États-Unis : le procès des « Oath Keepers » documente le complot de la Maison-Blanche et de cette milice pour annuler l’élection de 2020.

Vendredi dernier s’est terminée la première semaine du procès pour conspiration séditieuse de cinq membres de la milice fasciste Oath Keepers (Gardiens du serment).

Outre le fondateur du groupe, Elmer Stewart Rhodes  III, sont également jugés l’ex-soldat de l’armée de terre Jessica Watkins, l’ex-commandant de la marine Thomas Caldwell, l’ex-soldat de l’armée de terre Kenneth Harrelson et Kelly Meggs, le chef des Oath Keepers en Floride.

Tous les accusés ont plaidé non coupable pour ce chef d’accusation datant du temps de la guerre civile, passible de 20  ans de prison. Les défendeurs sont également accusés de conspiration visant à empêcher la certification de l’élection. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent tous des dizaines d’années de prison.

Les procureurs du ministère de la Justice (DoJ) ont présenté messages texte, enregistrements audio, appels téléphoniques, déclarations d’agents du FBI et témoignages de trois anciens Oath Keepers afin d’établir la preuve que Rhodes et les autres avaient élaboré le plan de se rendre à Washington et y commettre des actes de violence. L’objectif étant d’empêcher la certification de l’élection présidentielle de 2020 par le Congrès et de maintenir Donald Trump au pouvoir.

À gauche: Stewart Rhodes, fondateur de la milice d’extrême droite Oath Keepers; à droite: Roger Stone à Washington D.C. [AP Photo/Susan Walsh/Manuel Balce Ceneta]. [AP Photo/Susan Walsh/Manuel Balce Ceneta]

Chaque jour du procès, les procureurs ont mis en évidence les communications entre Rhodes et Roger Stone, ami politique de longue date de Trump et membre honoraire de la milice d’extrême droite Proud Boys (‘Garçons fiers’).

Aux premiers jours du procès, les procureurs ont interrogé l’agent du FBI Michael Palian. Palian a témoigné sur les messages texte que Rhodes avait envoyés au groupe de discussion crypté «Friends of Stone » (Les amis de Stone – FOS) le 7  novembre 2020, le jour où Joe Biden a été déclaré vainqueur par les principaux médias. Dans ces messages, Rhodes demandait au groupe: «Quel est le plan? Nous devons nous lancer».

Rhodes, un ancien parachutiste de l’armée, membre du personnel du Congrès pour l’ancien représentant républicain Ron Paul et avocat diplômé de Yale, a ajouté: «Je suis en route pour [Washington D.C.] maintenant, avec mes chefs tactiques des Oath Keepers pour une éventuelle [opération] à DC pour faire une reconnaissance avec les chefs et faire des plans. Je suis disponible pour une rencontre face à face».

Le groupe de discussion Friends of Stone est dirigé par Roger Stone qui, comme Trump, n’a toujours été inculpé d’aucun crime plus de 21  mois après l’attaque lancée le 6  janvier 2021 contre le Capitole.

Les procureurs ont déclaré que dans le ‘chat’ du groupe, Rhodes avait présenté un plan d’action «étape par étape» basé sur une vidéo produite par Aleksandar Savić, un universitaire de droite. Dans la vidéo, Savić compare l’élection américaine de 2020 à l’élection de 2000 en Serbie, et dit: «Quand ils déclarent leur fausse victoire, vous devez commencer une désobéissance civile massive».

Savić a toutefois déclaré que cela n’était pas suffisant et que les partisans de Trump devaient avoir «l’énergie» nécessaire pour «aller plus loin».

«Oui, je vous appelle à la violence, si c’est le seul moyen. Qui s’en soucie? Oui, je le fais. Voilà: tabou brisé».

Après avoir présenté un plan au groupe FOS qui reprenait le plan proposé par Savić, Rhodes a écrit: «Alors, allez-vous vous lever et pousser Trump à prendre ENFIN une action décisive»?

Les procureurs ont présenté un enregistrement audio d’une réunion en ligne des Oath Keepers tenue le 9  novembre 2020, deux jours après que Rhodes eut envoyé un texto sur «le plan» au groupe FOS. Cette réunion comprenait plus de 100  membres du groupe, dont des leaders tels que Rhodes et Meggs.

