Le débat Macron-Le Pen révèle le danger d'une dictature d'extrême-droite en France

Le débat de mercredi soir entre Emmanuel Macron et la candidate néofasciste Marine Le Pen révèle le danger croissant d’une dictature fascisante en France.

En surface, le débat avait un caractère relativement calme. Macron, un banquier averti du fait que son arrogance horripile l’électorat, et Le Pen, qui a passé une décennie à «dédiaboliser» son parti, ont visiblement tout fait pour éviter des comportements qui repousseraient les électeurs. Macron en particulier a souvent commencé ses remarques en disant à Le Pen, «vous avez raison». Mais finalement le débat a mis en évidence le peu de différence qui sépare Macron d’une descendante politique de la collaboration nazie.

L'actuel président français et candidat à la réélection Emmanuel Macron, dimanche 10 avril 2022 à Paris, et la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, lors du spectacle 'La France face à la guerre', à Paris, lundi 14 mars 2022 [Crédit : AP Photo/Thibault Camus, Ludovic Marin, pool via AP, File].

Le Parti de l’égalité socialiste (PES) insiste que la lutte contre le danger d’un régime d’extrême-droite passe pas la mobilisation indépendante de la classe ouvrière, pour rejeter les deux candidats et boycotter les élections. C’est la meilleure façon de préparer les luttes à venir contre les violentes attaques que le gagnant, que se ce soit Le Pen ou Macron, lancera contre les travailleurs.

Le débat a commencé par le pouvoir d’achat, qui chute rapidement face à la montée internationale des prix, notamment de l’énergie et de l’alimentation. Le Pen a dit qu’elle n’a «vu que des Français me dire qu’ils n’y arrivaient plus» et a critiqué l’explosion des prix du gaz, à l’international comme en France, alors que l’Otan impose des sanctions aux exportations de gaz russe.

Macron a attaqué la démagogie sociale de Le Pen surtout sur la droite, prétendant que toute tentative de tenir en compte les griefs sociaux contre son gouvernement est irréaliste. Il a critiqué Le Pen pour avoir voté contre le bouclier énergétique, qui fixe pour l’heure les prix du gaz. Le Pen l’ayant accusé d’avoir fait 400.000 de nouveaux pauvres pendant son mandat, Macron l’a accusée de mettre en cause les prérogatives des entreprises: «Vous n’allez pas décider pour l’employeur. Vous ne ferez pas les salaires, Mme Le Pen.»

Les deux candidats se sont alignés sur la guerre que l’Otan livre à la Russie en Ukraine et ont fait le silence sur le commentaire de Biden qui évoque la possibilité de 45 à 60 millions de morts. Quand Macron s’est félicité de la politique de l’Otan qui mène une guerre contre la Russie en Ukraine, Le Pen a répondu que «les efforts que vous avez développés pour tenter de trouver, au nom de la France, les moyens, les voies de la paix méritent d’être soutenus».

Alors que des couches considérables de travailleurs considèrent la possibilité d’un vote Le Pen, il faut souligner que cette approbation de la politique de Macron sur la Russie démontre que Le Pen aussi est un truchement des banques et de l’aristocratie financière françaises.

Quand Le Pen a traité d’ «injustice insupportable» l’impopulaire projet de Macron d’augmenter l’âge de la retraite à 65 ans, et Macron a réagi en attaquant le financement du projet de Le Pen sur les retraites, ceci a provoqué un bref échange sur la pandémie de Covid-19. «Ne me donnez pas de leçons sur le financement de mon projet», a dit Le Pen, avant de critiquer les «600 milliards d’euros de dette supplémentaire» créés par Macron lors de son mandat.

Macron s’est payé le luxe de défendre sa gestion catastrophique de la pandémie, qui a fait 144.000 morts en France. Les plans de relance européens ont enrichi les banques, le patrimoine du seul milliardaire Bernard Arnault passant de 70 à 167 milliards de dollars. Mais Macron a prétendu que c’était une défense des PME: «Que vous ayez l’outrecuidance de dire qu’on a aidé les grands groupes! Demandez aux commerçants, aux artisans … Les chiffres, on parle de vies derrière.»

