Le leader républicain de la Chambre, McCarthy, a discuté du rôle de Trump dans le coup d’État manqué avec des législateurs après l’attaque

La semaine dernière, les reporters du New York Times Jonathan Martin et Alexander Burns ont rendus publics des conversations audio inédites qui confirment qu’immédiatement après le coup d’État manqué de Donald Trump, des législateurs républicains – dont le chef de la minorité à la Chambre Kevin McCarthy et celui de la majorité au Sénat Mitch McConnell – ont reconnu la culpabilité de Trump dans l’assaut du Capitole. Ils ont aussi discuté d’efforts pour le démettre de ses fonctions.

Le chef de la minorité à la Chambre, Kevin McCarthy (Republicain, California), s’adresse aux journalistes, au Capitole de Washington, le 18  mars 2022. (AP Photo/J. Scott Applewhite, Dossier) [AP Photo/Scott Applewhite]

«J’en ai assez de ce type». C’est ainsi que le Timescite McCarthy parlant à des républicains lors d’un appel téléphonique du 10  janvier 2021, quatre jours après l’assaut du Capitole par des partisans de Trump, des paramilitaires d’extrême droite et du personnel républicain, dans le but d’empêcher la certification des votes électoraux en faveur de Joe Biden.

«Ce qu’il a fait est inacceptable. Personne ne peut le défendre, et personne ne devrait le défendre», a ajouté McCarthy.

Le chef de la minorité au Sénat, McConnell, a lui, exprimé l’espoir que les démocrates «s’occuperaient pour nous de ce fils de pute», selon un extrait du prochain livre de Burns et Martin intitulé: « This Will Not Pass: Trump, Biden and the Battle for America’s Future » [Cela ne passera pas: Trump, Biden et la bataille pour l’avenir de l’Amérique].

S’adressant à deux de ses collègues deux jours après le coup d’État manqué, il ajoutait: «Si cela n’est pas passible de la destitution, je ne sais pas ce qui peut l’être». McConnell était l’un des 43  républicains ayant voté contre une inculpation de Trump au procès de destitution du Sénat en février 2021. Il l’a fait au motif fallacieux que, puisque Trump n’était plus président, la procédure était illégitime.

Lors d’une conférence téléphonique des leaders républicains de la Chambre le 10  janvier 2021, McCarthy s’adressant à la députée haut placée du Wyoming Liz Cheney, a mentionné la possibilité d’invoquer le 25e  amendement contre Trump. Au cours de l’appel, il a insinué qu’une telle mesure pourrait ne pas être nécessaire car Trump pourrait démissionner avant.

«Est-ce qu’il est question qu’il pourrait démissionner? Y a-t-il une raison quelconque de penser que cela puisse arriver»? a demandé Cheney à McCarthy.

«Mon instinct me dit que non», a répondu McCarthy, avant d’ajouter: «Je pense sérieusement à avoir cette conversation avec lui ce soir».

Après avoir discuté des prochains votes de destitution à la Chambre et au Sénat, dont McCarthy pensait qu’ils allaient l’emporter, il a dit à Cheney que «la seule discussion que j’aurais avec lui [Trump] est que je pense que cela [le vote de destitution] réussira, et que ce serait ma recommandation qu’il démissionne. C’est à dire, ce serait mon point de vue, mais je ne pense pas qu’il l’accepterait. Mais je ne sais pas».

Le lendemain, McCarthy, s’adressant au groupe parlementaire républicain, n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il comprenait que Trump était l’architecte de l’assaut du Capitole, qui a fait au moins cinq morts et des centaines de blessés. McCarthy a déclaré que dans une récente conversation avec Trump, celui-ci avait admis qu’il était responsable d’«une partie» de «ce qui s’est passé».

«Je vais être très clair avec vous tous, et j’ai été très clair avec le président: il porte la responsabilité de ses paroles et de ses actes. C’est absolument sans équivoque», a déclaré McCarthy à ses collègues républicains, dont la grande majorité avait voté pour l’annulation du résultat de l’élection, quelques heures après l’assaut du 6  janvier.

McCarthy poursuit ainsi: «Je lui ai demandé personnellement aujourd’hui s’il était responsable de ce qui s’est passé? Était-il troublé à propos de ce qui s’est passé? Il m’a dit qu’il avait une responsabilité partielle dans ce qui s’est passé, et qu’il devait bien le reconnaître».

Si les fichiers audio montrent que les principaux républicains étaient d’abord ouverts à l’idée d’inculper ou de destituer Trump immédiatement après le coup d’État manqué, au bout de trois semaines, ils avaient changé d’avis. Le 26  janvier, 45 des 50  sénateurs républicains, dont McConnell, ont voté pour annuler le procès en destitution du Sénat, au motif juridiquement faux qu’il était contre la constitution, vu que Trump avait déjà quitté ses fonctions et que Biden avait été intronisé le 20  janvier.

Un an plus tard, le Comité national républicain, qui est présidé par Ronna Romney McDaniel, nièce de l’ex-candidat républicain à la présidence et actuel sénateur de l’Utah Mitt Romney, a non seulement approuvé comme du «discours politique légitime» le coup d’État manqué de Trump, mais il a encore censuré les députés Liz Cheney et Adam Kinzinger pour avoir participé à la ‘Commission d’Enquête spéciale de la Chambre sur l’Insurrection du 6  janvier’.

Durant les plus de 15  mois ayant suivi l’attaque du Capitole, Trump n’a jamais reconnu publiquement son rôle dans l’assaut mené contre le Congrès. Loin d’être tenu, lui et ses complices dans la conspiration, pour responsables par Biden et les démocrates, l’aspirant dictateur prépare sa prochaine tentative de coup d’État.

