L’ardent défenseur du Convoi de la liberté d’extrême droite Pierre Poilievre remporte la direction du Parti conservateur du Canada

Pierre Poilievre, un ardent défenseur du Convoi de la liberté d’extrême droite, a remporté une victoire décisive au premier tour de scrutin dans la course à la direction du Parti conservateur, l’opposition officielle du Canada.

Député conservateur de longue date, Poilievre a fait du Convoi, qui a occupé de façon menaçante la capitale nationale pendant plus de trois semaines l’hiver dernier, et de son appel à mettre fin de façon permanente à toutes les mesures de santé publique anti-COVID, l’enjeu principal de sa campagne.

Cela faisait partie d’un appel calculé à l’extrême droite, notamment aux partisans du Parti populaire du Canada (PPC). Depuis sa fondation en 2018, le fasciste PPC est dirigé par Maxime Bernier, l’ancien collègue de cabinet du Parti conservateur de Poilievre.»

Pierre Poilievre s’exprimant lors d’un événement de la campagne pour la direction du Parti conservateur (Source: Pierre4pm)

Tout au long de la campagne pour la direction, Poilievre a combiné les paroles typiques de l’extrême droite et les dénonciations populistes des «élites» avec des appels – toujours liés à des demandes de réductions d’impôts et de budgets d’austérité – à la colère populaire et à l’anxiété face à la montée en flèche de l’inflation et des taux d’intérêt. Sa posture anti-élite a été facilitée par le fait que la «gauche» officielle, composée des néo-démocrates et des syndicats, a étouffé les luttes ouvrières pendant des décennies et a conclu une alliance gouvernementale avec les libéraux de Trudeau, pro-austérité et pro-guerre.

La victoire de Poilievre était largement anticipée, surtout après que sa campagne ait soumis plus de 300.000 nouvelles adhésions au parti (plus que le nombre total d’adhérents du parti au moment de la dernière course à la direction en 2020). Néanmoins, son ampleur et l’étendue de son soutien au sein de la direction du parti soulignent que les conservateurs du Canada se transforment de plus en plus en une formation politique d’extrême droite. Leur trajectoire s’aligne ainsi sur le Parti républicain américain et le Parti conservateur britannique, les deux partis étrangers avec lesquels les conservateurs canadiens ont traditionnellement les affinités idéologiques et les liens organisationnels les plus étroits.

Lors d’un vote postal des membres, Poilievre est arrivé en tête dans toutes les circonscriptions électorales du Canada, sauf huit. Il a obtenu 68 % des points disponibles dans un système électoral conçu pour donner une représentation un peu plus grande aux régions du pays où les conservateurs ont moins de soutien. Ce système aurait dû favoriser l’ancien premier ministre du Québec et ancien chef du Parti progressiste-conservateur, Jean Charest, mais il n’a finalement obtenu que 16 % des points au premier tour. Deux autres partisans déclarés du Convoi d’extrême droite, la conservatrice sociale Leslyn Lewis et l’émigré russe anticommuniste Roman Baber, ont obtenu respectivement 9,6 et 5 % des voix. Le candidat autoproclamé de l’«unité», le député Scott Aitchison, n’a obtenu que 1 % des voix.

Poilievre a reçu l’appui public de 62 députés, soit plus de la moitié du caucus conservateur, dont Andrew Scheer, ancien chef du parti et éminent conservateur social. Charest n’a obtenu l’appui que de 16 députés et Lewis de 9.

Dans une rupture flagrante avec la tradition politique canadienne, l’ancien premier ministre conservateur Stephen Harper a également exhorté le parti à faire de Poilievre son prochain chef.

Poilievre a lancé sa candidature à la direction du parti en février dernier, quelques jours seulement après qu’Erin O’Toole ait été victime d’une révolte des députés conservateurs pour ne pas avoir accordé un soutien inconditionnel au convoi. Ce faisant, il a démonstrativement associé sa candidature au convoi, dont les organisateurs ont publiquement prôné le remplacement du gouvernement élu du Canada par une junte. Il a ensuite proclamé qu’en tant que premier ministre, il ferait du Canada «le pays le plus libre» de la planète. Poilievre, qui est un fervent admirateur de Margaret Thatcher et de Friedrich Hayek, entend par là qu’il prévoit de «libérer» les grandes entreprises de toute contrainte réglementaire sur les profits et les riches de toute obligation de contribuer au financement des services publics et des mesures sociales minimales pour les personnes âgées, les malades et les démunies.

La campagne de Poilievre a été riche en slogans et très pauvre en politiques concrètes. Il a dénoncé la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et le port du masque comme des atteintes intolérables à la liberté individuelle; il s’est engagé à supprimer le financement du radiodiffuseur public, la CBC (Canadian Broadcasting Corporation), et à abolir la «taxe carbone» fédérale; il a promis de renvoyer le directeur de la Banque du Canada; et il s’est laissé aller aux affirmations insensées de l’extrême droite selon lesquelles le Forum économique mondial vise à imposer un gouvernement mondial «socialiste».

