Roger Waters réfute la propagande de guerre américaine dans une interview à CNN et dans le webinaire World Beyond War

Les 6 et 8 août, le musicien-compositeur et activiste d’origine anglaise Roger Waters a dénoncé le rôle du gouvernement américain dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Il a aussi discuté d’autres questions politiques contemporaines lors de deux apparitions publiques.

Waters effectue actuellement une tournée de 38  concerts en Amérique du Nord intitulée «This is Not a Drill» (Ceci n’est pas un exercice). Il est apparu samedi matin dans une courte interview sur CNN avec Michael Smerconish. Il a aussi participé lundi à un webinaire de 90  minutes organisé par World Beyond War (Le monde au-delà de la guerre).

Roger Waters dans le webinaire de World Beyond War

Ces interventions sont dignes d’intérêt – et valent la peine d’être propagées – parce que les médias américains en général sont aussi étroitement censurés et soumis aux autorités que ceux de nombreux régimes autoritaires. On ne parle simplement pas à la télévision américaine ou dans les pages des quotidiens de l’opposition à la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie, ou à la campagne de diabolisation de la Chine.

Au cours de l’interview sur CNN, Waters a expliqué pourquoi, lors de ses concerts, il place le président Joe Biden, un «criminel de guerre» qui «ne fait que commencer», sur une liste au même titre que tous les autres présidents américains depuis Ronald Reagan.

En passant en revue les faits ayant motivé sa caractérisation de Biden, Waters a montré que Smerconish – qui se présente dans son émission hebdomadaire sur CNN et dans d’autres activités journalistiques comme un commentateur «équilibré» – n’est qu’un autre porte-parole de la propagande américaine.

Waters a expliqué que Biden «jette de l’huile sur le feu en Ukraine pour commencer. C’est là un crime énorme». Lorsque le musicien a fait remarquer qu’il s’agissait d’une «guerre horrible et épouvantable» avec la Russie, Smerconish est intervenu: «Mais vous blâmez la partie qui a été envahie. Allez, vous avez inversé les choses».

«Cette guerre», a répondu Waters, «est essentiellement liée à l’action et à la réaction de l’OTAN qui pousse jusqu’à la frontière russe, ce qu’elle avait promis de ne pas faire lorsque [Mikhail] Gorbatchev a négocié le retrait de l’URSS de toute l’Europe de l’Est».

De manière significative, lorsqu’une transcription de l’interview s’est trouvée en ligne, les producteurs de CNN avaient supprimé une partie des commentaires de Waters. Parlant du président ukrainien Volodymyr Zelensky, Waters a suggéré que «soit quelqu’un a chuchoté à son oreille [Zelensky], soit il a complètement changé d’avis sur faire la paix dans le Donbass, sur la consolidation de l’accord de Minsk et sur parvenir à la paix avec ses voisins russes» et éviter la nécessité d’une guerre.

Smerconish a ensuite demandé: «Qu’en est-il de notre rôle de libérateurs?», ce à quoi Waters a répondu: «Vous n’avez aucun rôle de libérateurs». Lorsque Smerconish a pointé du doigt l’intervention des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, Waters a observé: «Dieu merci, les Russes avaient déjà presque gagné cette guerre sanglante à ce moment-là. N’oubliez pas que 23  millions de Russes sont morts pour nous protéger, vous et moi, de la menace nazie».

Cela a incité Smerconish à affirmer que la Russie aurait dû «tirer la leçon de la guerre» et ne pas «envahir l’Ukraine». Waters a répondu au commentateur de CNN: «Je vous suggère, Michael, d’aller lire un peu plus et d’essayer de comprendre ce que les États-Unis feraient si les Chinois envoyaient des missiles nucléaires au Mexique et au Canada».

Smerconish a lancé: «Les Chinois sont trop occupés à encercler Taïwan, au moment où nous parlons». Waters s’est animé: «Ils n’encerclent pas Taïwan. Taïwan fait partie de la Chine. Et cela a été accepté par l’ensemble de la communauté internationale depuis 1948 et, si vous ne le savez pas, vous ne lisez pas assez».

Lorsque Smerconish lui a demandé si leur conversation avait résolu quelque chose, Waters a parlé sans détour: «Non… parce que vous croyez la propagande de votre camp. Vous ne pouvez pas avoir une conversation sur les droits de l’homme, et vous ne pouvez pas avoir une conversation sur Taïwan sans faire de lecture».

Nullement décontenancé, Smerconish a doublé la mise et débité plus de propagande anti-chinoise: «Si vous avez une conversation sur les droits de l’homme, en haut de la liste des contrevenants, se trouvent les Chinois». Waters a répondu: «Les Chinois n’ont pas envahi l’Irak et tué un million de personnes en 2003. En fait, pour autant que je me souvienne – attendez une minute, qui les Chinois ont-ils envahi et assassiné, massacré»?

Lorsque Smerconish a répondu de manière provocante: «Les leurs», Waters a répondu sans ambages: «Conneries. C’est complètement absurde. Vous devriez aller lire».

Lundi après-midi, Waters a participé à un long séminaire en ligne animé par Todd Pierce et David Swanson de World Beyond War, une organisation mondiale pour la paix. Dans le forum en ligne, le musicien a fait des commentaires introductifs et le reste du webinaire a été consacré à répondre aux questions des modérateurs et du public en direct.

