Les grévistes d’un abattoir Olymel au Québec rejettent l’entente conclue par leur syndicat

En grève depuis le 28 avril, les 1100 travailleurs de l’usine d’abattage et de transformation de porcs d’Olymel à Vallée-Jonction en Beauce, dans le sud-est du Québec, ont rejeté la semaine dernière dans une proportion de 57% l’entente de principe qui avait été conclue entre l’entreprise et le Syndicat des travailleurs de Olymel Vallée-Jonction (STOVJ).

Il s’agit d’un vote courageux compte tenu de l’immense pression placée sur les grévistes par la classe dirigeante, les médias à sa solde et leur propre syndicat, qui les a complètement isolés et démobilisés dans le but de briser la grève et d’imposer une entente favorable à l’entreprise.

Des travailleurs en grève d’Olymel rejoignent ceux d’Exceldor sur leurs lignes de piquetage le 2 juin (source: page Facebook du STOVJ).

Les travailleurs d’Olymel, qui sont exposés à la COVID-19 dans des usines non sécuritaires depuis le début de la pandémie, avaient déclenché la grève pour obtenir un rattrapage salarial après que deux ententes pourries négociées par le STOVJ en 2007 et 2015 leur aient fait perdre environ 40% de leur salaire.

Le non-respect de cette demande salariale était l’une des raisons majeures du rejet de l’entente de principe. Celle-ci comportait également des reculs sur les conditions de travail. Un gréviste s’exprimant sur les médias sociaux a expliqué par exemple que les travailleurs auraient perdu le droit de choisir la date de leurs vacances.

Le STOVJ a maintenu ses membres dans le noir au sujet du déroulement des négociations. L’entente de principe qui vient d’être rejetée par les travailleurs a été conclue dans la nuit du 13 au 14 août dernier. L’assemblée générale pour faire voter les travailleurs a été convoquée pour le 16 août à 17h. Fidèle à la tactique anti-démocratique des appareils syndicaux, l’entente a été présentée aux travailleurs tout juste avant le vote. Ils n’ont donc pas eu le temps d’analyser son contenu et d’en discuter entre eux. Des bureaucrates syndicaux ont également censuré la page Facebook du syndicat en effaçant les commentaires qui dénonçaient cette tactique, dont deux commentaires d’un reporter du WSWS qui appelait au refus de l’entente sur la base que les travailleurs n’avaient pas suffisamment de temps pour l’analyser.

Le rejet de l’entente a provoqué une véritable crise au sein du STOVJ et de la direction d’Olymel. À l’annonce du résultat du vote, l’assemblée du 16 août a pris une tournure houleuse lorsque des travailleurs ont accusé les membres de l’exécutif syndical de négliger les intérêts des membres de la base. Le président du STOVJ, Martin Maurice, a répondu par une tirade vulgaire et laissé planer la menace d’une démission en bloc de l’exécutif. La colère du STOVJ ne s’est donc pas tournée vers Olymel, qui offre des conditions de travail de misère, mais vers les travailleurs qui ont eu le culot de voter contre lesdites conditions et contre les ententes pourries négociées et endossées par le syndicat.

Olymel et la classe dirigeante ont aussi réagi avec fureur à la résistance courageuse des travailleurs. Un vice-président d’Olymel a immédiatement menacé de réduire les activités de l’usine et de fermer le quart de soir, en prétendant que l’entreprise est «au bout de ses capacités à payer» et que la «viabilité et la pérennité de l’usine» étaient menacées.

Il s’agit-là de prétextes et de mensonges. Olymel est une division du géant agro-alimentaire Sollio (anciennement la Coop fédérée) qui a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 8 milliards de dollars en 2020. Olymel a réalisé des profits de plus de 234 millions de dollars en 2020. Les demandes des travailleurs enragent les dirigeants parce qu'elles menacent «la viabilité» de leurs profits.

Olymel a reçu l’appui de la Fédération des producteurs de porcs du Québec et de l’Union des producteurs agricoles qui ont repris l’argument hypocrite de l’abattage «humanitaire» des animaux, qui avait été invoqué en juin dernier pour mettre fin à une grève des travailleurs d’une usine d’Exceldor, un autre géant de l’agro-alimentaire.

Le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval a qualifié le rejet de l’offre de «claque au visage» des producteurs. Il a ensuite réclamé «l’intervention personnelle» du premier ministre du Québec, François Legault, bien au fait que cet ex-PDG multimillionnaire prend systématiquement le parti des entreprises lors des conflits de travail – que ce soit en dénonçant les «salaires élevés» des travailleurs du secteur manufacturier ou en menaçant de lois spéciales les travailleurs du secteur public et de la construction.

Le 18 août, Legault a réagi sur Twitter en faisant appel au «sens des responsabilités» des partis pour régler le conflit. Son ministre du travail Jean Boulet a nommé un médiateur spécial dans le but de mettre fin à la grève – certainement selon les exigences patronales.

Boulet a laissé entendre qu’il n’allait pas recourir à une loi spéciale pour forcer un retour au travail à Olymel car il s’agit d’un «conflit privé». Il a ajouté qu’il respectait «la décision des salariés». Mais les travailleurs ne doivent pas croire un mot sortant de la bouche de Legault ou de Boulet, des politiciens retors qui ont dédié leur carrière politique à défendre les intérêts de la grande entreprise.

Le gouvernement de droite de la CAQ se tient résolument du côté de la grande entreprise, comme en témoigne l’octroi de 150 millions de dollars de fonds publics à Olymel (sous la forme d’un «investissement») le 18 mai, en pleine grève. Il compte sur ses partenaires syndicaux pour imposer une convention collective favorable à Olymel, sans avoir recours – pour l’instant – à une loi spéciale qui risquerait de faire dégénérer un conflit local en un mouvement d’opposition ouvrière de masse.

Les travailleurs d’Olymel ne doivent pas entretenir d’illusion: la pression exercée sur eux par l’entreprise, les grands médias et tout l’establishement ne fera qu’augmenter dans les prochains jours pour les forcer à accepter de nouveaux reculs dans leurs conditions de travail.

Leur propre syndicat participe pleinement à cette conspiration anti-ouvrière. Le STOVJ n’a rien fait pour étendre la grève, notamment par un appel aux travailleurs des autres usines d’Olymel au Québec, en Ontario et en Alberta. Et il se prépare sans doute à présenter aux membres une «nouvelle» entente de principe qui ne se distinguera de celle rejetée que par des virgules.

La lutte à Olymel ne peut être victorieuse que si les travailleurs brisent l’isolement imposé par le STOVJ. Un premier pas crucial serait la formation d’un comité de la base entièrement indépendant et opposé à l’appareil bureaucratique syndical. Un tel comité devrait se tourner vers leurs alliés naturels, leurs frères et leurs sœurs de classe au Québec et dans le reste du Canada, dans une contre-offensive commune pour la défense des salaires, des emplois et des conditions de travail de tous.

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