Avant la chute précipitée du bitcoin sur les marchés monétaires mondiaux, Poilievre conseillait aux Canadiens d’acheter des bitcoins afin de «prendre le contrôle de l’argent des banquiers et des politiciens» et de «se soustraire à l’inflation». Désireux de maintenir son association avec le convoi et ses partisans à l’avant-plan, Poilievre a défilé à Ottawa la veille de la fête du Canada aux côtés de l’adjudant James Topp, vétéran de l’armée depuis 28 ans, qui a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir dénoncé la vaccination obligatoire.

Au début de son discours de victoire samedi soir, Poilievre a félicité le conservateur social Lewis pour avoir défendu la «foi» et la «famille», ainsi que Baber pour son opposition à toutes les mesures d’isolement en cas de pandémie, ce qui lui a valu d’être exclu du caucus législatif du gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario de Doug Ford en janvier 2021.

Signalant qu’un gouvernement conservateur Poilievre instituerait une austérité sauvage, le chef conservateur nouvellement élu a poursuivi en dénonçant les dépenses du gouvernement libéral pour être responsables «de l’augmentation du coût de la vie». Il a ignoré l’impact inflationniste des milliers de milliards de dollars que les principales banques centrales du monde ont déversés sur les marchés pour soutenir les investissements des riches et des super-riches, la perturbation des chaînes de production mondiales due à la politique désastreuse de l’élite dirigeante consistant à faire passer les profits avant les vies durant la pandémie, et la guerre avec la Russie provoquée par les États-Unis et l’OTAN au sujet de l’Ukraine.

Les prétentions de Poilievre à être le porte-parole des «petits travailleurs» lésés et ignorés ressemblent à celles de Trump, du premier ministre britannique défroqué Boris Johnson et d’autres adversaires d’extrême droite brutaux de la classe ouvrière, et sont tout aussi frauduleuses.

Poilievre s’insurge contre les «gardiens», mais il a longtemps été un outil de la faction la plus à droite de l’élite patronale canadienne. Il a été élu député conservateur pour la première fois en 2004, à l’âge de 25 ans, et est actif dans la politique de droite depuis son adolescence. Il s’est fait de plus en plus remarquer au fur et à mesure que le gouvernement conservateur de Harper réorientait sa politique vers la droite, notamment en élargissant considérablement le rôle du Canada dans la guerre en Afghanistan, en mettant en œuvre une austérité massive, en relevant l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse, en criminalisant une grève après l’autre et en élargissant considérablement les pouvoirs et la portée de l’appareil de sécurité nationale.

Avant d’être nommé au cabinet conservateur en 2013, il a été le secrétaire parlementaire et le chien d’attaque de Harper. Il a notamment défendu avec véhémence le coup d’État constitutionnel de décembre 2008, au cours duquel le gouvernement a fermé le Parlement de façon antidémocratique pour empêcher l’opposition de le démettre de ses fonctions, et les violations répétées des droits du Parlement pour empêcher la révélation de la complicité du Canada dans la torture en Afghanistan.

Les médias bourgeois ont présenté la course à la direction du Parti conservateur comme un affrontement sur l’orientation future du parti, Charest étant censé représenter une tradition conservatrice plus modérée, voire des «conservateurs rouges». Encouragé par des journaux comme le National Postet le Toronto Sun, Poilievre, pour sa part, a cloué Charest au pilori en le qualifiant de quasi libéral, le dénonçant pour avoir dirigé un gouvernement de droite, pro-fédéraliste, du Parti libéral du Québec, qui a imposé un prix sur les émissions de carbone et augmenté les impôts dans le cadre d’un ensemble de mesures d’austérité.

Le fait que les médias aient pu présenter Charest comme une sorte de progressiste et que Poilievre ait réussi à le taxer de trop modéré montre à quel point l’axe de l’establishment politique canadien s’est déplacé vers la droite au cours des deux dernières décennies.

Charest a un dossier politique de droite sans faille qui remonte à l’époque où il était ministre dans le gouvernement progressiste-conservateur de Mulroney – un bilan beaucoup trop long pour être documenté ici. Son empressement à sabrer les dépenses sociales et à recourir à la violence d’État pour ce faire est illustré par la réponse de son gouvernement à la grève des étudiants québécois de 2012. Charest a centré sa candidature à la direction du Parti conservateur sur des appels à une augmentation massive des dépenses militaires, à la privatisation des soins de santé, à la construction de nouveaux oléoducs et gazoducs et à la suppression des réglementations environnementales.

