Mélenchon tente de s’allier avec les Verts, PCF, NPA aux législatives

Arrivé troisième avec 21,95 pour cent des voix au premier tour de l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon tente de rassembler pour les élections législatives. Mais il ne vise pas à mobiliser les travailleurs. Son parti, la France insoumise (LFI) veut bâtir une Union populaire avec une coalition de partis bourgeois et petit bourgeois discrédités, afin de faire élire Mélenchon le premier ministre sous un président Macron ou Le Pen.

Le 15 avril, LFI a envoyé un courrier à plusieurs partis dont Europe Ecologie-Les Verts (EELV), le Parti communiste français (PCF) stalinien et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pabliste. Le courrier n’ait pas été adressé au Parti socialiste (PS) pro-patronal de l’ancien président François Hollande. Mais le Conseil national du PS, a adopté une résolution mardi soir proposant de discuter avec l'ensemble ce qu’il appelait les forces «de gauche », y compris LFI.

Jean-Luc Mélenchon à Marseille, le 11 mai 2019 (AP Photo/Claude Paris)

Dans le courrier, LFI évoque le score de Mélenchon au premier tour et : « Dimanche dernier, trois blocs politiques clairement délimités ont émergé des urnes. L’un autour des libéraux, l’autre avec l’extrême droite, le troisième avec l’Union populaire. »

Tentant de pousser à un vote Macron en tant que moindre mal, la lettre affirme cyniquement que Macron ou Le Pen représentent tous deux un danger, « même s’ils sont de nature différente ». Elle ajoute que « dans le contexte présent et compte tenu des délimitations tranchées entre les trois groupes, ce deuxième tour élira donc une présidence par contrainte et par défaut. Aucune des tensions politiques du pays ne sera résolue. Il est probable qu’elles soient au contraire aggravées.»

Ceci révèle le gouffre de classe qui sépare le Parti de l’égalité socialiste (PES), la section française du Comité international de l’IVe Internationale, de Mélenchon et de LFI. Le PES a appelé à un boycott actif du second tour, pour mobiliser les travailleurs, rejeter les deux candidats réactionnaires, et préparer les luttes contre le prochain président, que ce soit Macron ou Le Pen. Mélenchon, par contre, veut désorienter la classe ouvrière en bloquant l'opposition sociale contre le prochain président derrière une manœuvre parlementaire.

Mélenchon a obtenu plus de 7,7 millions de voix parmi les travailleurs et les jeunes qui s'opposaient à l'impopulaire Macron et au néo-fasciste Marine Le Pen. Objectivement, LFI occupe une position très puissante. Fort des voix des jeunes et des travailleurs dans les quartiers populaires des grandes villes, Mélenchon pourrait appeler à des grèves et des manifestations pour le boycott de l’élection présidentielle, et contre l’austérité et la guerre. Ce mouvement aura un large soutien parmi les travailleurs en France et au-delà.

Cependant, il ne cherche pas à mobiliser les travailleurs et les jeunes contre le prochain président réactionnaire. Au contraire, Il veut plutôt travailler avec Macron s'il est élu ou même avec un président néo-fasciste afin de canaliser l’opposition ouvrière dans une impasse parlementaire qui étrangle la lutte des classes. Ceci démasque aussi le rôle des partis NPA, auxquels LFI veut s’allier.

«Je demande aux Français de m'élire Premier ministre» en votant pour une «majorité d'Insoumis» et de «membres de l'Union populaire» aux élections législatives des 12 et 19 juin, a-t-il déclaré sur BFM-TV le 19 avril. Le but serait de réaliser un bloc parlementaire au sein de l’État capitaliste pour légitimer le prochain président, que ce soit Marine Le Pen, une candidate ouvertement néofasciste, ou Macron, qui poursuit aussi des politiques d’extrême-droite contre les travailleurs.

La lutte des travailleurs contre le prochain président réactionnaire, que ce soit Macron ou Le Pen, ne peut pas se dérouler au parlement, à travers des partis de l’ordre comme EELV ou le PCF. Une colère sourde monte parmi les travailleurs en France et en Europe dans un contexte de crise sociale et économique croissante, exacerbée par la hausse de l'inflation, la pandémie et l'escalade du conflit militaire entre l'OTAN et la Russie en Ukraine. Cette colère est également dirigée contre des partis, comme EELV, qui ont ouvertement appelé à voter Macron.

