Alors que l’interdiction de l’avortement entre en vigueur dans différents États, les démocrates confinent leur réponse à des appels électoraux

Dans les jours qui ont suivi la décision réactionnaire de la Cour suprême d’annuler l’arrêt Roec. Wadeet de permettre aux États d’interdire l’avortement, six États l’ont fait, soit par des lois qui ont pris effet automatiquement, soit par la certification de l’action de la haute cour par les responsables de l’État qui ont activé ces lois.

Selon Planned Parenthood, les États où l’avortement est déjà illégal et où les cliniques de santé reproductive ont cessé de fonctionner sont les suivants: Alabama, Arkansas, Missouri, Oklahoma, Dakota du Sud et Texas, soit une population totale de 50 millions d’habitants. L’Utah a été empêché de prendre des mesures similaires par une injonction judiciaire de dernière minute, qui fait actuellement l’objet d’un appel.

Des manifestants se rassemblent devant la Cour suprême à Washington, le vendredi 24 juin 2022. (AP Photo/Jacquelyn Martin)

Il y a 15 États où la procédure est sévèrement limitée et bientôt totalement illégale: L’Arizona, la Floride, la Géorgie, l’Idaho, l’Indiana, le Kentucky, la Louisiane, le Mississippi, le Dakota du Nord, l’Ohio, la Caroline du Sud, le Tennessee, la Virginie occidentale, le Wisconsin et le Wyoming, soit une population totale de 93 millions d’habitants.

Dans quatre autres États, le Kansas, le Nebraska, le Michigan et la Caroline du Nord, le statut juridique de l’avortement dépend de décisions judiciaires imminentes ou, au Kansas, d’un référendum en août. Quelque 26 millions de personnes vivent dans ces quatre États, ce qui porte à 171 millions le nombre total de personnes vivant dans des États où l’avortement est interdit ou menacé dans l’immédiat, soit un peu plus de la moitié de la population américaine.

Il reste donc 24 États où le statut de l’avortement repose sur des bases juridiques assez solides: Alaska, Californie, Colorado, Connecticut, Delaware, Hawaii, Illinois, Iowa, Maine, Maryland, Massachusetts, Minnesota, Montana, Nevada, New Hampshire, New Jersey, Nouveau-Mexique, New York, Oregon, Pennsylvanie, Rhode Island, Vermont, Virginie, Washington.

Géographiquement, la division des États-Unis est assez nette. L’avortement restera probablement légal dans les États du nord-est et du centre de l’Atlantique, ainsi que sur toute la côte ouest et dans certaines parties des États montagneux, et dans quelques endroits du Midwest. Dans tout le Sud, dans la majeure partie du Midwest et dans certains États montagneux, il sera sauvagement proscrit.

Alors que le droit à cette procédure médicale vitale et à ce droit démocratique fondamental est immédiatement retiré aux femmes, la réponse de l’administration Biden et du Parti démocrate dans son ensemble est de considérer cette question comme une simple opportunité de renverser les résultats lamentables des sondages et de mobiliser un soutien pour les prochaines élections de mi-mandat du 8 novembre.

Biden a fait une déclaration superficielle vendredi en réponse à l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Dobbsc. Jackson Women’s Health Organization. Des sources à la Maison-Blanche ont déclaré à la presse que le discours avait déjà été rédigé le mois dernier, après que le projet de l’opinion majoritaire du juge Samuel Alito eut été divulgué aux médias. Il n’a été que «retouché» en réponse au prononcé de l’arrêt proprement dit.

L’administration a convoqué une série de réunions pour discuter de la réponse concrète qu’elle pourrait apporter pour aider les femmes cherchant à avorter dans les États concernés, mais rien n’a été fait jusqu’à présent, si ce n’est une lettre conjointe du procureur général Merrick Garland, de la secrétaire au Trésor Janet Yellen et du secrétaire à la santé et aux services sociaux Xavier Becerra, rappelant aux compagnies d’assurance qu’elles doivent continuer à couvrir les moyens de contraception conformément aux dispositions de la Loi sur les soins abordables.

Une trentaine de sénateurs démocrates ont envoyé une lettre à la Maison-Blanche au cours du week-end, exhortant Biden à prendre des «mesures audacieuses» et à utiliser «toutes les mesures dont dispose votre administration, dans toutes les agences fédérales, pour aider les femmes à accéder aux avortements et aux autres soins de santé génésique». Diplomatiquement, cependant, ils n’ont pas précisé une seule action concrète que Biden devrait entreprendre.

L’aile «gauche» du Parti démocrate s’est emparée de la question de l’avortement pour mobiliser les électeurs en prévision de novembre et réhabiliter l’administration Biden aux yeux de millions de personnes qui ont voté pour lui en 2020 pour évincer le détesté Trump, mais qui ont vu les démocrates abandonner leurs promesses d’améliorations et de réformes sociales importantes. Cela inclut des questions telles que le droit de vote, l’allègement de la dette des étudiants, une protection sérieuse contre les expulsions et les saisies, et une véritable lutte contre la pandémie de COVID-19, qui a été entièrement abandonnée.

S’exprimant lors d’émissions d’entrevue télévisées distinctes dimanche, deux ténors de la gauche libérale, la sénatrice Elizabeth Warren du Massachusetts et la représentante Alexandra Ocasio-Cortez de New York, ont déclaré qu’elles s’attendaient à une action agressive de l’administration Biden bien avant l’élection de novembre.

