De nouvelles preuves présentées dans un dépôt au tribunal par le comité de la Chambre chargé d’enquêter sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Congrès mettent en évidence l’implication directe des principaux législateurs républicains dans le complot de la Maison-Blanche de Trump qui visait à renverser le résultat de l’élection de novembre 2020.
Tard dans la nuit de vendredi à samedi, la commission d’enquête de la Chambre des représentants a déposé une motion devant un tribunal fédéral pour obtenir un jugement provisoire contre une action intentée par Mark Meadows, l’ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche de Trump. La motion visait à contrer le refus de Meadows de se conformer à une assignation de la commission qui lui ordonnait de fournir des documents et des témoignages.
La motion de la commission, qui contient des extraits du témoignage d’un ancien haut responsable de Meadows, a confirmé que le siège du Capitole américain n’était en aucun cas une émeute spontanée de partisans trop zélés de Trump. C’était la mise en œuvre d’un plan élaboré par Trump, Meadows, d’autres assistants de Trump et un groupe de législateurs républicains, avec le soutien actif ou passif de l’ensemble de la direction républicaine.
La motion de 248 pages décrit en détail les réunions en personne, les messages texte et les appels téléphoniques entre Mark Meadows et les représentants républicains Scott Perry (Pennsylvanie), Louie Gohmert (Texas), Jim Jordan (Ohio), Matt Gaetz (Floride), Marjorie Taylor Greene (Géorgie) et Lauren Boebert (Colorado) dans le but de promouvoir le coup d’État de Trump. Le dépôt à la cour cite le témoignage d’un haut collaborateur de Meadows, Cassidy Hutchinson, qui a parlé au comité en février et mars de cette année.
Dans son témoignage, Hutchinson a déclaré que les représentants susmentionnés, ainsi que d’autres membres du House Freedom Caucus d’extrême droite, que Meadows avait cofondé avant de devenir le chef de cabinet de Trump, ont discuté avec le bureau du conseiller juridique de la Maison-Blanche des bases légales pour un rejet par le vice-président de l’époque, Mike Pence, des [grands] électeurs des États perdus par Trump lors de l’élection de novembre 2020. En tant que vice-président, Pence devait selon la loi présider au dépouillement officiel des votes électoraux précédemment certifiés de tous les États, le 6 janvier 2021, deux semaines avant l’investiture du vainqueur et président élu, Joe Biden.
Ce plan, proposé par l’avocat du coup d’État de Trump, John Eastman, avait le soutien d’agents républicains bien connectés, comme Virginia Thomas, épouse du juge de la Cour suprême Clarence Thomas.
Cela a été discuté lors d’une réunion du 21 décembre 2020 à la Maison-Blanche. Les participants étaient Jordan, Greene et Gaetz, ainsi que les représentants Jody Hice (qui se présente actuellement avec l’aval de Trump au poste de secrétaire d’État de Géorgie), Paul Gosar (Arizona), Debbie Lesko (Arizona), Andy Biggs (Arizona), Mo Brooks (Alabama) et «d’autres politiciens républicains», selon Hutchinson.
«Ils pensaient qu’il [Pence] avait l’autorité de — pardonnez-moi si ma formulation n’est pas correcte sur ce point, mais — renvoyer les votes ou les électeurs aux États, plus dans la lignée du plan de [John] Eastman», a déclaré Hutchinson.
Citant l’un des plus de 2.000 messages texte remis par Meadows à la commission l’année dernière, avant qu’il n’annonce qu’il ne coopérerait plus, le dépôt du tribunal note le soutien que Meadows a apporté aux législateurs d’extrême droite cherchant à faire pression sur Pence pour qu’il rejette unilatéralement les votes de millions de personnes.
«J’ai fait pression pour cela», a envoyé Meadows par texto à Jordan, représentant de l’Ohio, le 6 janvier, au sujet de Pence. «Je ne suis pas sûr que cela va se produire».
