The Fallout: Une fusillade dans un lycée et ses conséquences

Écrit et réalisé par Megan Park

Aux États-Unis, les fusillades dans les écoles se produisent à un rythme alarmant; cette année, une trentaine de tragédies de ce type ont déjà eu lieu. Il n’existe aucun précédent historique à ces phénomènes, qui sont inconnus dans une grande partie du monde. Parmi les incidents les plus horribles, gravés dans la mémoire du public, figurent les tueries de masse du lycée Columbine de Littleton, dans le Colorado (1999), de l’université Virginia Tech de Blacksburg, en Virginie (2007), de l’école primaire Sandy Hook de Newtown, dans le Connecticut (2012), du lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride (2018) et, plus récemment, de l’école primaire Robb d’Uvalde, au Texas.

Que révèlent ces meurtres sur la vie et la société américaines? Pas grand-chose, selon les médias et l’establishment politique américains. Les gens qui s’en sortent très bien risquent peu de trouver quelque chose de mal à l’ordre social existant. Par leur silence accablant ou leur superficialité, les industries du cinéma et de la musique marquent leur accord avec les médias et le reste de l’establishment.

D’autre part, le WSWS soutient depuis la fin des années 1990 que cette folie meurtrière reflète un profond malaise social.

En 2019, nous avons insistésur le fait que «cette incapacité à garantir la sécurité physique et psychologique des enfants va de pair avec l’incapacité ou le refus obstiné de la société américaine officielle de comprendre ou même de s’attaquer sérieusement aux causes profondes de ces tragédies sans fin.»

The Fallout

The Fallout, de la cinéaste d’origine canadienne Megan Park, porte sur les conséquences d’une fusillade dans un lycée d’une ville américaine non nommée. Comme seule une poignée de films (Elephant, We Need to Talk About Kevin, Mass) ont abordé ce sujet épineux et douloureux, ceux qui ont réalisé ce long métrage doivent être salués. Cependant, comme c’est souvent le cas, le sérieux du traitement ne correspond pas à la gravité du problème. Le film, bien que réalisé avec sensibilité, élude les sources sociales, politiques et psychologiques de ces calamités.

The Fallouts’ouvre sur une fusillade dans une école. Vada (Jenna Ortega), 16 ans, et sa camarade de classe Mia (Maddie Ziegler), une influenceuse glamour aux milliers de followers, sont dans les toilettes de l’école lorsque le son perçant d’un coup de feu et tout ce qu’il implique assaillent leurs sens.

D’abord choquées, les filles réalisent rapidement qu’elles doivent se cacher dans une cabine de toilettes. Au loin, on entend ce qui doit être policier qui crie: «Lâche ton arme maintenant!» Quelques instants plus tard, Quinton (Niles Fitch) se glisse dans la cabine voisine, assurant désespérément aux filles qu’il n’est pas le tireur. Quinton, cependant, est couvert du sang de son frère. L’action et les événements rapides de cette séquence sont ciselés avec précision.

Après la fusillade, Vada et Mia se lient d’une manière confuse et désorientée, préférant s’engourdir avec des drogues et de l’alcool, contrairement à leur ami Nick (Will Ropp), qui devient un activiste politique. Vada: «Tu fais des cauchemars?» Mia: «Il faut pouvoir dormir pour faire des cauchemars.»

Toutes deux refusent de retourner à l’école. Vada s’éloigne de sa famille, qui la soutient et qui comprend ses parents (Julie Bowen et John Ortiz) et sa jeune sœur précoce Amelia (Lumi Pollack). Les deux adolescentes passent la plupart de leur temps isolées dans la luxueuse maison de Mia. Cette maison peut servir de refuge car les parents artistes de Mia sont à l’étranger et, fait remarquable, ne se manifestent pas après le massacre.

La réaction de l’administration de l’école est aussi, remarquablement, totalement absente.

«Je ne sais pas ce qui ne va pas chez moi. Je me sens si vide», c’est ce que Vada réussit le mieux à dire sur l’impact émotionnel de cette expérience qui a changé sa vie. Il y a quelques séances de thérapie inutiles, promues par la mère, avec Anna (Shailene Woodley), au cours desquelles Vada opte pour la désinvolture, évitant ainsi de confronter sérieusement ses sentiments.

Vada est tellement désemparée par son éventuel retour à l’école qu’elle prend de l’ecstasy, ce qui ne fait qu’accélérer son désordre mental. Pendant ce temps, comme nous l’avons vu, Nick devient le porte-parole des étudiants. Apparaissant dans un journal télévisé local, il est en colère et énergique: «Nous ne vivrons pas nos vies en ayant peur d’aller à l’école tous les jours. Nous ne pouvons pas accepter un monde dans lequel le gouvernement fédéral pense que les étudiants américains qui se font abattre dans leurs salles de classe ne sont pas une priorité. Nos dirigeants ont l’argent de la NRA [National Rifle Association] dans leurs poches et notre sang sur leurs mains.» C’est le seul moment ouvertement politique de The Fallout.

Au moment où Vada atteint une certaine stabilité intérieure, une nouvelle de dernière minute confirme que 12 étudiants sont morts dans une fusillade dans l’Ohio.

