Le dîner de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche

Les démocrates liés à la CIA et leurs courtisans médiatiques célèbrent la «fin» de la pandémie de COVID

Le WSWS a déjà commenté à plusieurs reprises le dîner annuel de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche (WHCA). Le diner réunit des milliers de journalistes bourgeois, de politiciens et de personnalités d’Hollywood et de Wall Street. Il s’agit d’une célébration annuelle de la subordination des médias à la CIA et à la politique capitaliste.

En règle générale, l’événement est d’un conformisme total, mais il arrive rarement que la réalité fasse irruption. À ce moment-là, les experts et présentateurs millionnaires se trouvent confrontés à une critique de leur soumission aux criminels de guerre de la Maison-Blanche. En règle générale, cela ne se produit que lorsque le criminel de guerre est un républicain.

En 2006, Stephen Colbert s’est attaqué au président George W. Bush et aux médias qui faisaient l’apologie de la guerre en Irak, alors que Bush lui-même, assis à quelques mètres, lui jetait des regards noirs. Nous avions noté à la fois la froideur de la réponse dans la couverture médiatique de l’événement et le changement l’année suivante, lorsque la WHCA a fait appel à l’imitateur Rich Little comme artiste. l’organisation s’était assurée que sa performance fade ne susciterait aucune colère à la Maison-Blanche.

Plus tard, nous avons constaté la subordination totale du corps de presse assemblé à la Maison-Blanche d’Obama, alors même que ce dernier menait la répression la plus intense contre les fuites dans les médias de toute l’histoire des États-Unis, y compris des poursuites menées contre plusieurs journalistes.

Lorsque l’humoriste Michelle Wolf a embroché à la fois l’administration Trump et les médias avec une certaine efficacité en 2018, déclarant: «vous prétendez que vous le détestez, mais je pense que vous l’aimez», nous avons noté la réponse hostile de la presse. On a même suggéré qu’en qualifiant de menteuses l’aide de Trump Kellyanne Conway et la secrétaire de presse de la Maison Blanche, Sara Huckabee Sanders, Wolf avait en quelque sorte commis une agression sur le sexe féminin.

Un an plus tard, nous avons commenté l’hypocrisie totale des affirmations selon lesquelles les médias bourgeois défendent la liberté de la presse, alors que les journalistes réunis étaient silencieux sur l’emprisonnement du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange et celui de Chelsea Manning, le soldat de l’armée qui a divulgué des informations dévastatrices sur les crimes de guerre des États-Unis en Irak et en Afghanistan à Assange.

Ces tendances à la conformité, à l’hypocrisie et à la soumission au Parti démocrate et à l’État capitaliste ont été pleinement mise en évidence samedi lors de l’édition de 2022 du dîner de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche. Il s’agissait du premier diner annuel à se tenir depuis trois ans en raison des interruptions forcées par la pandémie de COVID-19.

C’était également le premier auquel le président américain assistait depuis six ans, car Donald Trump a boycotté l’événement tout au long de son mandat, dénonçant les médias comme l’«ennemi du peuple» et les pourvoyeurs de «fausses nouvelles». Avec un démocrate à la Maison-Blanche, la participation présidentielle a repris, et les experts des médias réunis étaient prédisposés à fournir une audience compréhensive.

Le président Joe Biden prend place après avoir pris la parole lors du dîner annuel de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche, samedi 30 avril 2022, à Washington. [AP Photo/Patrick Semansky] [AP Photo/Patrick Semansky]

Dans son discours d’ouverture ― une récitation relativement brève de blagues boiteuses préparées par les rédacteurs de discoursde la Maison-Blanche ― le président Joe Biden a fait remarquer: «Nous sommes venus ici pour répondre à une question importante que tout le monde se pose: pourquoi diable faisons-nous encore cela?» Il faisait référence au danger d’infection après le dîner du Gridiron Club du mois dernier. C’était un événement similaire mais de moindre envergure à Washington. Cela a eu pour conséquence que dix pour cent des personnes présentes se sont trouvées infectées par le COVID-19.

L’humoriste Trevor Noah, hôte de la soirée, a soulevé la même question. «C’est un grand honneur pour moi de prendre la parole ce soir à l’occasion de l’événement le plus distingué de la nation en matière de super-propagation», a-t-il déclaré, avant d’ajouter: «Non, pour de vrai, les gars: Que faisons-nous ici?»

Si le précédent du Gridiron Club se confirme, le gala de la WHCA, auquel assistent 2.600 personnes, entraînera près de 300 infections par le COVID. Mais malgré les points d’interrogation de Noah et Biden, la probabilité d’une infection massive est en fait considérée comme une caractéristique positive de l’événement, et non comme un défaut.

Les journalistes millionnaires réunis et leurs patrons multimillionnaires et milliardaires ont accès aux meilleurs soins de santé que l’argent peut acheter, y compris des médicaments thérapeutiques coûteux. Ils peuvent supposer qu’ils ne courent aucun danger réel, même s'ils contractent l’infection qui, malgré cela reste mortelle pour la population en général, qui ne peut s'offrir de tels traitements. Bien entendu, s’ils contractent le virus, ils le propageront à grande échelle, causant d’innombrables souffrances et pouvant entraîner la mort d’autres personnes.

Le gouvernement Biden et la classe dirigeante américaine dans son ensemble ont déclaré que la pandémie était terminée. Ils ont mis fin aux efforts les plus timides pour atténuer l’impact du virus. On a rouvert toutes les écoles et tous les lieux de travail afin que le processus d’extraction de la plus-value et du profit de la classe ouvrière puisse reprendre de plus belle.

