Comme ailleurs dans le monde, les grèves militantes prennent de l’ampleur au Québec

Au Québec, uniquement dans les trois premiers mois de l’année, on dénombrait 47 conflits de travail dans la province, soit trois fois plus que la moyenne des trois dernières années.

Ce regain de militantisme – qui continue jusqu’à ce jour avec des conflits en cours au Casino de Montréal, chez le fabricant de moteurs d’avion Rolls-Royce et à des installations de la brasserie Molson-Coors – fait partie d'une résurgence de la lutte des classes à travers le Canada et au niveau international.

Peu importe leur nationalité ou leur langue, les travailleurs sont confrontés partout aux mêmes problèmes fondamentaux: pandémie de COVID-19 hors de contrôle, inflation galopante, inégalités sociales criantes, détournement de vastes ressources pour la guerre.

Au Québec, 521 croupiers du Casino de Montréal viennent d’entrer en grève. Ils font face à des baisses de salaires significatives, particulièrement pour les nouvelles embauches.

Au cours du dernier mois, au moins 3 sit-in d’infirmières – les plus récents d’une longue série – ont eu lieu dans la province contre les heures supplémentaires obligatoires et les charges de travail intenables.

L’an dernier, brandissant la menace d’une loi spéciale, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a maintenu les conditions de travail intolérables et imposé des hausses de salaire nettement sous l’inflation aux dizaines de milliers d’infirmières. Celles-ci avaient voté massivement en faveur d’une grève, mais leur opposition avait été étouffée par l’action conjointe des syndicats du secteur public. Ces derniers ont, une fois de plus, divisé les travailleurs selon des lignes sectorielles et refusé de lier la lutte pour de meilleures conventions collectives à la défense des services publics.

Les lois spéciales – votées par les gouvernements de la grande entreprise et imposées par les appareils syndicaux – sont devenues la norme au Canada depuis des décennies. Elles sont l’œuvre commune des fédéralistes canadiens (Parti libéral), des indépendantistes québécois (Parti québécois), des partis supposément «de gauche» (NPD) et des partis ouvertement de droite (Conservateurs).

Au Québec, le gouvernement caquiste de François Legault est intervenu dans une série de conflits de travail – à Olymel et Exceldor, dans la construction, au Port de Montréal – pour dénigrer publiquement les travailleurs et menacer d’imposer des lois spéciales de retour au travail.

Des travailleurs en grève de l’usine d’abattage de porcs Olymel rejoignent ceux du géant agro-alimentaire Exceldor sur leurs lignes de piquetage le 2 juin (source: page Facebook du STOVJ).

Plus récemment, le Tribunal administratif du travail a ordonné aux 625 chauffeurs d’autobus de la Société des transports de Laval de cesser tout moyen de pression, comme le refus de faire des heures supplémentaires. Les syndicats en ont profité pour mettre fin à tout acte de résistance et négocier une convention collective de 8 ans qui ne répond aucunement aux demandes des travailleurs.

De nombreuses grèves ont également éclaté dans le secteur manufacturier, où le gouvernement Legault a déjà qualifié les salaires de «trop élevés».

À Lachine, sur l’île de Montréal, 530 travailleurs de Rolls-Royce, spécialisés dans l’entretien de moteurs d’avions, sont en lock-out depuis le 15 mars, alors qu’ils venaient de voter à 94% pour une grève le jour même. Sans convention de travail depuis mars 2020, les travailleurs luttent pour de meilleurs salaires et conditions de travail, notamment en ce qui concerne les horaires et les congés, et le maintien de leur régime de retraite. Les travailleurs ont massivement rejeté la dernière offre patronale à 94%.

Chez Molson-Coors, les 420 travailleurs du centre de distribution de l’île et de l’usine de brassage de Saint-Hubert, sur la rive-sud de Montréal, sont en grève illimitée depuis le 25 mars, après avoir voté à 99% pour le rejet de la dernière offre patronale et pour un mandat de grève. Au dernier trimestre, l’entreprise a réalisé sa plus importante hausse de revenus depuis 10 ans.

À Joliette, au nord de Montréal, les 154 employés de la Cimenterie Ash Grove sont en lock-out depuis le 24 mai 2021. Refusant d’étendre leurs luttes, leur syndicat a plutôt dénoncé les travailleurs étrangers en Grèce et en Turquie comme des «scabs», car Ash Grove importe de ces pays du clinker, composante de base du ciment.

Les travailleurs au Québec, tout comme leurs frères et sœurs de classe dans le reste du Canada et partout dans le monde, ne font pas seulement face à des gouvernements capitalistes déterminés à imposer les demandes patronales. Ils sont confrontés à des syndicats nationalistes et pro-capitalistes qui sont devenus, depuis des décennies, des appareils pour imposer les demandes de concessions de la classe dirigeante.

Avec leurs salaires à six chiffres et les portefeuilles d’actions qu’ils gèrent, les bureaucrates syndicaux jouent un rôle clé pour encourager le nationalisme et garder les travailleurs derrière «leur» classe dirigeante. Au Québec, cela veut dire maintenir la fiction que les travailleurs francophones ont plus d’intérêts en commun avec les patrons et politiciens bourgeois francophones qu’avec leurs frères et sœurs de classes anglophones, immigrants et autochtones dans le reste du Canada.

Comme l’a soulignée la rencontre du premier mai entre les centrales syndicales et le premier ministre, les chefs syndicaux, tout comme des sections substantielles de la classe dirigeante elle-même, voient la collaboration tripartite (patronat-État-syndicat) comme le moyen le plus efficace d’étouffer toute résistance des travailleurs.

La pandémie a exprimé cette collaboration plus que jamais. En plus d’avoir étouffé la contestation des travailleurs quant aux dangers sanitaires de la COVID-19 en milieu de travail, les syndicats ont été un élément central dans l’application des politiques de retour à l’école et de retour au travail des gouvernements à l’échelle du pays. Conséquemment, 3 millions de Québécois ont contracté la maladie seulement durant la vague Omicron cet hiver et plus de 15.000 ont perdu la vie depuis le début de la pandémie.

La montée des luttes ouvrières ne se limite pas au Québec: elle s’intensifie dans l’ensemble du Canada et toutes les régions du globe.

En Ontario, plus de 40.000 travailleurs de la construction sont en grève depuis le 2 mai pour exiger des salaires qui suivent l’inflation et plus de sécurité au travail. En mars, 3.000 cheminots de Canadien Pacifique avaient fait grève contre un régime de travail pénible et dangereux, des pensions misérables et la stagnation de leurs salaires – jusqu’à ce que leur syndicat mette fin à leur lutte en imposant un arbitrage exécutoire conçu pour faire passer les demandes patronales.

Aux États-Unis, le centre du capitalisme mondial, une nouvelle vague de grèves fait maintenant suite à celle qui a secoué le pays à l’automne dernier. En Espagne, des métallurgistes, des travailleurs du textile et des centres d'appel sont entrés en grève. En Turquie, une augmentation importante des grèves sauvages a eu lieu depuis le début de l'année.

Face au système capitaliste en état de crise avancée, les travailleurs doivent rejeter le mensonge qu’il n’y a pas d’argent pour leur garantir un niveau de vie décent et des services publics de qualité. Ils doivent construire leurs propres comités de la base, en dehors des syndicats chauvins et pro-patronaux, et se tourner vers les travailleurs en lutte dans le reste du pays et du monde. L’objectif doit être une lutte unifiée des travailleurs, en tant que force politique indépendante, contre la guerre impérialiste et pour la défense des salaires, des pensions et des programmes sociaux.

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