Les travailleurs de l'usine Stellantis à Hordain en grève sauvage

Jeudi dernier, les ouvriers de l'usine d'assemblage Stellantis (ex-PSA) sur le site Sevelnord à Hordain, dans le nord de la France ont cessé le travail. Cette grève sauvage a stoppé la production pendant trois jours, avant un redémarrage partiel mardi grâce à l'intervention des bureaucraties syndicales pro-patronat.

Les travailleurs de Stellantis Hordain se sont révoltés contre la détérioration des conditions économiques en France et en Europe et contre le rôle perfide des responsables syndicaux pro-patronat. Les grévistes réclament une augmentation générale des salaires de 400 € pour lutter contre l'inflation, une prime unique de partage des bénéfices de 6 000 €, l'embauche définitive de tous les travailleurs temporaires et une amélioration des conditions de travail.

La grève a débuté jeudi, lorsque les travailleurs d’un atelier ont décidé de débrayer et ont rassemblé 200 travailleurs d'autres ateliers de l'usine pour lancer l'action. Ce qui a déclenché la grève de jeudi, fut l'annonce soudaine par la direction de la nécessité d'effectuer 20 minutes d'heures supplémentaires à la fin de l'équipe.

Dans un premier temps, le débrayage a été mené indépendamment des syndicats. Cependant, lorsqu'elle a eu connaissance de l'action jeudi matin, l’union locale du syndicat stalinien CGT (Confédération générale du travail) de Valenciennes, est intervenue.

Le mouvement s'est étendu à l'usine de boîtes de vitesses Stellantis de Trith-Saint-Léger, à l'extérieur de Valenciennes, et à l'usine de moteurs de Douvrin. Mais ces actions ont rapidement été bloquées par les bureaucraties de la CGT, de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) et de FO (Force ouvrière). Les syndicats ont refusé de soutenir les grèves ou d'appeler d'autres travailleurs de Stellantis à une grève coordonnée entre usines, alors que de multiples actions spontanées avaient déjà commencé.

Cette expérience montre la nécessité pour les travailleurs français de Stellantis de suivre les traces de leurs collègues à l’international et de former leurs propres comités de la base, indépendants des syndicats, comme aux Etats-Unis à l'usine Stellantis de Sterling Heights dans le Michigan.

Tout en se posant cyniquement en défenseur des grévistes, la CGT et d'autres syndicats pro-entreprises ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour isoler et étrangler la grève.

Les syndicats ont travaillé à diviser et à briser la lutte spontanée qui se propageait. Ils ont ordonné aux travailleurs de Trith-Saint-Léger et de Douvrin de reprendre le travail après l'annonce de nouvelles discussions entre les dirigeants syndicaux et la direction de Stellantis le 27 septembre. À Hordain, on a dit aux grévistes de reprendre le travail tout en observant des débrayages partiels de 50 minutes, ce qui, selon la bureaucratie de la CGT, serait suffisant pour « maintenir la pression » sur la direction de Stellantis.

Comme dans les cas précédents, ces pourparlers n'aboutiront à aucune amélioration substantielle des conditions des travailleurs. La CGT a annoncé que la réunion avec la direction comprendrait une discussion sur « des mesures de protection du pouvoir d'achat ». Il s'agit de la même promesse que le syndicat avait faite avant une réunion similaire en juin, mais jusqu'à présent, aucune mesure n'a été prise.

Le syndicat FO a également lancé lundi une action limitée à Trith-Saint-Léger, impliquant environ 80 travailleurs, dans laquelle le syndicat a explicitement refusé d'appeler au soutien des travailleurs des autres usines. Le délégué FO Eric Denaene a affirmé que le syndicat avait « décidé de faire ça tout seul ». La CGT et la CFDT ont cyniquement dénoncé ce qu'elles ont appelé une action de «solitaire », cherchant à diviser les travailleurs et à étrangler le soutien à une action plus large.