Elizabeth Warren pendant la campagne de 2020 [Photo par Gage Skidmore / CC BY 4.0] [Photo by Gage Skidmore / CC BY 4.0]

Lors de l’émission This Week sur ABC, Warren a demandé l’envoi de ressources dans des États comme le Nouveau-Mexique, qui sont limitrophes de la zone où l’avortement est désormais illégal et qui verront un afflux de femmes de ces États cherchant à y accéder. «Cela signifie également demander au président des États-Unis de rendre l’avortement aussi accessible que possible avec les outils dont il dispose, y compris l’avortement médicamenteux, y compris l’utilisation des terres fédérales comme lieu où les avortements peuvent avoir lieu», a-t-elle déclaré.

Mais, a-t-elle ensuite poursuivi, il faut être «concentré tel un laser sur l’élection de novembre. Et à obtenir deux sénateurs de plus du côté démocrate, deux sénateurs qui sont prêts à protéger l’accès à l’avortement et à se débarrasser du “filibuster” [technique d’obstruction parlementaire] pour que nous puissions l’adopter.» Cela porterait le nombre de démocrates prêts à annuler le filibuster aux 50 nécessaires, puisqu’il y a actuellement deux démocrates, Joe Manchin et Kyrsten Sinema, qui s’y opposent.

Toutefois, Warren, comme la plupart des démocrates, s’attend à perdre le contrôle de la Chambre des représentants, ce qui mettrait fin à toute perspective d’adoption d’une législation sur le droit à l’avortement, quoi qu’il arrive au Sénat. Et Biden ne s’est nullement engagé à soutenir l’élimination du filibuster.

Au lieu de cela, elle a fait une proposition fantaisiste consistant à ajouter des juges à la Cour suprême, au lieu des neuf actuels, afin que Biden puisse nommer un groupe de libéraux pour mettre en minorité l’actuelle majorité d’ultra-droite. Là encore, il n’y a aucune chance de faire passer cette proposition au Sénat, qui est très divisé, et la secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, a confirmé une nouvelle fois dimanche que Biden s’oppose à tout changement du nombre de juges de la haute cour.

Ocasio-Cortez, apparaissant dans l’émission Meet The Press de NBC, a fait les mêmes propositions que Warren mais avec une rhétorique un peu plus radicale. Elle a soutenu la proposition de Warren d’ «explorer l’ouverture de cliniques de soins de santé sur les terres fédérales dans les États rouges afin d’aider les gens à accéder aux soins de santé et aux services d’avortement dont ils ont besoin.» Cette proposition serait interdite par l’amendement Hyde, une mesure réactionnaire adoptée en 1976 qui interdit de dépenser des fonds fédéraux pour des services d’avortement, et que les congrès successifs contrôlés par les démocrates ont refusé d’abroger.

La représentante Alexandria Ocasio-Cortez, D-N.Y., écoute la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, D-Calif, lors d’une conférence de presse au Capitole à Washington. [AP Photo/J. Scott Applewhite] [AP Photo/J. Scott Applewhite]

Ocasio-Cortez est allé au-delà de la proposition de Warren d’élargir la cour, en pointant du doigt «une crise de légitimité» au sein de la cour. «Nous avons un juge de la Cour suprême dont la femme a participé au 6 janvier et qui a utilisé son siège pour voter contre la communication de documents qui ont potentiellement conduit les enquêteurs du Congrès à des preuves. C’est une crise de légitimité et le président Biden doit y remédier.»

Elle a également suggéré que plusieurs des juges de la majorité d’ultra-droite avaient menti lors de leurs auditions de confirmation au Sénat, lorsqu’ils ont nié toute intention déterminée de renverser Roec. Wadeet affirmé qu’ils considéraient cet arrêt vieux de 50 ans comme un «précédent établi.» Mentir lors d’une telle audition est une infraction passible de destitution, a-t-elle dit.

Sans mentionner nommément Biden, Ocasio-Cortez a critiqué ce qu’elle a appelé la «nostalgie» d’une ère passée de coopération bipartisane. «Vous entendez cela très souvent quand vous entendez certains démocrates dire qu’ils souhaitaient un Parti républicain fort. Mais le fait est que nous avons un nouveau Parti républicain très différent» qui s’oppose à «des fondements très, très cruciaux de notre démocratie».

La représentante n’a pas utilisé le mot «fasciste», mais c’était manifestement l’implication.

Pourtant, malgré tout ce radicalisme verbal, Ocasio-Cortez n’a rien proposé de plus pour combattre la menace du fascisme et de la dictature qu’un vote pour le Parti démocrate en novembre. Tant elle que la sénatrice Warren ont été entièrement silencieuses sur le lien intrinsèque entre la politique étrangère de l’administration Biden, basée sur la guerre avec la Russie et l’alliance avec les forces d’ultra-droite et fascistes en Ukraine, et la croissance de la droite fasciste aux États-Unis (et d’ailleurs en Allemagne, en France et dans les autres puissances impérialistes de l’alliance de l’OTAN).

Toutes deux ont voté pour les dépenses militaires record, y compris pour la guerre contre l’Ukraine, proposées par la Maison-Blanche de Biden avec un soutien bipartisan.

(Article paru en anglais le 28 juin 2022)

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