Les Nations unies mettent en garde contre les risques importants qui pèsent sur la sécurité alimentaire dans le monde, tandis que la flambée des prix des denrées alimentaires exerce une pression, en particulier sur les pays pauvres, pour sécuriser les approvisionnements alimentaires. Des centaines de millions de personnes font face à la faim dans le monde, la flambée des prix des aliments et des engrais devant atteindre des niveaux record en 2022.
Le rapport «Perspectives de l’alimentation de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture» (FAO) publié vendredi estime que la facture mondiale des importations alimentaires, c’est-à-dire ce que les pays dépensent pour acheter des denrées alimentaires comme les céréales, les oléagineux, le sucre, la viande, les produits laitiers et le poisson, atteindra le chiffre record de 1.940 milliards de dollars en 2022, une hausse de 10 pour cent par rapport à l’année dernière.
Cette nouvelle prévision, qui marque un record historique, est due à la dépréciation des valeurs des devises par rapport au dollar américain, la principale monnaie d’échange sur les marchés internationaux, ainsi qu’à la guerre par procuration menée par les États-Unis et l’OTAN en Ukraine.
Le rapport cite également la variabilité du climat et les tensions géopolitiques comme les principaux facteurs qui contribuent aux préoccupations en matière de sécurité alimentaire. «Il est inquiétant de constater que de nombreux pays économiquement vulnérables paient davantage tout en recevant moins de nourriture», indique la FAO dans son rapport.
Bien qu’elle ne soit pas spécifiquement mentionnée dans le rapport de l’ONU, la réponse criminelle des gouvernements à la pandémie de COVID-19 – alimentant l’inflation et les crises monétaires et dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire – est un facteur majeur qui a exacerbé la crise alimentaire et la pauvreté et la faim qui l’accompagnent.
La facture mondiale des importations d’intrants agricoles devrait atteindre un nouveau record de 424 milliards de dollars en 2022. Cela représenterait une augmentation de 48 pour cent des coûts par rapport à 2021, dont 86 pour cent seraient dus à la hausse des prix de l’énergie et des engrais.
La guerre en Ukraine a touché le plus durement les pays les plus pauvres du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Ces pays sont extrêmement dépendants des importations et la dépréciation de leur monnaie par rapport au dollar les a encore affaiblis.
Avant la guerre, la Russie et l’Ukraine représentaient 30 pour cent du commerce mondial du blé et 78 pour cent des exportations d’huile de tournesol. La guerre en Ukraine a entraîné d’importantes perturbations pour les céréales et les engrais de la mer Noire, les cultures et les exportations ayant été gravement atteintes. Et la situation est aggravée par la pression exercée sur le transport maritime dans la région. Le commerce mondial du blé devrait baisser de 1 pour cent en glissement annuel en raison du manque d’exportations de la région.
Toutefois, la production mondiale de blé devrait atteindre un niveau record de 784 millions de tonnes au cours de l’année à venir, notamment grâce à d’importantes reprises de récolte au Canada et en Russie, portant les stocks mondiaux de blé à des niveaux record. Ces accumulations sont cependant principalement attendues en Chine et en Russie, tandis que les stocks devraient diminuer de 8 pour cent dans le reste du monde.
Les pays les plus pauvres seront les plus durement touchés par l’augmentation des coûts des importations agricoles, car ils appliqueront moins d’engrais, ce qui réduira encore la productivité et la production totale de denrées alimentaires. Selon la FAO, «les prix mondiaux élevés des engrais devraient se prolonger jusqu’en 2023, ce qui aura des répercussions négatives sur la production agricole mondiale et l’insécurité alimentaire».
Les pays à revenu élevé et à revenu moyen supérieur devraient représenter 85 pour cent des dépenses mondiales en aliments importés, principalement en raison des coûts. Les pays à haut revenu continuent d’importer toute la gamme des produits alimentaires, tandis que les pays dits en développement sont contraints de se concentrer de plus en plus sur les achats de denrées de base.
Même si les coûts globaux des importations alimentaires pour les pays à faible revenu resteront largement inchangés, les importations alimentaires devraient diminuer de 10 pour cent en volume, ce qui rendra de plus en plus difficile pour ces pays de financer le coût des denrées alimentaires, faisant planer le danger d’une aggravation alarmante de l’insécurité alimentaire.
Par exemple, alors que l’Afrique subsaharienne, déjà durement touchée par la malnutrition, dépensera environ 4,8 milliards de dollars de plus en importations alimentaires en 2022, la région connaîtra une baisse des volumes de denrées importées d’une valeur de 0,7 milliard de dollars. Les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires devraient faire face à des coûts supplémentaires de 21,7 milliards de dollars pour seulement 4 milliards de dollars supplémentaires de produits alimentaires importés.
La crise climatique affecte directement la production et les prix des denrées alimentaires. Les récentes vagues de chaleur dévastatrices en Europe ont gravement entravé la production de céréales, les sécheresses qui ont suivi ayant entraîné une baisse de la production de maïs au niveau le plus bas depuis 15 ans.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement américain de Biden s’est engagé à livrer des dizaines de milliards de mètres cubes de gaz national à l’Europe, ce qui entraînera une augmentation correspondante des émissions de gaz à effet de serre et aggravera davantage la crise climatique et la crise agricole du continent.
Les inondations catastrophiques qui ont commencé au Pakistan en juin sont une expression horrible de la crise climatique, car l’eau qui provient de la fonte des glaciers dans l’Himalaya, associée à des pluies exceptionnellement fortes, a tué au moins 1.700 personnes, en a blessé des milliers d’autres et a déplacé au moins 33 millions de personnes.
Au Pakistan, plus de 3,4 millions d’enfants souffrent de faim chronique. Selon «Save the Children», on estime que 760.000 enfants qui vivent dans les régions du pays ravagées par les inondations souffrent de graves pénuries alimentaires et risquent de souffrir de malnutrition sévère. Depuis les inondations, le nombre de personnes qui souffrent de la faim a augmenté de 45 pour cent, passant de 5,96 millions avant les inondations à 8,62 millions aujourd’hui, entraînant une situation d’insécurité alimentaire d’urgence.
(Article paru en anglais le 12 novembre 2022)