Le Pen, dont le parti a dénoncé les vaccins largement populaires en France, n’a pas osé critiquer les morts en masse par laquelle Macron a enrichi ses amis milliardaires. Les tentatives démagogiques de Le Pen d’exploiter le mouvement des «gilets jaunes» ont tourné court, car elle applaudissait en même temps les forces de l’ordre qui sous Macron les a violemment réprimés. «Les “gilets jaunes” aspiraient à de la démocratie, et ils n'ont pas été entendus», a fait semblant de se lamenter Le Pen, avant de proposer une «présomption de légitime défense» aux forces de l’ordre.

Macron a réagi en profitant de l’évocation de la police pour attaquer Le Pen sur sa droite. Il a dénoncé Le Pen pour avoir critiqué «les policiers de M. Darmanin», l’actuel ministre de l’Intérieur, quand les policiers ont violemment évacué une manifestante d’une de ses conférences de presse.

A la fin du débat, les candidats ont abordé la question de l’immigration et de l’Islam. Le Pen a assené que la France est livrée à la violence des étrangers, en déclarant, «On est confrontés à une vraie barbarie, à un vrai ensauvagement. On vous blesse, on vous violente, on vous saute sur la tête ou on cherche à vous assassiner. Ce n’est plus possible.» Elle a aussi dénoncé le voile islamique en tant qu’«uniforme imposé par les islamistes».

Macron a riposté en disant que le propos de Le Pen était «inquiétant», avant d’ajouter avec une hypocrisie sans pareille: «Vous allez créer la guerre civile». Il s’est posé en défenseur de la «France de l’universalisme» et déclaré que ce serait «une trahison de la République» si la France devenait «le premier pays au monde à interdire un signe religieux sur la voie publique».

En fait, c’est Macron qui a imposé une «loi anti-séparatiste» visant à faciliter les dissolutions arbitraires des associations musulmanes entreprises et la répression de leurs responsables. Cette loi était la responsabilité de Darmanin, un sympathisant de l’Action française monarchiste qui a ensuite dénoncé Le Pen comme étant «molle» contre l’Islam. En clair, Macron lui-même a tenté d’étouffer l’intensification des tensions de classe sous son mandat en incitant des ressentiments xénophobes afin de renforcer des éléments fascisants dans l’appareil d’Etat.

En réalité, pour brièvement utiliser l’expression de Macron, la République est déjà trahie: la France est déjà devenue le premier pays à totalement interdire des signes religieux, la burqa et le niqab, en 2010. Si Macron estimait en réalité que c’était trahir la République, il aurait pu bien sûr répudier cette mesure anti-démocratique dès le début de son mandat en 2017. Mais il ne l’a pas fait, et sa posture démocratique contre Le Pen n’est que de la charlatanerie réactionnaire.

Ainsi le débat a témoigné d’un consensus réactionnaire qui a émergé dans l’élite dirigeante depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991. Les guerres impérialistes de l’Otan, de l’Irak et la Yougoslavie jusqu’à l’Afghanistan, la Libye, la Syrie et le Mali et qui vise à présent la Russie jouit à présent d’un soutien quasi-unanime dans les milieux dirigeants. De même, le pillage de la société par l’aristocratie financière et l’incitation permanente des haines xénophobes aboutit à une tournant de l’ensemble de l’élite dirigeante vers l’extrême-droite.

Après avoir mis en œuvre d’une politique d’infection de masse au coronavirus et acquiescé aux menaces de guerre de l’Otan contre la Russie, le peu qu’il reste d’attachement aux normes démocratiques dans la classe capitaliste s’évapore.

Mercredi soir, en concluant le débat, Macron a fait sa révérence à Le Pen. «Je combats vos idées, je combats votre parti, [mais] je vous respecte en tant que personne», a-t-il déclaré en s’adressant à elle, légitimant ainsi le néofascisme. C’est un signe sans ambiguïté que la bourgeoise française accepterait un néo-fasciste à l’Elysée, et que Macron lui-même poursuit une trajectoire vers l’extrême-droite.

L’alternative au mouvement de la classe dirigeante vers la droite, comme l’a expliqué le PES, est de lutter pour le boycott de l’élection et le rejet ouvert des deux candidats. Cela vise à mobiliser la classe ouvrière politiquement, à forger parmi les travailleurs des organisations indépendantes de lutte, et de créer un mouvement politique puissant à la fois contre Macron et Le Pen dans une lutte pour le socialisme.

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