «recommandent» de ne pas le faire! Ils ont dit aux services de santé des États et des collectivités locales qu’ils pouvaient cesser de signaler les cas dans lesquels des personnes infectées par le COVID-19 avaient l’intention de prendre l’avion.

Dans le cadre d’une campagne menée par la Maison-Blanche, les États s’efforcent systématiquement de dissimuler la pandémie. La semaine dernière, le New Hampshire a redéfini ce qui compte comme une hospitalisation pour le COVID-19 de manière si radicale que cela reviendrait à compter «seulement 4 pour cent des patients COVID-19», selon un rapport.

Dans tout le pays, les États mettent fin à la déclaration quotidienne des cas et des décès liés au COVID-19, la Californie étant le dernier État à y mettre fin. Seuls six États et Porto Rico font désormais des rapports sept jours sur sept, et au moins dix États ne font des rapports qu’une fois par semaine ou moins fréquemment.

Ayant affirmé que la pandémie est terminée, les dirigeants démocrates n’ont montré aucune urgence à prolonger le financement d’urgence pour les traitements coûteux tels que les anticorps monoclonaux, ainsi que les subventions pour payer les tests et les vaccinations des personnes à faible revenu et non assurées.

Ces mesures devaient se faire adopter dans le cadre d’un projet de loi distinct, qui est maintenant bloqué au Sénat, et mis en attente pendant que les sénateurs et les membres du Congrès prennent deux semaines de vacances de Pâques. En attendant, les travailleurs doivent payer jusqu’à 125 dollars pour un test PCR et des milliers de dollars pour des médicaments antiviraux, sans parler de l’hospitalisation, s’ils contractent le COVID-19.

Alors qu’ils empêchent systématiquement les travailleurs d’avoir accès à ces traitements, l’élite politique de Washington (et bien sûr ses patrons à Wall Street et dans les milieux d’affaires américains) jouit de la couverture médicale la plus complète et du traitement le plus coûteux en cas de contamination au COVID-19.

Cela soulève une autre question. Si, l’élite politique américaine se trompe de façon aussi grotesque sur les dangers du COVID-19, même pour elle-même, quelle raison y a-t-il de croire qu’elle agira de façon plus rationnelle et plus prudente par rapport au danger croissant d’une guerre avec la Russie au sujet de l’Ukraine? Une telle guerre impliquerait l’utilisation d’armes nucléaires, menaçant la survie de l’humanité.

Le gouvernement Biden, le Parti démocrate, et l’aristocratie financière qu’ils servent, persistent et signent la politique consistant à mettre au rebut tous les efforts qui visaient à atténuer l’impact de la pandémie. Maintenant, ils favorisent la même politique initiée par Trump et promulguée par les gouverneurs républicains dans un État après l’autre: laisser le virus se propager sans aucune retenue.

Une logique de classe se démontre ici. La classe capitaliste et ses représentants politiques dans les partis démocrates et républicains rejettent le seul moyen sérieux, fondé sur la science, de lutter contre la pandémie: la stratégie zéro COVID qui requiert une mobilisation systématique des ressources de la société, y compris des confinements temporaires, des tests de masse, la recherche des contacts, et toutes les autres mesures de santé publique nécessaires pour stopper la propagation de l’infection et éliminer le virus.

Cette politique permettrait de sauver des millions de vies, comme la Chine l’a démontré, mais l’élite dirigeante américaine considère ces méthodes avec haine et crainte parce qu’elles empiéteraient sur l’extraction de profits sur le dos de la classe ouvrière et menaceraient de déstabiliser la bulle spéculative sans précédent des marchés financiers. De plus, elles feraient obstacle aux plans de l’impérialisme américain pour mobiliser la société pour un autre type de guerre: le conflit avec la Russie qui menace de dégénérer en une conflagration nucléaire.

Une seule force sociale peut être mobilisée derrière une politique d’élimination du COVID-19 dans le monde, mais c’est la force sociale la plus puissante de toutes, la classe ouvrière internationale. La question décisive est le développement d’un mouvement indépendant de masse des travailleurs, basé sur un programme socialiste et antiguerre.

(Article paru en anglais le 8 avril 2022)

Loading