La discussion fut enregistrée par le chef du chapitre Oath Keepers de Virginie occidentale, Abdullah Rashid, un vétéran du corps des Marines. Rashid a déclaré au procès qu’il avait commencé à enregistrer la réunion parce que ce qu’il entendait Rhodes dire lui donnait l’impression que «nous allions entrer en guerre contre le gouvernement des États-Unis».

Rashid a déclaré que Rhodes décrivait un plan «pour renverser le gouvernement américain et commencer à tirer sur tout le monde et à tabasser Antifa et [Black Lives Matter]. C’est ce que j’ai compris».

Il a dit qu’il avait continué à assister aux réunions des Oath Keepers tout le mois de novembre 2020, et qu’à chaque réunion, la rhétorique violente devenait plus extrême. «Ça avait l’air horrible. Je n’ai pas aimé ce à quoi j’avais adhéré», a déclaré Rashid, selon CNN.

Après la réunion virtuelle du 9  novembre, Rashid a décidé de quitter les Oath Keepers. Inquiet que Rhodes et d’autres planifient des violences à Washington, Rashid a écrit un courriel à la police du Capitole en novembre 2020, décrivant Rhodes comme «un foutu cinglé».

Rashid a déclaré que n’ayant pas reçu de réponse de la police du Capitole, il avait envoyé un enregistrement complet de la réunion du 9  novembre à la ligne d’information du FBI le 25  novembre 2020. Il a encore déclaré, ce que l’agent Palian du FBI a confirmé, que l’agence n’avait cherché à l’interroger que deux mois après l’attaque du 6  janvier 2021, après qu’il eut de nouveau envoyé l’enregistrement au FBI.

Dans son témoignage de la semaine dernière, Michael Adams, ancien coordinateur du chapitre Oath Keepers de Floride et organisateur de la réunion du 9  novembre, a déclaré qu’il avait lui aussi perdu ses illusions à l’approche de la certification du 6  janvier. Il a dit qu’il avait décidé de quitter le groupe après que Rhodes eut publié deux lettres publiques en décembre 2020 appelant Trump à invoquer la Loi sur l’insurrection et à fédéraliser les Oath Keepers comme sa milice personnelle pour superviser la «réorganisation» de l’élection de 2020.

Trump avait déjà menacé d’invoquer la Loi sur l’insurrection en juin 2020 lors de manifestations massives contre les violences policières. Depuis le meurtre de Michael Brown par la police à Ferguson (Missouri) en 2014, les Oath Keepers travaillent main dans la main avec les services de police locaux à partir desquels ils recrutent massivement, pour terroriser les manifestants pacifiques contre les violences policières.

Jeudi, un témoignage important a mis en évidence les liens étroits entre la Maison-Blanche de Trump et cette milice. Un autre Oath Keeper devenu témoin du gouvernement, John Zimmerman, a déclaré que Rhodes lui avait dit avoir le numéro de téléphone d’un agent des services secrets a qui il avait déjà parlé au sujet d’un rassemblement de Trump en septembre 2020, dont les Oath Keepers avaient assuré la «sécurité».

Zimmerman a également témoigné que les Oath Keepers avaient déjà utilisé des «QRF» (forces de réaction rapide) lors de rassemblements pro-Trump organisés à Washington en novembre et décembre 2020. On ignore quelle coordination les QRF avaient avec les services secrets.

Zimmerman, ancien chef du chapitre Oath Keepers de Caroline du Nord et vétéran de l’armée américaine, a déclaré que la QRF au «Million MAGA March» du 14  novembre avait un stock d’au moins une douzaine de fusils et plusieurs armes de poing dans une camionnette garée au cimetière national d’Arlington.

Réfutant le mensonge promu par les politiciens alignés sur Trump et les éléments complaisants de la classe moyenne, que le 6  janvier était simplement une manifestation qui avait «dégénéré», les procureurs ont mis l’accent sur le rôle de l’ancien commandant de la marine Thomas Caldwell dans la vaste planification de l’attaque.