Il a attaqué Poilievre à plusieurs reprises pour son soutien «dangereux» et «irresponsable» au convoi d’extrême droite. Mais il l’a fait d’un point de vue entièrement de droite, ancré dans la crainte que la cour et la promotion que fait Poilievre des forces d’extrême droite et carrément fascistes déstabilisent la politique de l’establishment, sapent les institutions de l’État capitaliste canadien et provoquent une opposition croissante dans la classe ouvrière.

Charest n’a jamais soulevé le point évident selon lequel Poilievre s’inspire de la stratégie de Donald Trump et courtise les mêmes forces d’extrême droite: des forces que Trump a mobilisées le 6 janvier 2021 comme troupes de choc dans sa tentative ratée d’annuler le résultat de l’élection de 2020 et d’établir une dictature présidentielle. Il a plutôt insisté sur le fait que les conservateurs doivent être «le parti de la loi et de l’ordre». L’ancien premier ministre québécois a souligné que si les conservateurs vont utiliser tous les pouvoirs répressifs de l’État contre les manifestations anti-pipeline et autres, ils ne peuvent pas être vus comme soutenant les camionneurs anti-vaxx lorsqu’ils défient la police pour occuper le centre-ville d’Ottawa pendant des semaines et bloquer les passages frontaliers entre le Canada et les États-Unis.

De même, Charest a dénoncé Poilievre pour avoir demandé le renvoi du gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, en disant que de tels commentaires effraieraient les investisseurs étrangers.

Le Convoi de la liberté a représenté un tournant dans l’effondrement de la démocratie canadienne.

Une partie importante de la classe dirigeante, menée par le Parti conservateur, a attisé et instrumentalisé un mouvement d’extrême droite dans le but de surmonter l’opposition populaire à la suppression de toutes les restrictions de santé publique anti-COVID restantes, de déstabiliser le gouvernement minoritaire de Trudeau, et potentiellement de le forcer à quitter le pouvoir. Le couronnement virtuel de Poilievre en tant que chef des conservateurs, le «gouvernement en attente» de la capitale canadienne, est un nouvel avertissement que la classe dirigeante rompt de plus en plus avec les formes de pouvoir démocratiques-constitutionnelles.

La grande majorité des travailleurs étaient et restent hostiles à l’extrême droite, à son attitude darwiniste sociale de «survie du plus fort» face à la pandémie et à ses autres objectifs anti-démocratiques. Pourtant, pendant plus de trois semaines, le convoi a pu occuper le devant de la scène à Ottawa, faisant fi de toutes les mesures de santé publique et terrorisant les résidents locaux, et dominer la vie politique nationale.

Le soutien des conservateurs et d’une grande partie des médias bourgeois n’y est pas pour rien. Mais le rôle des syndicats et du NPD a été encore plus important. Ils ont maintenu la classe ouvrière muselée et en marge de la politique, puis ont soutenu le gouvernement Trudeau lorsqu’il a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence, jamais utilisée auparavant, pour mettre fin à l’occupation d’Ottawa – créant ainsi un précédent de suspension des droits démocratiques fondamentaux qui peut être et sera utilisé contre la classe ouvrière. Les syndicats et le NPD ont continué à soutenir les libéraux de Trudeau alors qu’ils présidaient à l’élimination de pratiquement toutes les mesures de santé publique COVID-19 restantes par les gouvernements provinciaux, mettant ainsi en pratique le programme de pandémie du Convoi.

Un mois plus tard, l’alliance antiouvrière entre les libéraux, les néo-démocrates et les syndicats a été institutionnalisée sous la forme d’un accord de «confiance et d’approvisionnement». Avec le soutien enthousiaste des syndicats et au nom de la «stabilité politique» – également connue sous le nom de répression de la lutte des classes – le NPD s’est engagé à maintenir le gouvernement libéral minoritaire au pouvoir jusqu’en juin 2025. Le gouvernement libéral utilisera la «stabilité» fournie par le NPD et les syndicats pour mener une guerre impérialiste contre la Russie, augmenter considérablement les dépenses militaires, se tourner vers une austérité «post-pandémique» et imposer aux travailleurs une réduction massive des salaires réels due à l’inflation.

L’opposition de la classe ouvrière est de plus en plus forte, comme l’atteste la vague de grèves qui touche pratiquement tous les secteurs économiques. Mais tant que la classe ouvrière ne se libère pas de l’emprise des syndicats, ne rejette pas l’alliance syndicat-NPD-libéraux et ne se développe pas en tant que force politique indépendante, unissant toutes les luttes des travailleurs dans la lutte pour le pouvoir des travailleurs, la porte sera ouverte pour Poilievre et d’autres forces d’extrême droite pour exploiter la crise sociale croissante dans leur tentative de porter au pouvoir un gouvernement de réaction débridée.

(Article paru en anglais le 12 septembre 2022)

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