Mélenchon annonce une «Nouvelle union populaire» avec le PS bourgeois

Vendredi soir, au journal télévisé de France2, Jean-Luc Mélenchon a annoncé une Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) entre son parti, la France insoumise (LFI), et le PS. Il a dit que c’était une alliance durable entre LFI et des partis traditionnels de gouvernement capitaliste en France: les Verts, le Parti communiste français (PCF) stalinien et le PS.

Mélenchon a tenté de présenter la NUPES comme un outil de lutte contre la régression sociale lancée par Macron. Il l’a définie comme un «réflexe de rassemblement face à un épisode annoncé de maltraitance sociale aggravée: 20 heures de travail forcé par semaine pour les RSA, la retraite à 65 ans et j’en passe.» Mais il a confirmé que le but de la NUPES était de rendre pérenne l’alliance avec le PS, un parti pro-Union européenne dont est sorti Macron.

Mélenchon a expliqué que les différends entre le PS et LFI n’étaient pas assez profonds pour les empêcher de collaborer étroitement. Interrogé par France2 si l’union avec le PS serait durable, il a répondu: «Oui, c’est ce qu’on veut faire tous. La bonne nouvelle, c’est que quand on a commencé à discuter, on s’est aperçu que les uns et les autres nous n’étions pas conformes à la caricature que nous avions les uns des autres.»

En formant une alliance avec le PS, un parti bourgeois dont Macron a été le ministre de l’Économie pendant la présidence de François Hollande, Mélenchon tourne le dos aux promesses faites à ses électeurs. Au premier tour des présidentielles, il a reçu 22 pour cent des voix, soit presque 8 millions d’électeurs, surtout parmi les jeunes et les quartiers populaires des grandes villes. Il a dénoncé Macron, critiqué sa répression des musulmans, et mis en avant des mots d’ordre populaires comme la retraite à 60 ans et le SMIC à 1.400 euros.

Le Parti de l’égalité socialiste (PES) a expliqué qu’actuellement, Mélenchon occupe une position de force, du fait du vote massif qu’il a reçu. Si un parti trotskyste était à la place de Mélenchon, il mènerait une politique active, visant à mobiliser les travailleurs en lutte, débordant les appareils syndicaux nationaux. Une grève de l’électorat LFI contre la guerre et l’austérité draconienne voulues par Macron mettrait les centres de l’économie française à l’arrêt et pourrait impulser une mobilisation internationale des travailleurs contre la guerre de l’Otan contre la Russie.

Mais Mélenchon a refusé cette alternative et, depuis le premier tour s’efforce d’effriter ses forces. Il s’est dit prêt à servir de premier ministre sous le prochain président, que ce soit Macron ou Le Pen, ce qui revient à accepter le diktat de ce président sur la politique extérieure. Or, toutes les questions les plus essentielles posées aux travailleurs sont internationales: la guerre Otan-Russie, la pandémie de Covid-19, et l’inflation exorbitante des prix à travers le monde.

En nouant une union avec le PS, Mélenchon confirme son choix de tourner son dos à son électorat pour s’aligner sur l’UE. Sur France2, Mélenchon a souligné que la base des négociations avec le PS avait été un soutien pour l’UE et pour l’euro. Il a dit: «On s’est aperçu par exemple que sur l’Europe, on était tous d’accord pour dire qu’il n’est pas question, dans une mandature comme celle-ci et dans le contexte actuel, de sortir de l’Europe ou de l’euro. C’est pas cela le sujet. Par contre, si on prend un engagement devant les Français sur un programme, on l’applique.»

Cette perspective n’est qu’un piège politique pour les travailleurs. En réalité, Mélenchon a peu de chances de devenir premier ministre: les sondages indiquent que la NUPES, dont le vote est très concentré dans les grandes villes, ne récolterait au plus qu’une centaine des 577 sièges à l’Assemblée. Mais, surtout, même si l’alliance LFI-PS remportait la majorité à l’Assemblée, elle décevrait inévitablement ses électeurs.

En effet, l’accord LFI-PS qui a produit la NUPES entérine une politique militariste et austéritaire. D’abord, l’accord s’aligne sur l’Otan dans la guerre contre la Russie qu’elle mène en Ukraine, qui entraîne des dépenses massives et menace le monde d’une escalade nucléare. Il déclare que «dans un contexte international de tensions et de guerre sur le continent européen et face aux atrocités décidées par Vladimir Poutine, nous défendons la souveraineté et la liberté de l’Ukraine.»

Ensuite, tout en avouant que les «traités européens (sont) incompatibles avec notre ambition sociale et écologique légitimée par le peuple», l’accord déclare son soutien à l’UE: «Pays fondateur de l’Union européenne, la France assumera ses responsabilités dans ce cadre. Le gouvernement que nous formerons pour cette législature ne pourra avoir pour politique la sortie de l’Union, ni sa désagrégation, ni la fin de la monnaie unique.»

