L’ex-Premier ministre Édouard Philippe témoin assisté dans l’enquête sur le Covid-19

La justice française soulève la question: la gestion du Covid relève-t-elle du crime d’État?

L'ancien Premier ministre français Édouard Philippe a été entendu le 18 octobre par la Cour de justice de la République (CJR), la juridiction qui juge les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Après la mise en examen de son ex-ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 10 septembre 2021, dans le même dossier, la gestion de la pandémie de Covid-19, Philippe a reçu le statut de témoin assisté.

La CJR confirme par ces décisions qu’il existe des indices indiquant que la gestion de la pandémie par le gouvernement Philippe relèverait du crime d’État. En effet, le témoin assisté est une personne mise en cause dans une affaire pénale contre lequel il existe des indices faisant croire à sa culpabilité lors de l'infraction. Philippe est témoin assisté sur les infractions de «mise en danger de la vie d'autrui» et d’«abstention volontaire de combattre un sinistre».

Des milliers de particuliers, de médecins et d'associations ont porté plainte contre des membres du gouvernement, pour leur rôle dans la pandémie, qui a fait plus de 156.000 morts en France et presque 2 millions à travers l’Europe à ce jour.

La CJR a donc ouvert une enquête en juillet 2020 sur les deux chefs d’accusation visant Philippe. L’enquête vise plusieurs ministres: Philippe, Buzyn, son successeur au ministère de la Santé, Olivier Véran, ainsi que la porte-parole du gouvernement Philippe, Sibeth Ndiaye. Quant à Macron, dont responsabilité dans l’imposition de la politique de «vivre avec le virus» est écrasante, il jouit en tant que président d’une immunité légale.

La CJR a ordonné des perquisitions, qui se sont déroulées en octobre 2020 chez Philippe, Véran, Buzyn et Ndiaye, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon et la directrice de Santé Publique France, Geneviève Chêne. Parmi les faits reprochés à Philippe figurent:
*la diminution drastique des stocks de masques avant la pandémie;
*l'absence de recommandation de port du masque au début de la pandémie;
*le maintien des élections municipales en mars 2020;
*la non-activation en temps utile de la cellule interministérielle de crise (CIC);
*la non-mise en œuvre des mesures prévues dans les plans de lutte contre les pandémies.

Philippe a tardé à activer la CIC, alors même qu’il avait signé, moins d’un an auparavant, une circulaire imposant d’améliorer «l’action gouvernementale en matière de gestion des crises». Ce document appelait à activer la CIC «suffisamment en amont, dès lors que l’extension de la crise à plusieurs secteurs est envisagée». Malgré les alertes venues de Chine dès décembre 2019 et les premiers cas en France en janvier 2020, la CIC n’a été activée que le 17 mars, au début du premier confinement.

La décision incohérente de la CJR de mettre Buzyn en examen mais pas Philippe soulève d’emblée les questions les plus sérieuses sur la procédure. Elle suggère que la CJR tenterait de se concentrer sur Buzyn afin de laver les principaux responsables, Philippe et Macron.

L'avocat de l'association CoeurVide19, une association de victimes du Covid-19, Me Yassine Bouzrou a dit: «on ne comprend pas cette décision, car il est évident que les actions de Mme Agnès Buzyn … n'ont pas pu être faites sans l'accord du chef du gouvernement.» L’avocat a ajouté: «Je vous rappelle que la justice classique, suite à des plaintes déposées, ne fait absolument rien.»

Buzyn, mise en examen le 10 septembre 2021 a déjà enchaîné une vingtaine d’auditions et tente à présent de se défendre dans la presse.

Cette semaine, Le Monde a publié un long article, «Covid-19: les vérités d’Agnès Buzyn sur la gestion de la pandémie» qui tente de réhabiliter Buzyn en s’appuyant sur la documentation qu’elle a réunie pour se dédouaner. Des informations à couper le souffle sont traitées en quelques mots, comme le fait que «De peur des fuites [sur la pandémie], elle tient à lui livrer ses inquiétudes [à Macron] en privé, hors du conseil des ministres.» Selon Médiapart, jusqu’à son départ du ministère, Buzyn n’a lancé aucune alerte en Conseil des ministres.

La défense de Buzyn n’a aucune crédibilité. Elle est présentée par ses défenseurs comme une personnalité médicale pas assez politique ni écoutée. En réalité, elle a été nommée par Macron au ministère de la santé en mai 2017 du fait de ses nombreuses connexions dans la classe dirigeante. Elle a occupé tout une série de postes dans l’administration de la santé, avant d’être nommée fin 2015, sous Hollande, à la Haute Autorité de santé.