Tout au long du programme de 90  minutes, Waters a démontré sa grande connaissance de la politique internationale, historique et contemporaine. Parmi les questions qu’il a abordées, citons le récent assaut militaire israélien contre Gaza; l’embargo américain en cours contre Cuba; et l’attaque de l’OTAN contre la Syrie en 2018, provoquée par de fausses allégations que le régime d’Assad aurait mené une attaque chimique.

Waters a également répondu à des questions sur Pink Floyd et ses œuvres musicales en solo. Dans ses réponses, il a démontré que – malgré les frictions artistiques et politiques qui ont duré des décennies entre lui et les autres membres du groupe – il était capable d’être objectif quant aux contributions de ses collègues du groupe Pink Floyd.

À propos de sa tournée actuelle, Waters a déclaré : « J'ai le semtiment bizarre que, contrairement à d'autres concerts que j'ai donnés dans le passé, ce concert donne l'impression qu'il pourrait être transformer en une sorte de mouvement. Je ne dis pas que je dirige un mouvement, mais ce que je dis, c'est que je fais partie du mouvement et que tant de personnes dans le public en font partie ou sont capables d'en faire partie, que j'ai l'impression que nous sommes vraiment ensemble et que nous nous parlons vraiment les uns aux autres ». Il s'agit là d'un constat important, qui met en évidence la radicalisation mondiale en cours.

L’un des avantages du webinaire World Beyond War a été de donner à Waters l’occasion de développer certains des points qu’il avait abordés sur CNN.

Il a expliqué que le concept de sa tournée de concerts This is Not a Drill est né en réponse à «cette annonce stupide qu’ils font lorsqu’il s’agit d’un exercice et qu’ils disent “Vous êtes sur le point de mourir dans une guerre nucléaire. Ceci n’est pas un exercice…”. [De cette façon] ils vous disent que c’EST un exercice et que ce n’est pas réel».

Il a poursuivi en disant que les «gangsters crétins qui dirigent le monde» faisaient plus pour provoquer une guerre nucléaire «en ce moment… qu’à n’importe quel moment de ma vie». Waters a ensuite comparé la situation actuelle à la crise des missiles cubains de 1961 et a expliqué qu’«au moins, JFK et Nikita Khrouchtchev parlaient entre eux de choses et d’autres».

Dans la crise actuelle, a fait remarquer Waters, «la Russie a été désignée comme le nouvel ennemi principal de l’empire des États-Unis d’Amérique». Biden et le secrétaire d’État Antony Blinken «et le reste de cette équipe lamentable, sans parler de l’opposition qui est encore plus lamentable» ne «parlent pas aux Russes».

Waters a démystifié le mensonge que «la Chine essayait de conquérir le monde» en demandant, si les Chinois avaient cette ambition, «pourquoi ne dépensent-ils pas plus d’argent dans l’armée? Ils ne représentent que 3,1  pour cent des dépenses militaires dans le monde, alors que les États-Unis en représentent 39  pour cent».

Dans un commentaire prolongé, le musicien vétéran a souligné que les États-Unis, en fait, «essaient de diriger le monde», et «c’est pourquoi ils ont plus de mille bases militaires; c’est pourquoi ils encerclent la Chine; c’est pourquoi ils brandissent le gourdin tous les jours; c’est pour cela qu’ils poussent chaque jour un bâton dans les yeux de cet ours dangereux; c’est pour cela qu’ils ne négocient pas; c’est pour cela qu’ils n’ont pas soutenu les accords de Minsk; c’est pour cela qu’ils essaient d’élargir l’OTAN non seulement jusqu’à la frontière russe mais aussi jusqu’à la mer de Chine méridionale. Ils veulent que la mer de Chine méridionale fasse partie de quelque chose qui s’appelle nominalement l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Mais qu’est-ce que la mer de Chine méridionale a à voir avec l’Atlantique Nord? C’est une question à laquelle j’aimerais également avoir une réponse. Si quelqu’un par hasard connaît la réponse, j’aimerais bien la connaître».

Il n’est pas surprenant que Waters ait été attaqué par les médias bourgeois aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. The Hilla publié lundi 8 août un article dont le titre contient une fausseté évidente: «Waters de Pink Floyd soutient la Russie et traite Biden de criminel de guerre». Quiconque prend la peine d’examiner ce que Waters a dit depuis l’invasion de l’Ukraine par le régime de Poutine en février sait qu’il ne soutient pas les actions russes.

Le Globe and Mail du Canada, publié dans un pays dont l’élite dirigeante est étroitement associée aux éléments fascistes ukrainiens, a rédigé un article tiré de messages Twitter de fans mécontents qui n’apprécient pas la politique de Waters. L’article dit à ses lecteurs que «les fans critiquent Roger Waters et lui disent de s’en tenir à ce qu’il sait faire, alors qu’ils menacent de vendre leurs billets pour sa tournée This is Not a Drill après qu’il a qualifié Joe Biden de “criminel de guerre” à propos de l’Ukraine». Un examen de l’activité de Twitter au sujet de Waters démontre que ceux qui soutiennent ses opinions sont une solide majorité. L’article du Globe and Mail est un classique radotage anticommuniste.

Le journal britannique The Independent en ligne est intervenu, affirmant que Waters subissait un «retour de bâton après avoir traité Biden de “criminel de guerre” à propos de l’Ukraine et déclaré que Taïwan faisait partie de la Chine». Encore une fois, le but de ce genre de désinformation est de provoquer la réaction négative qu’il prétend «rapporter». Il est peu probable que Waters se laisse intimider par ces tactiques stupides et évidentes inspirées par la CIA et le Département d’État.

(Article paru d’abord en anglais le 11 août 2022)

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