Si Mélenchon promet de «désobéir» aux traités européens, il approuve la menace de guerre avec la Russie et le cadre de l’austérité européenne. L’État français s’est endetté à la hauteur de 115 pour cent de son Produit intérieur brut afin de donner des centaines de milliards d’euros à l’aristocratie financière pendant la pandémie. La mise en œuvre des réformes évoquées par Mélenchon nécessiterait donc un assaut contre les grandes fortunes, assaut que le PS et la NUPES rejetteront.

Le vote massif des travailleurs urbains et des jeunes pour Mélenchon a explosé les mythes de la politique française, selon lesquels la classe ouvrière évolue massivement vers l’extrême-droite. A travers le monde il y a une profonde colère et une radicalisation des travailleurs. Mais partout l’élite dirigeante met en avant des partis qui ne leur proposent qu’une intensification des politiques de guerre, d’infection de masse au Covid, et d’austérité.

Parmi les partis établis en France, les travailleurs mécontents de Macron sont confrontés au choix empoisonné entre d’un côté des partis présentés par les médias comme étant de gauche «radicale» mais en fait proches du PS; et de l’autre, notamment pour les travailleurs périurbains et ruraux dégoûtés par la politique d’austérité du PS, la démagogie sociale de Marine Le Pen.

Le rôle de Mélenchon dans ces élections a mis à nu les mécanismes à travers lesquels l’élite dirigeante réussissent toujours, pour l’heure, à bloquer une mobilisation des travailleurs, malgré une crise politique explosive. Elle met en avant des partis que les médias présentent comme étant «populaire» ou «de gauche», mais qui rejettent une mobilisation de la classe ouvrière et qui s’orientent vers des compromis de droite avec des partis bourgeois.

Un gouffre de classe sépare la politique du PES, section française du Comité international de la IVe Internationale (CIQI), de Mélenchon et de la NUPES et ses divers satellites. Le PES prône une mobilisation internationale de la classe ouvrière, la formation de comités d’action indépendants des appareils syndicaux nationaux et d’une Alliance ouvrière internationale des comités de base, et une lutte révolutionnaire pour transférer le pouvoir aux travailleurs. Contre une ligne trotskyste, LFI et toute la NUPES capitulent à la guerre impérialiste et à l’UE.

C’est lié au rejet du trotskysme par des forces issues de la jeunesse petite-bourgeoise après la grève générale de Mai 68. Mélenchon a d’abord rejoint l’Organisation communiste internationaliste (OCI) de Pierre Lambert, peu après la rupture de l’OCI avec le CIQI en 1971. L’OCI a soutenu l’Union de la gauche entre le PS et le PCF, sur la perspective nationaliste de former un gouvernement capitaliste PS en France. En 1976, Mélenchon a rejoint le PS, qui, arrivé au pouvoir en 1981, a fait son «tournant de la rigueur» en 1982; il est devenu sénateur, puis ministre PS en 1997-2002.

Mélenchon a quitté le PS en 2009, mais sans abandonner la perspective capitaliste d’union avec le PS, même après le virage ultra-réactionnaire du PS sous la présidence de Hollande. C’est Hollande qui a imposé la loi travail qui est à l’origine des mesures d’austérité planifiées par Macron, et l’état d’urgence avec la militarisation de la répression policière. En tentant aussi de constitutionnaliser la déchéance de nationalité, mesure ayant justifié la déportation des Juifs et la répression de la résistance sous Vichy, Hollande a trahi ses sympathies pour l’extrême-droite.

Aujourd’hui, Hollande se retrouve l’allié de Mélenchon dans la NUPES, qui tente d’étouffer l’opposition des travailleurs et des jeunes au virage à droite de l’élite dirigeante. La déclaration de Mélenchon entre les deux tours qu’il accepterait de servir de premier ministre à une présidente Marine Le Pen constitue d’ailleurs sa participation à l’entreprise de «dédiabolisation» de l’extrême-droite dirigée par Le Pen.

Le PES, par contre, a fait campagne parmi les travailleurs pendant l’élection présidentielle pour un boycott du second tour entre Le Pen et Macron. Il a rejeté l’argument faux que Macron ferait barrage à l’extrême-droite et a maintenu une opposition intransigeante aux deux candidats. Il s’est orienté vers la colère qui se développe à l’international parmi les travailleurs contre la hausse intolérable des prix, les ravages sanitaires de la pandémie et le danger croissant d’une guerre ouverte entre la Russie et l’Otan.

Un puissant mouvement de la classe ouvrière est en germe. Si Mélenchon fait tout son possible pour étrangler une éruption de la lutte des classes, il crée aussi les conditions pour les travailleurs de déborder tous les partis antimarxistes regroupés à présent dans la NUPES. L’alternative à l’impasse produite par Mélenchon et le PS est la construction du CIQI en tant qu’avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière, et en France de sa section française, le PES.

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