Avant tout, cependant, l’inaction de Buzyn soulève directement la responsabilité de Macron et de Philippe. Buzyn n’a rien fait parce qu’elle pensait à juste titre qu’ils ne se souciaient pas de la santé des Français. Elle est à présent devant la CJR non pas à l’initiative de Macron ou de Philippe, mais à l’initiative des parties civiles.

Les résultats de l’enquête de la CJR, qui met en cause tous les hauts responsables français, révèle que le discours officiel sur le Covid est un tissu de mensonges. Depuis la fin du premier confinement, les médias et l’élite dirigeante dénoncent les mesures de santé publique prises pour stopper la première vague du virus. L’ensemble de l’establishment politique favorise un narratif faux, selon lequel le danger posé par la pandémie serait les tentatives des scientifiques d’y mettre fin.

Le NPA d’Olivier Besancenot ou LO de Nathalie Arthaud ont mêlé leurs voix à celles des libertaires et à l’extrême droite, hostiles à toute politique pour éliminer le virus. Un consensus en faveur de politique de «vivre avec le virus» a dominé dans les médias capitalistes et les partis bourgeois et petit-bourgeois.

Or, le danger venait de l’inaction de l’Union européenne, décidée à minimiser leur dépenses sociales et d’enrichir l’aristocratie financière au dépens de la santé publique. Lors du premier confinement strict, imposé en France en mars 2020 face à une vague de grèves en Italie et à travers l’Europe et qui a presque éliminé la circulation du virus, Macron n’a accordé que des aides de misère aux masses. Suite au premier déconfinement, il a participé à l’élaboration d’un plan de relance qui accordait des milliers de milliards d’euros aux banques.

L’UE a menée cette politique, qui a nourri l’inflation et tout en enrichissant les milliardaires français et européens, au dépens de millions de vies et de la santé des travailleurs. En effet, Macron n’a fait aucun effort pour que le déconfinement en mai 2020 soit suivi par une tentative sérieuse de tracer les contacts et éliminer le virus, comme en Chine. Le BMJ (anciennement British Medical Journal) a cité le grand marxiste Friedrich Engels pour dire que c’était une politique de «meurtre social.»

La justice française confirme à présent que des indices existent bel et bien dans la documentation officielle que cette politique était un crime d’État dans le sens pénal du terme.

Ceci donne raison au WSWS, qui a publié de milliers d’articles sur le Covid, alertant la classe ouvrière internationale sur la catastrophe et préconisant des politiques scientifiques pour éliminer le virus. Le WSWS et le Comité international de la IVe Internationale (CIQI) ont expliqué que la pandémie n’était pas une crise simplement médicale, mais politique. L’inaction officielle est la continuation des politiques européennes d’austérité et de guerre, liées à une profonde crise du capitalisme mondial.

Dans ce sens, il est nécessaire d’émettre les mises en garde les plus sérieuses sur l’enquête de la CJR. La classe ouvrière a déjà une expérience amère du fait que de telles enquêtes, réalisées dans le cadre politique de l’État capitaliste, finissent par laver les principaux coupables.

En effet, la CJR avait été créée à la suite du terrible scandale sanitaire du sang contaminé et du rôle du gouvernement PS de Mitterrand dans la contamination des hémophiles en France par le virus du sida en 1982-1985. Malgré les condamnations des responsables sanitaires au courant des années 1990, la CJR a lavé tous les responsables politiques du PS en 2003. La décision de ne pas mettre Philippe en examen présage une nouvelle tentative de couvrir la culpabilité au plus hauts sommets de l’État.

La classe ouvrière doit prendre les choses en main et mener sa propre lutte contre Macron et contre le Covid. Malgré des actions courageuses contre l’infection sur les lieux de travail ou dans les écoles, beaucoup de travailleurs restent coupés d’une compréhension scientifique du virus. Afin d’éduquer la classe ouvrière et de contrer les mensonges des États et des médias, le CIQI a lancé, le 20 novembre 2021, l’Enquête ouvrière mondiale sur la pandémie de COVID-19.

Le WSWS encourage les travailleurs et les scientifiques à contribuer et à participer à l’Enquête ouvrière mondiale afin de démasquer les véritables responsables de l’hécatombe.

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