Descente du FBI dans les maisons et bureaux d'un groupe nationaliste noir sur de fausses allégations de complot avec la Russie

Des agents du FBI (Federal Bureau of Investigation) ont mené une série de raids le 29 juillet contre le Parti socialiste du peuple africain (APSP) à St. Louis, Missouri et St. Petersburg, Floride.

Le président de l'APSP Omali Yeshitela devant sa maison après le raid du FBI du 29 juillet [Photo by stltoday.com] [Photo: stltoday.com]

Les raids sont liés à un acte d'accusation de 25 pages émis contre Aleksandr Viktorovitch Ionov, un ressortissant russe accusé de « complot en vue de commettre un délit » contre les États-Unis (18 USC § 371), un crime fédéral vaguement défini, passible d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison ainsi que de lourdes amendes.

L'APSP et plusieurs autres groupes politiques non identifiés, qui restent tous non inculpés à ce stade, sont accusés d'avoir agi en tant que « co-conspirateurs » avec Ionov et les services de renseignement russes afin de saper l'autorité des États-Unis, semer la division au sein de l'ensemble de la population et « s'immiscer » dans les élections américaines.

Toutes les activités politiques prétendument conspiratrices énumérées dans l'acte d'accusation sont protégées par le premier amendement de la Constitution américaine.

L'acte d'accusation contre Ionov cite comme preuve d'une conspiration présumée impliquant les organisations ciblées basées aux États-Unis, la correspondance et la collaboration avec le Mouvement antimondialisation de Russie (AGMR), une organisation dirigée par Ionov, qui, selon le FBI et le ministère de la Justice (DOJ), a des liens avec le Service fédéral de sécurité de Russie (FSB).

Il accuse en outre des hauts responsables de l'APSP d'avoir eu connaissance des liens de l'AGMR avec l'État russe, et allègue que l'APSP et d'autres « co-conspirateurs » ont volontairement reçu de l'argent du gouvernement russe, une affirmation que l'APSP a publiquement démentie.

Les seules activités de l'APSP notées dans l'acte d'accusation consistent à organiser des rassemblements dans diverses villes américaines contre le « génocide des peuples africains aux États-Unis » et à faire des déclarations publiques dénonçant l'implication des États-Unis et de l'OTAN dans la guerre en Ukraine, tout en exprimant une sympathie politique pour la Russie.

L'affaire a toutes les caractéristiques d'un coup monté politique visant une organisation politique pour son opposition à la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie. Cela indique une tentative d'intimidation et de criminalisation plus large de l'opposition à la guerre.

Il convient de noter que l'acte d'accusation a été établi contre Ionov tout en sachant qu'il réside à Moscou et que toute tentative de l'extrader pour qu'il soit jugé échouerait presque à coup sûr. Il semble que l'objectif principal de l'acte d'accusation contre Ionov soit de justifier l'utilisation par le gouvernement Biden de la répression d'État contre les opposants de gauche aux États-Unis à sa politique impérialiste à l'égard de la Russie.

L'acte d'accusation fait explicitement référence au conflit en cours, consacrant une section entière au sujet sous le titre « 2022: invasion russe de l'Ukraine ». On y lit:

Le 13 mars 2022 ou vers cette date, [Co-conspiratrice 4 non identifiée] a fait une présentation vidéo au nom de [l'APSP], dans laquelle elle a déclaré que [l'APSP] et [Yeshitela], ainsi que « les dirigeants du Venezuela, de la Chine, de l'Iran, de Cuba et du Nicaragua » s'étaient prononcés contre la crise « créée par l'impérialisme américain » en Ukraine et en solidarité avec le peuple russe et son gouvernement et ses dirigeants élus.

« L'impact de l'influence étrangère malveillante de la Russie ne peut être surestimé », a déclaré Luis Quesada, directeur adjoint de la division des enquêtes criminelles du FBI dans une déclaration officielle du ministère de la Justice sur l'acte d'accusation. Quesada a ensuite lancé un avertissement inquiétant: « Le FBI poursuivra agressivement tout gouvernement étranger qui tenterait de diviser les citoyens américains et d'empoisonner notre processus démocratique. »

Des agents du FBI lourdement armés on fait un raid au domicile du président de l'APSP, Omali Yeshitela, 80 ans et de sa femme Ona, à St. Louis, tôt le matin du vendredi 29 juillet. Les agents sont venus dans un véhicule blindé, ont déclenché des grenades assourdissantes dans tout le quartier, ont fait planer un drone devant la porte d'entrée de la maison, et ont ordonné par haut-parleur que Yeshitela et Ona sortent les mains levées.

Yeshitela a déclaré que le drone avait failli frapper Ona au visage alors qu'elle sortait de chez eux. Les agents les ont menottés et forcés à s'asseoir sur le trottoir pendant que les enquêteurs fouillaient la maison, saisissant leurs téléphones portables et leurs ordinateurs.