La CGT cherche désespérément à brouiller les pistes alors qu'elle s'efforce d'étouffer le mouvement de grève. Bien qu'en tête des efforts visant à forcer les travailleurs à reprendre le travail, le secrétaire général de la CGT pour la région de Valenciennes, Cédric Brun, a déclaré: « Nous sommes en train de coordonner et de lancer des débrayages sur tous les sites ». Il a ensuite affirmé de manière absurde que l'appel à la grève était « un peu compliqué, en raison des licenciements partiels ici et là. »

Démontrant à quel point la bureaucratie syndicale est déconnectée des batailles de plus en plus impossibles que les travailleurs doivent mener contre les bas salaires et l'inflation élevée, Olivier Lefebvre, délégué FO, a déclaré à autoactu.com que « l'inflation [était] sous contrôle en France.'

Stellantis et les syndicats craignent particulièrement une action de la base à l'usine d'Hordain, car elle est cruciale pour la transition de la société vers les véhicules électriques. Actuellement, les véhicules entièrement électriques de la gamme 'K-Zéro' de Stellantis représentent 33 pour cent de la production totale du site; Stellantis a pour objectif de porter ce pourcentage à 100 pour cent dans les années à venir. La ligne K-Zero assemblée à Hordain est actuellement la ligne commerciale la plus rentable de l'entreprise.

La seule façon de s'opposer à la 'rationalisation' de la main-d'œuvre par des licenciements massifs et l'imposition de réductions draconiennes des salaires réels et des conditions de travail est d'organiser les travailleurs indépendamment de la bureaucratie syndicale, dans des comités de la base. La CGT et les autres bureaucraties syndicales s'efforceront de faire passer ces réductions pour le compte de la direction de Stellantis. En effet, c'est ce qu'ils ont fait précédemment à Sevelnord, lorsqu'ils ont aidé Stellantis (alors PSA) à imposer des réductions de salaires et d'autres concessions en 2012.

Alors que sa main-d'œuvre lutte pour survivre face à la flambée des factures alimentaires et énergétiques, Stellantis a enregistré des bénéfices records de 13,4 milliards d'euros en 2021. Au premier semestre 2022, elle a affiché un bénéfice de plus de 8 milliards d'euros, en hausse de 34 pour cent, en passe de battre le record de l'année dernière. Cela, malgré la pénurie actuelle de semi-conducteurs, qui a forcé l'arrêt temporaire de la production d'une autre usine française de Stellantis, à Sochaux, en août.

Autrement dit, contrairement à ce que prétendent les patrons de l'entreprise et ceux des syndicats, il y a plus qu'assez d'argent pour que les travailleurs qui fabriquent les véhicules Stellantis puissent nourrir leurs familles et chauffer leurs logements cet hiver.

Les travailleurs ne peuvent lutter contre l'inflation et l'austérité que sur une base internationale, en construisant des organisations de la base, indépendantes des bureaucraties syndicales. Les salaires sont mangés par une hausse des prix due à deux facteurs essentiels: le sauvetage des super-riches à coup de milliers de milliards de dollars dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine. En France et dans le monde, les gouvernements n'ont pu faire passer ces politiques que grâce à l’acquiescement de syndicats pro-entreprises.

La CFDT, la CGT, FO et leurs partenaires dans toute l'Europe ont approuvé les plans de sauvetage de la zone euro en mai 2020, qui s'élèvent maintenant à des milliers de milliards d'euros. Dans ce cadre, les syndicats ont accepté les demandes des banques de forcer prématurément les travailleurs à reprendre le travail avant que le virus ne soit supprimé, ce qui a conduit à la plupart des près de 2 millions de décès par COVID-19 en Europe. La CGT a de même publié une lettre annonçant son soutien à l'engagement des gouvernements européens dans la guerre en Ukraine, bien qu'elle risque de déclencher une guerre nucléaire.

Les organisations de base sont l'alternative qui peut être construite pour libérer les luttes ouvrières de l'emprise des bureaucraties, lutter pour défendre le niveau de vie et s'opposer à l'escalade militaire. A l'instar des travailleurs de Stellantis à Sterling Heights (Etats-Unis), des travailleurs allemands de Ford qui luttent contre la fermeture de l'usine de Saarlouis, et des travailleurs américains du rail, les travailleurs de Stellantis en France et en Europe peuvent et doivent former leurs comités de la base. Les travailleurs désireux de s'engager dans cette lutte cruciale peuvent contacter le Parti de l'égalité socialiste dès aujourd'hui.

(Article paru en anglais le 22 septembre 2022)

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