La présidente d’un syndicat étudiant britannique limogée, faussement accusée d’antisémitisme – Non à la chasse aux sorcières!

La décision du syndicat étudiant britannique NUS (Union nationale des étudiants) de limoger la présidente élue Shaima Dallali sur la base de fausses allégations d'antisémitisme est une capitulation honteuse face à une chasse aux sorcières orchestrée par l'État.

Shaima Dallali [Photo: Credit: Shaima Dallali/Twitter] [Photo: Credit: Shaima Dallali/Twitter]

Les accusations «d’antisémitisme de gauche», assimilant l'opposition au sionisme et à l'État israélien à la haine anti-juive, ont été utilisées par la droite du Parti travailliste, le gouvernement conservateur et les organisations sionistes pour mener une attaque contre les socialistes et la politique anti-guerre depuis 2016. Leur objectif est de censurer la gauche politique en interdisant l'opposition au traitement criminel des Palestiniens par l'État israélien.

Une campagne de plusieurs années à propos d’une crise d'antisémitisme fabriquée de toutes pièces au sein du Parti travailliste fut utilisée pour destituer Jeremy Corbyn à la tête du parti et expulser un grand nombre de membres de gauche. Elle s'est depuis étendue à tous les domaines de la vie politique et culturelle, les universités étant placées au centre de l’attention.

Corbyn a refusé de s'opposer et a même participé à cette chasse aux sorcières de ses propres partisans. L'expulsion de Dallali a également été facilitée par le NUS, qui a capitulé devant une coalition de l'Union des étudiants juifs (UJS), du gouvernement et des dirigeants blairistes du Parti travailliste, conformément au rôle du NUS en tant que terrain de formation de carriéristes destinés à prendre la relève des politiciens travaillistes et bureaucrates syndicaux.

Assaut sur les droits démocratiques

Le 1er novembre, la directrice du NUS en Grande-Bretagne, Kat Clark, a annoncé qu'à la suite d'une «enquête indépendante menée par l’avocat [du roi] sur des allégations d'antisémitisme», le NUS avait résilié le contrat de Dallali. Clark a ajouté que le NUS «ne partagerait plus de détails sur l'enquête menée sur la présidente», assurant que le processus avait été «incroyablement robuste».

Dallali envisage «tous les recours juridiques disponibles». Une déclaration du 2 novembre des avocats Carter-Ruck a expliqué: «Mme Dallali a clairement exprimé à plusieurs reprises son opposition à toutes les formes de racisme, y compris l'antisémitisme, tout en continuant à faire campagne pour dénoncer le sort réservé au peuple palestinien».

Ni le NUS ni l’avocate du roi Rebecca Tuck n'ont fourni la moindre preuve aux étudiants sur la substance des allégations d'antisémitisme contre Dallali. Ils n'ont pas non plus expliqué quels articles du code de conduite du NUS elle aurait enfreints. Son renvoi sommaire – le premier limogeage d'un président du NUS en 100 ans d'histoire – a été exécuté à la manière d'un tribunal fantoche. Il servira de précédent pour une répression plus large contre les étudiants individuels et les associations sur les campus à travers le pays.

Les allégations contre Dallai étalées dans les médias nationaux montrent clairement qu'elle est diffamée sur la base de la définition de l'antisémitisme que fournit l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), qui confond l'opposition aux crimes de l'État israélien avec la haine envers les Juifs. Le NUS a adopté la définition de l'IHRA en 2017 et le gouvernement, avec le soutien du Parti travailliste, a poussé les institutions universitaires à l’adopter également.

Les exemples cités d'antisémitisme présumé de Dallali comprennent un tweet avec le slogan populaire «Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre» et des publications sur les réseaux sociaux condamnant la répression violente des Palestiniens par Israël.

Un tweet qu'elle a fait en 2012 alors qu'elle était adolescente, déterré par le groupe Labour Against Antisemitism (Travaillistes contre l’antisémitisme) qui sert de façade à des sionistes, fait référence à la bataille de Khaybar entre les armées musulmanes et juives en l'an 628 après JC. Ses excuses en mars selon lesquelles «j'avais tort de voir le conflit palestinien comme un conflit entre musulmans et juifs» n'ont rien fait pour arrêter la chasse aux sorcières qui a suivi.

