Les autorités ougandaises imposent un confinement dans deux districts pour contrôler la propagation de l’épidémie d’Ebola

Près d’un mois après le début de l’épidémie d’Ebola en Ouganda, le président Yoweri Museveni a, après avoir minimisé la crise, placé deux districts du centre du pays, Mubende et le district voisin de Kassanda, sous confinement pour trois semaines. Il avait déclaré ne vouloir prendre aucune mesure de ce type.

Le président ougandais Yoweri Museveni passe en revue la garde d’honneur, à Kololo, en Ouganda, le dimanche  9  octobre 2022. [AP Photo/Hajarah Nalwadda] [AP Photo/Hajarah Nalwadda]

Dans une allocution télévisée, Museveni a déclaré: «Il s’agit de mesures temporaires pour contrôler la propagation d’Ebola. Nous devrions tous coopérer avec les autorités, afin de mettre un terme à cette épidémie dans les plus brefs délais.»

Cette volte-face semble être le résultat de la mort récente d’un homme de 45  ans ayant fui son village de Mubende après le décès d’un parent. Il avait cherché de l’aide auprès d’un guérisseur traditionnel près de Kampala. Son état s’était aggravé et il s’était fait soigner à l’hôpital national Kiruddu, dans la capitale, avant de succomber à la maladie, le 7  octobre. Les autorités sanitaires ont retrouvé 42  personnes avec qui il était entré en contact et les ont placées en quarantaine.

Malheureusement, l’épouse du défunt a testé positif au virus Ebola peu après avoir accouché dans un dispensaire de Kampala. La situation du nouveau-né reste inconnue. Malgré ces développements très inquiétants, la ministre de la Santé, Jane Ruth Aceng, a déclaré au public que la capitale restait «exempte d’Ebola» parce que le couple avait été infecté à Mubende.

Elle a déclaré jeudi aux journalistes: «Je tiens à affirmer très clairement que cela ne signifie pas que Kampala a Ebola. Les cas déjà répertoriés à Mubende restent des cas de Mubende. À moins que Kampala ne génère ses propres cas commençant à Kampala, nous ne pouvons pas appeler cela un cas de Kampala». Elle a ajouté que les soignants s’étant occupés de la mère contaminée restent sous observation médicale et en isolement à l’hôpital principal de la capitale.

Le confinement signifie que personne ne peut entrer ou sortir de ces deux districts, sauf les véhicules de fret transitant de Kampala vers le sud de l’Ouganda. Tous les restaurants et bars de ces districts ont reçu l’ordre de fermer et un couvre-feu nocturne a été imposé. Il n’y aura pas de rassemblements dans les lieux de culte pendant le confinement. La police a également reçu l’ordre d’arrêter quiconque est soupçonné d’être infecté et refuse de s’isoler. On a interdit aux guérisseurs traditionnels de traiter les cas, et les responsables de la santé doivent superviser tous les enterrements.

Lors de son point de presse du 12  octobre, consacré à l’examen des diverses épidémies émergentes dans le monde, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré qu’il y avait au moins 54  cas confirmés et 20  cas probables d’Ebola, dont 39  décès et 14  personnes qui se sont rétablies depuis. Dix agents de santé ont été infectés, dont quatre sont décédés.

Capture d’écran d’une présentation PowerPoint destinée aux cliniciens sur l’épidémie d’Ebola en Ouganda. [Photo: Drs. Trevor Shoemaker and Mary Choi, CDC]

Ce week-end, les centres africains de contrôle et prévention des maladies (CDC) ont déclaré avoir recensé 1.100  contacts de malades connus atteints d’Ebola. Jusqu’à présent, l’épidémie d’«ebolavirus soudanais» a touché cinq districts du centre et de l’ouest de l’Ouganda – Bunyangabu, Kagadi, Kassanda, Kyegegwa et Mubende. Mais les frontières du pays restent très poreuses. La capitale et ses quartiers périphériques tentaculaires abritent plus de 6,5  millions de personnes. Des vols directs relient l’aéroport à l’Europe via Amsterdam et Bruxelles et aux centres régionaux comme Addis-Abeba et Doha.

Selon la Société américaine des maladies infectieuses» (IDSA), les autorités ougandaises n’ont pas encore instauré de contrôle à la sortie de l’aéroport international d’Entebbe. Une information toutefois contredite par les CDC américains, lors de leur appel du 12  octobre sur les activités de communication et de sensibilisation des cliniciens, qui ont indiqué qu’on effectuait des contrôles à la sortie des passagers.

Les autorités sanitaires craignent que le virus ne se propage depuis début août sans être détecté et qu’il menace de s’installer dans la capitale et de se propager potentiellement à d’autres pays africains, et à d’autres continents. On avait ainsi signalé fin septembre des cas suspects au Kenya et au Sud-Soudan. Le ministre de la Santé du Kenya avait ensuite affirmé que «les tests de laboratoire effectués sur les échantillons prélevés sur le patient se sont depuis révélés négatifs et on n’a donc pas besoin de s’alarmer.»