Il était ambitieux et louable de la part de Park de mettre en scène une fusillade dans une école et ses conséquences, de représenter artistiquement un événement aussi troublant. Cependant, la question demeure – et c’est la plus importante: avec quel degré de succès y parvient-elle?

Dans une interview accordée à Slashfilm, il a été demandé à Park si elle partageait la remarque du réalisateur chevronné Gus Van Sant à propos de son film Elephant(2003), consacré à une fusillade dans une école, selon laquelle «il [Van Sant] ne voulait pas essayer de donner une réponse à la question de savoir pourquoi cela arrive, car il n’y a pas de réponse satisfaisante».

Park était d’accord à «cent pour cent» avec Van Sant: «Même si j’espère qu’il y a des gens qui ressentent de l’espoir pour Vada et spécifiquement ces personnages, et qu’ils finiront par trouver un chemin pour comprendre et vivre avec leur traumatisme et leur deuil, je pense qu’on ne peut pas emballer un film [comme] celui-ci avec une jolie boucle. Ce serait une erreur».

Personne ne veut d’un film bien ficelé, couronné d’une boucle, mais il serait peut-être bon de s’intéresser au monde en général.

Maddie Ziegler et Jenna Ortega dans The Fallout

Le WSWS a réagi différemment au film de Van Sant, inspiré de Columbine, qui, au moment de sa sortie, a été loué par les critiques, notamment parce qu’il ne proposait aucune analyse de la fusillade.

«Naturellement», écrivait David Walsh en 2003, «personne ne saura jamais précisément ce qui a traversé l’esprit de ses auteurs dans les jours qui ont précédé l’événement. Personne ne peut non plus désigner de façon concluante tel ou tel traumatisme ou tel incident comme étant la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il existe des éléments individuellement spécifiques et inexplicables dans de tels actes de folie.»

Il est impossible de prédire avec une précision scientifique quel adolescent particulier s’effondrera, mentalement et moralement, a poursuivi le WSWS. Cependant, s’il est impossible de créer une image du paysage social, politique et culturel dans lequel de tels actes anti-humains sont inévitablement commis par un jeune désorienté, «alors à quoi sert notre art ou notre science sociale?»

«Les indicateurs vitaux de l’imminence d’un désastre pourraient inclure», a observé David North dans un article du WSWS de 1999 en rapport avec le massacre du lycée Columbine, «la polarisation croissante entre richesse et pauvreté; l’atomisation des travailleurs et la répression de leur identité de classe; la glorification du militarisme et de la guerre; l’absence de commentaires sociaux sérieux et de débat politique; l’état dégradé de la culture populaire; le culte de la bourse; la célébration effrénée de la réussite individuelle et de la richesse personnelle; le dénigrement des idéaux de progrès social et d’égalité.

Il est erroné et préjudiciable d’affirmer, comme le font Park et bien d’autres, qu’une œuvre d’art peut aborder et sonder en profondeur un événement tel qu’une fusillade dans une école sans discuter d’aucune manière de ses origines ou de ses causes. Ce point de vue, qui prône le repli devant toute question complexe et brûlante, est le signe d’un climat intellectuel et culturel rétrograde.

En fait, les jeunes eux-mêmes posent des questions plus approfondies, comme ils le doivent inévitablement. Le 11 juin, lors d’une manifestation nationale contre la violence armée, le WSWS a interviewé des lycéens et des étudiants qui se sont montrés beaucoup plus perspicaces sur les sources ultimes de la violence scolaire que les réalisateurs de The Fallout.

Un élève de 9e année de l’école publique de Chicago a fait un commentaire éloquent: «Je pense que c’est lié au capitalisme. Il devient de plus en plus inégalitaire et de plus en plus barbare au fil du temps. C’est comme ce que Rosa Luxembourg a dit: nous sommes confrontés à un choix entre le socialisme et la barbarie. Cela ne pourrait pas être plus vrai aujourd’hui. Je pense que le capitalisme doit prendre fin.»

À San Diego, un autre lycéen a affirmé que «Sandy Hook est le premier dont je me souvienne. C’est arrivé à des enfants de notre âge à l’époque ou un an plus tôt, et ça n’a fait qu’empirer et devenir plus fréquent... Les États-Unis passent tellement de temps à s’inquiéter d’endroits comme le Moyen-Orient, et des surnoms qu’ils leur donnent, comme «pays de merde» et ainsi de suite, et ils envoient constamment des troupes à la guerre, alors que dans notre pays, la principale cause de décès chez les enfants est la violence armée. Ils ne sont tout simplement pas touchés par cela... Les gens du Congrès sont riches, ils ont de l’argent, ils sont au sommet de la chaîne alimentaire et ne sont pas touchés comme le reste d’entre nous.»

Un étudiant d’un collège communautaire de Detroit a déclaré aux journalistes du WSWS: «Nous ne pouvons plus faire le truc du “vote bleu [démocrate] peu importe qui”. Cela ne fonctionne pas. Le système bipartite est ce qui tue ce pays. Je pense que les gens ne se rendent pas compte qu’une fois que les travailleurs s’uniront et feront cause commune, les choses commenceront à bouger. Et c’est de cela qu’ils ont peur parce qu’une fois que cela sera en marche, ils seront foutus».

Une véritable compréhension commence à s’installer.

(Article paru en anglais le 24 juin 2022)

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