Ils ont présenté des photos que Caldwell aurait prises lors de «voyages de reconnaissance» à Washington entre l’élection de novembre 2020 et le 6  janvier 2021. Ils affirment qu’il a fourni aux dirigeants des Oath Keepers des cartes de la ville et des itinéraires possibles pour que les QRF se déploient à Washington. Ils l’accusent d’avoir offert sa maison en Virginie comme base d’opérations et suggéré que les QRF utilisent des bateaux pour transporter des armes à travers le fleuve Potomac vers la capitale.

Les procureurs affirment encore que dans un message publié sur Facebook le 6  janvier après l’échec de la tentative de coup d’État, Caldwell avait écrit: «Si nous avions eu des armes, je garantis que nous aurions tué 100  politiciens. Ils se sont enfuis et ont été emmenés dans leurs tunnels souterrains comme les rats qu’ils étaient.»

Certains membres Oath Keepers se sont séparés du groupe à l’approche du 6  janvier. D’autres membres de haut niveau sont restés, comme Rhodes et l’ancienne conseillère principale de la milice Kellye SoRelle, et ont continué à s’organiser pour faire avancer le projet de coup d’État de Trump par le biais du groupe de discussion FOS. Outre des personnalités des médias et des agents républicains droitiers, le groupe comptait parmi ses membres l’ancien président des Proud Boys, Henry «Enrique» Tarrio.

Tarrio, comme Rhodes, a été accusé de conspiration séditieuse pour son rôle dans le coup d’État manqué de Trump. Le procès de Tarrio, un informateur avéré du FBI, et de quatre autres membres de haut niveau des Proud Boys – Ethan Nordean, Joseph Biggs, Zachary Rehl et Dominic Pezzola – doit commencer en décembre.

Jeudi dernier, Jeremy Joseph Bertino, 43  ans, est devenu le premier membre des Proud Boys à plaider coupable de conspiration séditieuse. L’ancien Proud Boy de Caroline du Nord et haut lieutenant de Tarrio a accepté de témoigner contre ses anciens camarades dans l’espoir d’obtenir une réduction de peine.

Un des Proud Boys, le fasciste Jeremy Bertino portant un écusson RWDS (Right-Wing Death Squad –Escadron de la mort d’extrême-droite) à un rassemblement Trump à Raleigh, en Caroline du Nord, en novembre 2020. [Photo par Anthony Crider / CC BY 2.0] [Photo by Anthony Crider / CC BY 2.0]

Bertino a participé à plusieurs rassemblements du « Million MAGA March » (Make America Great Again – Rendez à l’Amérique sa grandeur) de Trump en novembre et décembre 2020. Lors de la marche de décembre à Washington, Bertino fut blessé au couteau, ce qui l’a empêché de participer activement à l’assaut du Capitole le 6  janvier.

Cependant, dans son accord de plaidoyer, il a déclaré qu’il avait continué à «participer à des séances de planification alors qu’il se remettait de ses blessures», selon un communiqué de presse du DoJ.

«Au moins dès le 4  janvier 2021, il a reçu des messages de chat cryptés indiquant que des membres de la direction du MOSD discutaient de la possibilité de prendre d’assaut le Capitole», a déclaré le DoJ.

Bertino faisait partie du groupe ‘chat’ crypté «MOSD» (Ministry of Self-Defense) des Proud Boys réservé aux membres dirigeants. Pendant l’attaque du Capitole, Bertino a écrit dans ce chat que ceux présents au Capitole devaient «former une lance» pour pénétrer dans le bâtiment.

Après l’attaque du Capitole, qui a fait des centaines de blessés et plusieurs morts, Bertino a envoyé un message à Tarrio, disant «Tu sais que c’est grâce à nous» et «1776 p*tain de m*rde».

Bertino a déjà témoigné devant la commission spéciale de la Chambre pour le 6  janvier. Lors d’une audience publique, la commission a diffusé un bref enregistrement de ce témoignage où Bertino déclarait que les adhésions aux Proud Boys avaient augmenté «de manière exponentielle... probablement triplé», après que Trump eut ordonné au groupe de «rester en arrière et de se tenir prêt» lors de son débat de septembre 2020 avec Biden.

(Article paru d’abord en anglais le 10  octobre 2022)

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