S’adressant à Scientific American, le Dr Kyobe Henry Bbosa, responsable pour Ebola au ministère ougandais de la Santé, a déclaré: «Cette épidémie particulière est très probablement un saut d’espèce à partir de la faune sauvage. Nous n’avons aucune preuve de l’existence de cette souche du virus Ebola dans un passé récent pour soupçonner qu’elle provient d’une autre épidémie. La dernière épidémie d’Ebolavirus au Soudan… remonte à plus de dix ans, et nous pensons qu’il est très peu probable qu’il s’agisse d’un saut d’espèce venu de là. Nous pensons que c’est un nouveau saut d’espèce de la nature à la population humaine, où il circule actuellement».

Il a ajouté: «En ce qui concerne la répartition géographique, l’épicentre principal de l’épidémie est le district de Mubende, proche du centre de l’Ouganda. Mais à l’intérieur de ce district, nous avons cinq sous-comtés [où les cas sont principalement apparus]. Nous parlons donc d’un rayon de 70  kilomètres de bout en bout. Pour les clusters au sein des sous-comtés, la distance peut atteindre 30  km. L’étendue de la réponse concerne l’ensemble du pays. Nous espérons l’étendre aux 11  districts qui entourent celui de l’épicentre».

La semaine dernière, le gouvernement Biden a annoncé que tous les passagers en provenance d’Ouganda seraient redirigés vers certains aéroports et soumis à des contrôles. Mais le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC) a indiqué lui, que «le dépistage des voyageurs qui revenant d’Ouganda n’était pas une mesure de contrôle efficace», ajoutant que de telles mesures sont «coûteuses en temps et en ressources et ne permettront pas d’identifier les cas effectifs d’infection».

Le cas récent d’un Israélien tombé malade après son retour d’Ouganda a fait frémir la communauté internationale, mais a renforcé la validité des inquiétudes soulevées par l’ECDC. Le premier test d’Ebola pratiqué sur la personne en question s’est révélé négatif, mais il reste en quarantaine au centre médical Sheba.

La semaine dernière, l’OMS a envoyé une équipe de spécialistes dirigée par le Dr Mike Ryan, directeur exécutif, pour aider les efforts de réponse. Le financement reste un problème crucial. L’agence a débloqué 2  millions de dollars de fonds d’urgence, et des organisations comme Médecins sans frontières et le Comité international de secours ont envoyé fournitures et experts supplémentaires. Mais cela est loin d’être suffisant pour répondre à l’appel lancé par l’Ouganda pour la maigre somme de 18 millions de dollars en soutien aux efforts d’endiguement.

Lors du point de presse de l’OMS, le Dr. Ryan a déclaré: «Nous avons besoin d’un soutien international plus important pour le gouvernement ici et les gouvernements environnants en termes de préparation. Nous devons activer davantage le système de surveillance au niveau local. Nous avons besoin de plus d’alertes. Il faut plus d’engagement communautaire. Il faut améliorer la prévention et le contrôle des infections dans les établissements de santé privés et publics. Nous devons faire les tests nécessaires pour les médicaments et les vaccins, ce qui est déjà planifié et en cours pour certains antiviraux et monoclonaux».

Il a ajouté: «Ebola apporte des surprises, les maladies infectieuses apportent des surprises, et elle [Aceng] et son équipe ne sous-estiment en aucun cas le défi que représente cette épidémie. Je suis donc convaincu qu’on a pris les bonnes mesures, mais nous devons intensifier nos efforts. Nous avons besoin de plus de soutien pour cette intensification et, encore une fois, il est rassurant de voir les pays de la région s’unir. Il est également important que les pays, lorsqu’ils sont transparents et s’engagent, ne soient pas punis pour cela».

Bien que le Dr Ryan ait formulé ses commentaires avec soin, il est malheureusement évident que l’épidémie ougandaise est le début d’une crise potentiellement plus importante. Mais le capitalisme mondial, déchiré par des tensions géopolitiques sans précédent depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, n’a aucune réponse.

Au moins neuf pays africains uniront leurs efforts à ceux de l’OMS pour aider à contenir l’épidémie croissante, car elle menace tous les territoires régionaux dû au vaste réseau de liaisons commerciales et culturelles. Notamment avec le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et le Kenya, qui contribueront à renforcer la surveillance de la maladie et à former des intervenants d’urgence.

Fondamentalement, la lutte contre Ebola, comme celle contre le COVID-19, la variole du singe, le choléra et toutes les autres maladies contagieuses qui affligent et menacent l’humanité aujourd’hui, nécessite la réorganisation socialiste de l’économie mondiale. Les milliers de milliards de dollars que le capitalisme gaspille chaque année pour la guerre et les sommes colossales qu’il transvase dans les coffres des super-riches doivent être réaffectés pour satisfaire les besoins de l’humanité; entre autre pour éliminer et éradiquer les maladies contagieuses, arrêter le réchauffement climatique et augmenter le niveau de vie de la classe ouvrière internationale.

(Article paru d’abord en anglais le 18  octobre 2022)

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