Québec: les centrales syndicales rencontrent et louangent le premier ministre Legault anti-ouvrier

Cette année encore, les centrales syndicales du Québec ont dénaturé le sens du Premier mai, journée internationale des travailleurs, en profitant de l’occasion pour tenir une rencontre officielle des plus cordiale avec le gouvernement de droite, anti-ouvrier et chauvin de la Coalition Avenir Québec (CAQ).

Les présidents de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) ont rencontré virtuellement le premier ministre du Québec François Legault et son ministre du Travail Jean Boulet pendant environ 1h15 le 29 avril.

À elles quatre, ces centrales regroupent des milliers de syndicats locaux dans tous les domaines du secteur public et du secteur privé, de l’éducation au secteur manufacturier en passant par le commerce de détail, les services et la santé. Environ 1,2 million de travailleurs sont membres des syndicats affiliés à ces centrales.

Au sortir de la rencontre, les dirigeants syndicaux ont complimenté le gouvernement et, spécifiquement, le premier ministre Legault. Le président de la FTQ, Daniel Boyer, et celui de la CSQ, Éric Gingras, ont tous deux souligné l’«ouverture» de Legault à mettre plus d’accent sur le «dialogue social». Boyer s’est aussi réjoui de l’admission de Legault qu’il aurait dû «parler davantage» aux chefs syndicaux et «convenir de davantage de choses» avec eux.

Des travailleurs en grève de l’usine d’abattage de porcs Olymel rejoignent ceux du géant agro-alimentaire Exceldor sur leurs lignes de piquetage le 2 juin (source: page Facebook du STOVJ).

Ces commentaires illustrent les véritables préoccupations de ces appareils syndicaux qui ont abandonné la défense des travailleurs au profit de préserver leur «place à la table», c’est-à-dire leur rôle d’agents du gouvernement et du patronat pour étouffer les luttes ouvrières.

Les syndicats ont notamment collaboré avec le gouvernement Legault pour imposer, en pleine pandémie de COVID-19, le retour au travail et la réouverture des écoles afin que les profits puissent continuer de couler à flots. C’est cette politique qui a créé les conditions pour six vagues d’une pandémie dévastatrice.

Les commentaires soulagés de Boyer et des autres indiquent que Legault, à six mois d’une élection provinciale et face à une montée de la lutte des classes, a laissé entendre aux bureaucrates syndicaux qu’ils seraient mieux récompensés pour tous les efforts qu’ils déploient à isoler et étouffer la résistance ouvrière. C’est pourquoi le chef de la FTQ a tenu à souligner que le gouvernement Legault a «compris que c’était un gage de succès de nous parler et de tenter de s’entendre avec nous».

Le «succès» dont parle Boyer n’est pas celui des travailleurs dans leur lutte pour des emplois et des salaires décents, mais bien celui de la classe dirigeante qui pourra mieux utiliser les syndicats comme une force de police industrielle chargée de réprimer les travailleurs.

Le rôle des syndicats est de rediriger les luttes ouvrières vers des canaux jugés plus sûrs, qui ne débordent pas du cadre juridique et politique des «négociations collectives» qui se déroulent sous la menace constante de lois anti-grève et dans des conditions entièrement favorables aux employeurs.

À la suite de l’élection de la CAQ en novembre 2018, les grandes centrales syndicales québécoises avaient déjà démontré une ouverture à travailler avec ce parti qu’elles avaient pourtant critiqué pour vouloir privatiser les services publics. Boyer de la FTQ avait déclaré à l’époque que les travailleurs devaient «laisser une chance aux coureurs».

Maintenant que Legault a utilisé cette «chance» pour attaquer les conditions de vie des travailleurs, favoriser la grande entreprise et s’ingérer ouvertement dans les conflits de travail en prenant position pour le patronat, les centrales syndicales se déclarent de nouveau prêtes à lui laisser une chance à condition qu’il ne les «mette plus de côté».

Dans un état avancé de dégénérescence, les appareils syndicaux n’ont pas eu le moindre scrupule à courtiser le gouvernement anti-travailleurs de la CAQ à l’occasion du Premier mai. Ils n’ont pas caché leur immense satisfaction d’avoir pu échanger amicalement avec le premier ministre Legault, un multimillionnaire et ancien-PDG d’Air Transat qui gouverne brutalement au nom et dans l’intérêt de la grande entreprise, des banques et des riches actionnaires, et qui a pris le parti des employeurs dans de nombreux conflits de travail.

Au printemps 2019, quelques mois à peine après son élection, Legault est intervenu publiquement dans le conflit de travail à l’aluminerie de Bécancour en dénonçant les salaires «exagérés» des travailleurs, qui étaient alors en lock-out depuis plus de 15 mois, et en endossant les menaces de l’entreprise de fermer l’usine à moins de concessions majeures.

Au cours des dernières années, le gouvernement de la CAQ a imposé une série de contrats d’austérité aux employés du secteur public, avec des hausses de salaire d’à peine 1% ou 2% par année et l’intensification du régime draconien du temps supplémentaire obligatoire pour les infirmières et des charges de travail intenables des travailleurs du secteur de l’éducation.