En plus de documenter la campagne de pression contre Pence menée par Trump et ses co-conspirateurs au Congrès, la commission spéciale a publié de nouveaux messages texte entre le représentant de la Pennsylvanie, Perry, et Meadows au sujet du remplacement du procureur général en exercice à l’époque, Jeffrey Rosen, par le larbin de Trump, Jeffrey Clark. Ce dernier, contrairement à Rosen, était prêt à utiliser le ministère de la Justice pour faire avancer les affirmations de Trump selon lesquelles l’élection de 2020 était frauduleuse. Il s’agissait de faire en sorte que le ministère lance des «enquêtes» bidon dans des États comme la Géorgie, l’Arizona et la Pennsylvanie, afin de donner aux républicains le prétexte nécessaire pour rejeter la certification le 6 janvier.
«Mark, juste pour vérifier, alors que le temps continue de s’écouler. 11 jours avant le 6 janvier et 25 jours avant l’inauguration», a envoyé Perry par texto à Meadows le 26 décembre 2020. Pressant Meadows de faire en sorte que Clark soit installé au ministère de la Justice, Perry a écrit: «Nous devons nous mettre en route!»
«J’ai compris», a répondu Meadows. «Je pense que je comprends. Laissez-moi travailler sur le poste de chef adjoint».
Une semaine plus tard, Perry était l’un des nombreux législateurs républicains présents lors d’une réunion conflictuelle le 3 janvier 2021 à la Maison-Blanche. Au cours de cette réunion, Rosen, son adjoint Richard Donoghue, le conseiller de la Maison-Blanche Pat Cipollone et d’autres membres importants du ministère de la Justice ont menacé de démissionner en masse si Trump renvoyait Rosen et nommait Clark.
Dans un rapport sur le dépôt, Politicoa noté que le comité a révélé qu’il avait interviewé Steven Engel, «l’ancien chef du bureau des conseillers juridiques du ministère de la Justice». Engel était présent lors de la réunion du 3 janvier 2021 à la Maison-Blanche. Il a déclaré à la commission que Clark avait proposé que le ministère de la Justice émette un «avis juridique consultatif». L’avis concernerait «le vice-président en ce qui concerne son autorité lorsqu’il s’agit d’ouvrir les votes en tant que président du Sénat le 6 janvier».
«Et j’ai repoussé cette idée», a déclaré Engel à la commission. «Mais j’ai dit — j’ai dit: “C’est une idée absurde. Le — vous savez, le vice-président agit en tant que président du Sénat. Ce n’est pas le rôle du ministère de la Justice de fournir aux responsables législatifs des conseils juridiques sur l’étendue de leurs fonctions”».
Perry, comme Meadows, a refusé de témoigner devant le comité, décrivant le comité comme «illégitime» dans une déclaration de décembre 2021.
Un autre reportage de CNN de la semaine dernière a corroboré le rôle du sénateur de l’Utah, Mike Lee dans le complot de Trump pour retarder la certification. Dans un texte envoyé à Meadows le 4 janvier 2021, Lee écrit: «J’ai appelé les législateurs de l’État pendant des heures aujourd’hui, et je vais passer des heures à faire de même demain. J’essaie de trouver une voie que je peux défendre de manière persuasive […]. Même s’ils ne peuvent pas se réunir, cela pourrait suffire si une majorité d’entre eux sont prêts à signer une déclaration qui indique comment ils voteraient».
Démentant les affirmations de Trump et de Meadows selon lesquelles ils n’avaient aucune idée que le 6 janvier pourrait devenir violent et que le plan a toujours été un rassemblement pacifique à la Maison-Blanche, Hutchinson a déclaré à la commission que dans les jours qui précédaient le 6 janvier, on a informé Meadows que le rassemblement «Arrêtez le vol [de l’élection]» pourrait devenir violent.
Hutchinson a déclaré à la commission qu’Anthony Ornato, un haut responsable des services secrets qui était également conseiller politique de la campagne Trump, a averti Meadows du risque de violence, en particulier si les partisans de Trump défilaient de la Maison-Blanche au Capitole. Selon Hutchinson, Ornato a dit qu’il avait des «rapports de renseignements» qui annonçaient une attaque violente, et «Meadows a dit…»: «Très bien. Parlons-en».