Le dîner de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche visait à souligner qu’il n’y a plus lieu de s’inquiéter d’une pandémie qui a déjà infecté 80 millions d’Américains et fait plus d’un million de victimes. Et ce, dans le contexte d’une nouvelle poussée d’infections dans la majeure partie du pays, due à un nouveau variant plus infectieux et plus virulent du SRAS-CoV-2.

Dans ce cas, le message d’indifférence à l’égard de la pandémie ne s’adresse pas au public américain ― Ce dernier ne prête guère attention à ce gala de Washington ― mais à l’élite des médias. C’est un moyen de renforcer les instructions qu’ils ont déjà reçues de ne plus couvrir la pandémie comme une menace permanente.

Biden a essayé de jouer sur les deux tableaux. Il n’a pas assisté au dîner lui-même, soi-disant pour éviter de s’exposer à la foule, qui ne pouvait pas être masquée pendant le repas. Mais il s’est assis à la table d’honneur tout au long des activités d’après-dîner. Il n'a pas porté de masque pendant 90 minutes de sketches, de blagues, de discours et de remises de prix. Il était devant une foule qui n’était pas non plus masquée.

La brève partie sérieuse des remarques de Biden a consisté à saluer la «presse libre» parce qu’elle s’est rangée et a salué la campagne de guerre américaine contre la Russie en Ukraine. Il n'y a pas une seule voix discordante dans le Washington officiel. Il n’y avait aucune voix discordante dans la foule de samedi soir non plus. Pas un seul expert des médias n’a évoqué le danger d’une guerre nucléaire provoquée par les livraisons massives d’armes des pays de l’OTAN en réponse à l’invasion russe.

Le moment le plus cynique de la soirée s’est produit dans la conclusion de Biden. C’était lorsqu’il a présenté Trevor Noah comme l’hôte de la soirée avec ces mots: «Maintenant, vous allez pouvoir vous payer la tête du président, et contrairement à Moscou, vous n’irez pas en prison».

Ce cynisme sort de la bouche du chef d’un gouvernement qui poursuit l’extradition du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, dans le but de l’emprisonner à vie. Contrairement aux sténographes assemblés au service de la CIA et du Pentagone, qui prennent la dictée de l’appareil de renseignement et du militaire pour la transformer en articles de journaux et en reportages télévisés qui visent à mobiliser l’opinion publique derrière les crimes de l’impérialisme américain, Assange, lui, est un véritable journaliste.

Assange a courageusement exposé les crimes de l’impérialisme américain, et pour cela il a été soumis à une décennie d’isolement suivie de trois ans d’emprisonnement dans une prison britannique de haute sécurité. Il risque maintenant une extradition imminente vers les États-Unis, où le gouvernement Biden prévoit de le juger pour des violations présumées de la loi sur l'espionnage, passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 175 ans.

Les médias bourgeois américains n’ont même pas exprimé la moindre inquiétude quant au précédent créé par la persécution d’Assange. Pourtant, sa poursuite, sa condamnation et son emprisonnement aux États-Unis équivaudraient à une condamnation à mort pour la liberté de la presse.

Bien sûr, en ce qui concerne les médias, Assange a violé l’un de leurs principes cardinaux. Il s’agit du «droit» de NE PAS publier lorsque la CIA, le Pentagone ou la Maison-Blanche demandent de ne pas divulguer au peuple américain des informations relatives à la «sécurité nationale». C’est-à-dire, les conspirations et les crimes permanents de l’appareil de renseignement et du militaire.

Le reste des remarques de Biden peut être résumé brièvement. Il a fait une blague sur la pandémie, qui a fait 20 millions de victimes dans le monde. Il a plaisanté sur la tentative de Donald Trump, le 6 janvier 2021, de renverser les résultats de l’élection présidentielle et de se maintenir au pouvoir. Et il a fait une blague sur le rôle de Fox News et d’autres médias d’ultradroite, qui favorisent l’émergence d’un mouvement fasciste aux États-Unis, avec Trump à sa tête.

Rien de tout cela n’a choqué son public. Ce dernier partage à la fois son manque de sérieux et son désir d’empêcher le peuple américain d’avoir accès à des informations véridiques sur les implications de la pandémie, la désintégration en cours de la démocratie américaine et la menace de guerre nucléaire.

Autour du dîner lui-même, l’une des principales caractéristiques du week-end a été la série interminable de fêtes et de galas organisés par divers magnats des médias, milliardaires et mondains de Washington. Il convient de citer les personnes présentes à un dîner organisé par David et Katherine Bradley, anciens propriétaires multimillionnaires de l’Atlantic et d’autres médias, et Laurene Powell Jobs, la veuve milliardaire du fondateur d’Apple Steve Jobs, qui leur a racheté l’Atlantic.

Parmi les personnes «repérées» par Politicofigurent de nombreux responsables de la sécurité nationale, dont le secrétaire d’État Antony Blinken, le directeur de la CIA Bill Burns, la procureure générale adjointe, Lisa Monaco, et la conseillère en matière de sécurité intérieure, Elizabeth Sherwood-Randall, ainsi que le porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki et plusieurs autres membres du cabinet. Parmi les représentants des médias qui se sont joints à eux, citons Judy Woodruff, Jake Tapper, Wolf Blitzer, Jonathan Capehart, Katty Kay, John Dickerson, Jeffrey Goldberg, David Frum, Anne Applebaum et des dizaines d’autres.

Cette liste donne une idée de l’ensemble de l’affaire dans laquelle la CIA, ses défenseurs politiques au sein du parti démocrate et leurs courtisans médiatiques se donnent la main dans une célébration obscène de ce qui passe pour la «démocratie» en Amérique.

(Article paru d’abord en anglais le 2 mai 2022)

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