Dans des meetings fascistes genre campagne électorale, organisés dans tout le pays, élus républicains, procureurs généraux, gouverneurs et aspirants à des postes régionaux ou fédéraux, tous ont juré fidélité à Trump. Ils ont répété son mensonge que l’élection avait été volée et que Biden était un usurpateur illégitime. Ils ont clairement indiqué que, s’ils étaient élus, ils ne feraient pas comme le vice-président Mike Pence mais «seraient forts», et contribueraient à assurer la victoire de Trump en 2024, quel que soit le nombre de voix.

Trump et ses complices républicains au Congrès, comme la députée de la Géorgie Marjorie Taylor Greene, le député de la Floride Matt Gaetz, et celui de l’Arizona Paul Gosar – dont aucun ne fut inculpé pour son rôle dans l’assaut – ont défendu les membres des milices QAnon, Oath Keepers et Proud Boys ayant cherché à kidnapper, voire à tuer, des députés et des sénateurs le 6  janvier, les qualifiant de «patriotes» voulant faire respecter «l’intégrité des élections».

La presse bourgeoise a présenté les révélations de McCarthy et McConnell comme un exemple supplémentaire d’hypocrisie républicaine. Cette analyse superficielle et sélective ignore la responsabilité politique du Parti démocrate dans la dissimulation de l’étendue de la conspiration du coup d’État et, en particulier, du rôle du Parti républicain.

Avant d’examiner la période d’un mois écoulée entre le coup d’État manqué et la fin du deuxième Procès de destitution, il est important de noter que McCarthy et McConnell, comme le ministre de la Justice de l’époque William Barr, avaient légitimité politiquement le complot de Trump dans les mois précédant l’élection.

Ils ont répété les affirmations bidon de Trump que les bulletins de vote par correspondance étaient en soi frauduleux. À l’approche de l’élection, Trump, comme il l’avait fait en 2016, a affirmé qu’il ne pouvait perdre que si l’élection étaient truquée. Il a exigé entre autre que les bulletins de vote par correspondance ne soient pas comptés après le jour de l’élection.

Après l’élection et la nette défaite de Trump, McConnell a défendu son refus d’accepter le résultat et sa pléthore de procès infondés, que les tribunaux ont tous rejetés. Il a ainsi fourni une couverture à Trump qui put préparer ses partisans d’extrême droite au Congrès et ses soutiens paramilitaires fascistes à une action directe et violente, si ses efforts pseudo-légaux pour annuler l’élection échouaient.

S’exprimant au Sénat après la victoire de Biden en novembre 2020, McConnell a déclaré que Trump était «100  pour cent dans son droit» de faire imposer par les tribunaux tous les recomptes et toutes les plaintes bidon qu’il voulait.

Alors que le coup d’État avait échoué – non pas à cause d’une opposition sérieuse des démocrates – et que le Parti républicain était en plein désarroi, Biden a joué le rôle clé pour assurer aux comploteurs qu’ils ne subiraient aucune conséquence de la part du Parti démocrate.

«Nous avons besoin d’un Parti républicain. Nous avons besoin d’une opposition qui a des principes et qui est forte», déclara Biden le 8  janvier.

Dans son discours d’investiture du 20  janvier, il a repris le thème de l’«unité» tout en refusant de nommer Trump ou les forces politiques et sociales à l’origine du coup d’État.

Lors du Procès de destitution de Trump au Sénat, début février, Biden chercha à cimenter l’«unité» de la classe dirigeante avec ses «collègues républicains» et intervint en faveur de Trump par le biais du sénateur du Delaware Chris Coons.

Par l’intermédiaire de Coons, Biden a exhorté les responsables démocrates pour la Destitution à la Chambre à ne pas citer de témoins. À l’époque, le député Jaime Herrera Beutler (républicain, État de Washington) avait fait une déclaration confirmant que McCarthy avait parlé avec Trump pendant l’assaut du Capitole et que Trump avait exprimé sa sympathie pour les insurgés, disant à McCarthy qu’ils «se souciaient plus de l’élection» que McCarthy.

La lâcheté des démocrates, qui a ses origines dans leur peur qu’un examen complet de la menace fasciste représentée par Trump et le Parti républicain ne déclenche une réaction de masse de la classe ouvrière, a été décisive pour renforcer Trump et faciliter la marche vers la dictature de la classe dirigeante.

Pas plus tard que lundi dernier, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a de nouveau exhorté les républicains à «reprendre leur parti», ajoutant «le pays a besoin d’un parti républicain fort».

S’exprimant lors d’un événement jeudi, Jamie Raskin, député du Maryland et membre démocrate de la Commission spéciale de la Chambre sur le 6  janvier, a déclaré que celle-ci prévoyait de tenir en juin des audiences publiques sur ses conclusions actuelles et qu’elle ne publierait pas de rapport avant la fin de l’été ou le début de l’automne.

Depuis sa création l’année dernière, la Commission a tenu une seule audition publique et reporté à plusieurs reprises de nouvelles auditions. Elle a refusé de citer à comparaître tout législateur républicain impliqué dans le coup d’État. Depuis qu’un juge fédéral a statué en mars qu’il était «plus probable qu’improbable» que Trump ait «tenté de faire obstruction à la session conjointe du Congrès» tenue pour certifier le résultat de l’élection, ce qui constitue un délit, la Commission a fait volte-face dans l’envoi d’un dossier pénal au ministre de la Justice, Merrick Garland.

Au moment d’écrire ces lignes, il n’y a sur le site Web de la Commission aucune audience ni réunion de travail de prévues.

(Article paru d’abord en anglais le 23 avril 2022)

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