Yeshitela, dans une vidéo Facebook Live, a décrit le comportement hautement provocateur du FBI: « Il y a partout des agents du FBI en tenue de combat portant des armes automatiques... Non seulement ils sont devant la maison, mais ils occupent le porche et la cour des voisins d’à côté ».

Il a noté que pendant le raid, des agents avaient « cassé une fenêtre en bas » et s’étaient introduits de force dans l'appartement voisin en brisant la porte. « Ils faisaient un grand spectacle dans la communauté », a-t-il dit. Ni Yeshitela ni Ona n'ont vu une copie papier du mandat de perquisition que bien après les faits.

Des raids simultanés ont été effectués dans les bureaux de l'APSP à Saint-Louis et à Saint-Pétersbourg (Floride). Dans tous les cas, les agents ont utilisé des béliers pour défoncer les portes.

À Saint-Louis, des agents ont détenu des membres et des partisans de l'APSP sous la menace d'une arme et les ont menottés avant de fouiller les lieux. À Saint-Pétersbourg, des agents ont également perquisitionné la station de radio affiliée à l'APSP.

Des agents du FBI ont encore été au domicile d'Akila Anai, membre de l'APSP à Saint-Pétersbourg, et l'ont attirée dehors en lui racontant le mensonge que sa voiture avait été cambriolée. Les agents ont ensuite fouillé sa voiture, confisquant ordinateur et téléphone portables.

L'APSP, fondé en 1972, est issu des mouvements nationalistes noirs et étudiants radicaux des années 1960. Il fut fondé sur une plate-forme d'auto-détermination pour les Africains et les Afro-Américains et de réparations pour l'esclavage. Tout comme un large éventail d'organisations de gauche, il devint une cible de répression par le gouvernement américain dans le cadre de l’opération COINTELPRO. L'APSP note sur son site Internet que pendant cette période, Yeshitela « était constamment emprisonné ».

Yeshitela reconnaît avoir assisté à une conférence AGMR en 2014, où il a rencontré Ionov. Il s'agit d'une activité politique entièrement légale et protégée par la Constitution.

Il rejette catégoriquement toute suggestion que lui, ou l'APSP, aurait reçu un quelconque argent d’Ionov ou d’un quelconque responsable russe, ou exécuté des ordres pour leur compte.

« Ils nous ont accusés d’accepter de l'argent de la Russie », a déclaré Yeshitela lors d'une conférence de presse le 29 juillet. « Nous n'avons jamais accepté [d'argent] du gouvernement russe. Mais je ne dis pas cela parce que je suis moralement opposé à accepter de l'argent des Russes ou de quiconque veut soutenir les luttes des Noirs.[ ...] Ne nous dites pas que nous ne pouvons pas avoir des amis que vous n'aimez pas ».

Il a accusé le gouvernement américain de chercher à utiliser l'APSP comme un « pion » dans sa guerre par procuration avec la Russie.

L'allégation non fondée que les opposants à la guerre sont les « co-conspirateurs » d’une puissance étrangère vise à renforcer le spectre d'un épouvantail russe dans la conscience publique. L'escalade de l'agression militaire des États-Unis visant la Russie et la Chine s'accompagne déjà d'une répression croissante et d'une tentative de criminaliser l'opposition de gauche à cette guerre impopulaire.

Le gouvernement Biden intensifie l'alarmisme néo-McCarthyiste anti-Russie qui a été un pilier de l'establishment politique américain, et en particulier du Parti démocrate, au cours des 15 dernières années.

Biden intensifie la campagne de peur anti-russe néo-mccarthyste qui a été un élément de base de l'élite politique américaine, et en particulier du Parti démocrate, au cours des 15 dernières années.

C'était, et c’est encore la raison d’être de l'opposition du Parti démocrate à Trump – jugé insuffisamment agressif envers Moscou – et non son mépris fasciste pour les normes constitutionnelles et démocratiques et son programme dictatorial.

La campagne anti-Russie comprend la censuredes sites Web de gauche et anti-guerre, notamment du World Socialist Web Site, par les sociétés de réseaux sociaux comme Google qui ont des liens étroits avec l'armée et les agences de renseignement.

Prendre pour cible l'APSP, dans le contexte d'une marée montante de luttes ouvrières et d'opposition à la guerre impérialiste menée par procuration contre la Russie en Ukraine, sert à préparer une confrontation directe avec la classe ouvrière même.

Le Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste) et le WSWS ont des divergences politiques fondamentales avec l'APSP. Malgré cela, nous condamnons l'attaque de l'État contre cette organisation et ses membres et exigeons la rétraction des allégations portées à son encontre par le ministère de la Justice.

(Article paru en anglais le 9 août 2022)

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