«Je sais qu’on a exprimé des inquiétudes à Meadows», a déclaré Hutchinson. «Je sais que des personnes lui ont transmis des informations qui indiquaient qu’on pourrait se trouver avec des violences le 6. Mais, encore une fois, je ne suis pas sûr de ce qu’il a fait de ces informations».
Dans son compte rendu du dépôt au tribunal, le New York Times a souligné les détails qui réfutent les tentatives de présenter l’appel de Trump le matin du 6 janvier pour que les manifestants marchent de la Maison-Blanche au Capitole comme un changement inattendu de plans.
Citant le témoignage de Hutchinson, le NewYork Times écrit: «Lors d’un appel de planification auquel participaient Mark Meadows, le chef de cabinet de la Maison-Blanche, Rudolph W. Giuliani, l’avocat personnel de Trump, le représentant Jim Jordan, républicain de l’Ohio, et d’autres membres du Freedom Caucus, le groupe a discuté de l’idée d’encourager les partisans à marcher jusqu’au Capitole, selon le récit d’un témoin».
«L’idée a été approuvée par le représentant Scott Perry, républicain de Pennsylvanie, qui dirige aujourd’hui le Freedom Caucus, selon le témoignage de Cassidy Hutchinson, un assistant de Meadows, et personne ne s’est prononcé contre cette idée lors de l’appel».
Hutchinson a ajouté que «dans une conversation informelle», Meadows a dit: «Oh, nous allons avoir ce grand rassemblement. Les gens en parlent sur les médias sociaux. Ils vont monter au Capitole».
Le témoignage de Hutchinson fait exploser davantage les affirmations avancées par le directeur du FBI Christopher Wray et le reste de l’appareil de police et de renseignement selon lesquelles aucun «rapport de renseignement» n’avertissait d’une attaque contre le Capitole.
En demandant le témoignage de Meadows, la commission a expliqué qu’en plus d’être le chef de cabinet de Trump à la Maison-Blanche, Meadows était le directeur de campagne de facto de Trump. Dans les semaines qui précédaient le 6 janvier, Meadows a été en contact avec: le personnel de campagne de Trump, le secrétaire d’État, Géorgie Brad Raffensperger et l’avocate impliquée dans le coup d’État Cleta Mitchell, pour discuter de fausses accusations de fraude électorale.
La commission a également révélé que Meadows a rencontré dans son bureau le colonel Phil Waldron, retraité de l’armée. Son objectif était de discuter de l’invocation de la loi martiale afin de saisir les machines à voter et de refaire l’élection sous la menace des armes.
Grâce à l’analyse des documents et à la revue des entretiens menés par la commission, comprenant l’ancien secrétaire à la défense par intérim Chris Miller, l’ancien secrétaire à l’armée Ryan McCarthy, l’ancien procureur général par intérim Rosen et son adjoint Richard Donoghue, sont révélés dans le même dépôt de documents les faits suivants: «Il est clairement établi que M. Trump n’a jamais téléphoné à son secrétaire à la Défense ce jour-là [le 6 janvier] pour ordonner le déploiement de la Garde nationale. Il n’a jamais contacté aucune agence fédérale d’application de la loi pour demander une assistance de sécurité à la police du Capitole».
Les dernières révélations accablantes soulignent d’autant plus le rôle du gouvernement Biden et du Parti démocrate, y compris le Comité du 6 janvier contrôlé par les démocrates, dans la protection de Trump et de ses principaux co-conspirateurs contre les poursuites. Le Comité n’a toujours pas émis de renvoi au pénal contre Trump ou tout autre législateur républicain, et le ministère de la Justice de Biden a jusqu’à présent refusé d’inculper l’un des comploteurs, à l’exception de Stephen Bannon, qui a été cité à comparaitre pour outrage au Congrès.
Meadows lui-même a été cité à comparaitre pour outrage au Congrès il y a plusieurs mois, mais aucune mesure n'a été prise par le ministère de la Justice.
(Article paru d’abord en anglais le 25 avril 2022)