Au cours du printemps et de l’été 2021, Legault est intervenu dans une série de conflits de travail – à Olymel et Exceldor, dans la construction, au Port de Montréal – pour dénigrer publiquement les travailleurs et menacer d’imposer des lois spéciales de retour au travail. Dans le cas du port de Montréal, il a appuyé vocalement des menaces similaires de la part du gouvernement fédéral de Justin Trudeau, qui est finalement passé à l’action en criminalisant la grève des débardeurs.

Le moment choisi par les centrales syndicales pour intensifier sa collaboration avec le gouvernement anti-ouvrier de Legault est aussi significatif puisqu’il coïncide avec une recrudescence de la lutte des classes.

Les derniers mois ont vu en effet une augmentation des grèves militantes contre les attaques patronales. Et elles ont éclaté en opposition aux appareils syndicaux pro-capitalistes.

La grève à l’usine Olymel de Vallée-Jonction au cours de l’été 2021 est un exemple marquant de ce développement. Après avoir déclenché une grève le 28 avril pour l’augmentation des salaires et une amélioration des conditions de travail, les travailleurs ont rejeté en août dans une proportion de 57% une entente de principe conclue par le Syndicat des travailleurs de Olymel Vallée-Jonctionparce qu’elle ne répondait à aucune de leur demande.

En réponse, le syndicat a dirigé sa colère non pas contre l’entreprise, mais contre les travailleurs qui avaient défié son autorité. Les tactiques anti-démocratiques du syndicat, les menaces de fermeture de l’usine par Olymel et la pression exercée par le gouvernement de la CAQ ont fini par avoir raison de la résistance courageuse des travailleurs qui ont accepté une nouvelle entente de trahison conclue par le syndicat.

De manière similaire, les centrales syndicales censées représenter les quelque 600.000 travailleurs du secteur public québécois, dont les conventions collectives étaient échues depuis mars 2020, les ont systématiquement isolés et démobilisés pour imposer des contrats pleins de nouvelles concessions sur les salaires, les conditions de travail et la protection contre la COVID-19, et ce, en dépit d’une forte opposition des membres de la base.

Le regain de militantisme parmi les travailleurs n’est pas confiné au Québec. C’est un phénomène international qui est alimenté par la crise mondiale du système capitaliste et ses conséquences douloureuses – l’inflation galopante qui a atteint 6,7% au Québec en avril, la pandémie de COVID-19 qui a fait plus de 15.000 morts au Québec et au moins 15 millions dans le monde, la guerre provoquée par l’OTAN en Ukraine, et les politiques d’austérité qui réduisent les conditions de vie de la classe ouvrière alors que les milliardaires continuent de s’enrichir à un rythme jamais vu.

Aux États-Unis, les travailleurs de l’automobile, de la production alimentaire, des chemins de fer, de la santé, de l’industrie pétrolière et des mines, pour ne nommer que quelques exemples, ont été impliqués dans des conflits de travail importants. Dans certains cas, ils ont rejeté les contrats de concession négociés par les syndicats, jusqu’à ce que les manœuvres grossièrement anti-démocratiques de ces derniers – vote sans publication ni discussion du contrat, intimidation, indemnisation de grève insuffisante et multiples votes sur la même entente – viennent à bout de leur résistance.

Les travailleurs sont aussi entrés en lutte en France, en Allemagne, au Pérou et au Sri Lanka.

En réponse à la pression des travailleurs de la base, les syndicats se rapprochent encore plus de la classe dirigeante et des gouvernements, offrant leurs services pour isoler les grèves, réprimer les travailleurs en lutte et garantir que ces conflits ne se transforment pas en contre-offensive généralisée de la classe ouvrière contre le système capitaliste.

Au Canada anglais, les grands syndicats comme le CTC (Congrès du Travail du Canada) et Unifor ont applaudi les sociaux-démocrates du NPD (Nouveau parti démocratique) pour avoir conclu une entente avec le gouvernement libéral fédéral minoritaire de Justin Trudeau visant à le maintenir au pouvoir pour les trois prochaines années.

Au Québec, les syndicats continuent leur promotion assidue d’un virulent chauvinisme québécois qui sert à diviser les travailleurs francophones de la province de leurs frères et sœurs de classe anglophones du reste du Canada.

Le nationalisme canadien et le nationalisme québécois sont le ciment idéologique de la pleine intégration des appareils syndicaux aux milieux des affaires et à l’État capitaliste pour faire porter à la classe ouvrière tout le poids de la crise capitaliste.

Les travailleurs doivent se détourner de ces appareils sclérosés, voués à la défense du système de profit dont dépendent leurs nombreux privilèges. Ils doivent plutôt former leurs propres organisations de lutte, indépendantes des syndicats: des comités de travailleurs de la base, dans chaque industrie et entreprise, afin de mobiliser la puissance sociale de la classe ouvrière dans la lutte pour un gouvernement ouvrier qui réorganiserait l’économie afin de satisfaire les besoins sociaux et non les profits d’une minorité.

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