Afin de se faire entendre par son électorat ouvrier, LFI avoue que les deux candidats présidentiels en lice représentent tous deux un « danger » pour les travailleurs. Mais loin de chercher à mobiliser en lutte la colère contre Macron et Le Pen, LFI s’offre à eux en tant que potentiels alliés dans un même gouvernement qui poursuivrait des politiques réactionnaires sur tous les sujets brûlants de l’actualité.

Sa lettre ne dit rien sur la pandémie ni sur l'escalade militaire de l'OTAN contre la Russie en Ukraine, qui menace de provoquer une guerre nucléaire. Sur la guerre en Ukraine, Mélenchon se range derrière la provocation de l’Otan en critiquant la Russie portant la responsabilité pour lancer la guerre. LFI a apporté son soutien au mouvement anti- « passe sanitaire », dominé et mené politiquement d’emblée par l’extrême-droite en adoptant les arguments réactionnaires de l’extrême droite selon lesquels la vaccination collective serait une atteinte aux libertés.

L’Union populaire vise simplement à rabattre les électeurs vers un vote pour une coalition électorale sans principes autour de Mélenchon, qui pourrait aussi inclure des forces ouvertement de droite. LFI prétend que Mélenchon mènerait des politiques radicales pour construire « une nouvelle majorité gouvernementale, c’est à dire une majorité politique à l’Assemblée nationale. » Elle promet dans sa lettre de « stabiliser et enraciner davantage encore le pôle populaire pour le rendre disponible et majoritaire aussitôt que possible, notamment pour les prochaines élections législatives. »

LFI indique que l’Union populaire voudrait « rassembler sur des propositions plutôt que sur des logos de parti. » LFI ne limite pas son alliance avec les parties auxquels il a adressé le courrier. Elle veut l’élargir envers toutes les figures y compris des gens de droites et des syndicats. Selon la lettre, « Cette nouvelle étape sera évidemment une coalition de partis et mouvement mais aussi de personnalités et figures associatives et syndicales. Ils se réuniront dans un nouveau parlement, à l’image du parlement de l’Union populaire, reconstitué en vue de cette élection. »

Mélenchon laisse clairement entendre qu’il est ouvert à des alliances avec la droite. Dans un Tweet envoyé le 19 avril, il a écrit : «je ne demande pas aux gens ce qu'ils étaient avant, s'ils étaient de droite ou de gauche. Je dis bienvenue à ceux qui veulent nous rejoindre sur la base d'un programme. Tous ceux qui veulent participer à la victoire du programme sont les bienvenus. »

Un avertissement clair et net doit être fait par rapport au « bloc populaire » que Mélenchon veut construire. Ce n’est pas un mouvement révolutionnaire, socialiste, ou ouvrier, mais un bloc petit-bourgeois sans principes. Il veut travailler avec des partis et des syndicats qui ont collaboré avec des gouvernements successifs en fermant des usines, en supprimant des emplois, en réprimant les luttes contre les coupes sombres dans les programmes sociaux.

Mélenchon propose d'obtenir, sous le capitalisme, diverses concessions, en rejetant le renversement du capitalisme et de la construction du socialisme à l’échelle européenne et mondiale. S’il présente des revendications sociales importantes (augmenter le SMIC à 1.400€, le blocage des prix face à l’inflation, et maintenir l'âge de la retraite à 60 ans), il n’avance pour les travailleurs que la perspective d’alliances avec des forces politiques hostiles à de telles revendications. Il vise ainsi à tromper les travailleurs et à bloquer une lutte contre l’aristocratie financière.

Les partis discrédités auxquels Mélenchon veulent s’allier ont appelé à voter Macron, dénoncé les « gilets jaunes » qui manifestaient pour l’égalité sociale contre Macron et sa politique d’enrichir les riches, et donné leur blanc-seing à une politique d’infection de masse au coronavirus. LFI a voté de nombreux dispositifs de la « loi anti-séparatiste » islamophobe de Macron. Mélenchon lui-même a scandé « Il ne faut pas donner une seule voix à Mme Le Pen » après le premier tour, laissant entrevoir ses sympathies pour Macron au second.

La politique de LFI confirme encore une fois la justesse de l'appel du PES pour boycotter le second tour et donner une ligne politique indépendante aux travailleurs, les armant d’une perspective révolutionnaire et socialiste pour les luttes à venir contre le prochain président. Le milieu de pseudo gauche autour de Mélenchon qui prétend mener une opposition parlementaire à la dérive du capitalisme mondial n’a rien à proposer que des illusions et des mensonges politiques.

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