Le 12 avril, l'UJS, qui reçoit des fonds du gouvernement israélien, a écrit au conseil d'administration du NUS pour exiger une enquête sur l'aptitude de Dallali à être présidente du NUS et une enquête externe sur «l'antisémitisme au sein du NUS».

Une version privée de la lettre de l'UJS a été signée par 21 anciens présidents du NUS, dont l'ancien secrétaire blairiste aux Affaires étrangères Jack Straw et l'actuel secrétaire à la Santé Wes Streeting. Straw est un criminel de guerre non inculpé qui aida Tony Blair à «durcir» le «dossier douteux» de son gouvernement contre l'Irak qui fut utilisé pour lancer l'invasion menée par les États-Unis en 2003 qui a tué environ un million d'Irakiens.

Un jour plus tard, le conseil d'administration du NUS a voté pour une enquête sur les allégations contre lui-même et Dallali. L'UJS devait être associée à la nomination d'un expert juridique externe et à la rédaction des termes de référence de l'enquête, sur la base de l'IHRA.

Le résultat prédéterminé a été fourni, selon les avocats de Dallali, à «au moins deux sites d'information nationaux avant que Mme Dallali soit informée de la décision». Le gouvernement conservateur et le leader travailliste Sir Keir Starmer ont également appris les nouvelles avant Dallali. Elle a appris son limogeage via Twitter.

L’antisémitisme et l’extrême droite

En diffamant la politique socialiste, la campagne contre «l'antisémitisme de gauche» dissimule la véritable menace que représente pour le peuple juif et l'ensemble de la classe ouvrière la montée de l'extrême droite.

Alors que Dallali a été limogée, le président du régulateur gouvernemental pour l'enseignement supérieur James Wharton a été protégé après avoir parlé aux côtés de l'antisémite notoire Zsolt Bayer. Wharton, membre conservateur de la Chambre des lords et chef du Bureau des étudiants (OfS ), a assisté à la Conférence d'action politique des conservateurs (CPAC) en Hongrie en mai de cette année. Il a fait l'éloge du premier ministre d'extrême droite hongrois Victor Orbán et a déclaré que l'événement était une chance de «renouer avec des amis du monde entier».

Bayer, qui s'exprimait le même jour que Wharton, a qualifié à d’autres occasions les Juifs «d’excréments puants» et les Roms «d’animaux inaptes à vivre parmi les gens». Il fut décoré de la Croix de chevalier de l'Ordre du mérite hongrois par Orbán en 2016. Parmi les autres orateurs du CPAC figuraient Donald Trump (qui a placé la théorie du complot antisémite du Grand Remplacement au cœur de sa campagne de réélection); le conspirateur du coup d'État du 6 janvier de Trump et antisémite Jack Prosobiec; Orban et Nigel Farage.

Orbán a mené une croisade pour réhabiliter le chef de guerre du pays, l'amiral Miklós Horthy, qui s’allia à Adolf Hitler pour envahir l'Union soviétique. Le régime de Horthy a déporté 424.000 Juifs en 1944 et à la fin de l'Holocauste, 565.000 Juifs hongrois avaient été assassinés.

Une plainte officielle contre le président de l'OfS par le Syndicat des services publics et commerciaux s’est évaporée dans la nature. Ni le syndicat ni le ministère de l'Éducation qui ont reçu la plainte ne confirmeront si une enquête a eu lieu. Interrogé sur Wharton au parlement, le secrétaire à l'Éducation Nadhim Zahawi a déclaré son «soutien» à son travail.

Après que les représentants de l'UJS aient rencontré Wharton, ils se sont déclarés «rassurés par son engagement envers un engagement futur et la sincérité de ses excuses et espèrent continuer à travailler ensemble pour soutenir les étudiants juifs».

Ce qui est en jeu

Le mensonge selon lequel la menace d'antisémitisme vient de la gauche s'intensifie dans les universités dans le contexte de la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine. La Grande-Bretagne, aux côtés des États-Unis, achemine des milliards euros en aide militaire vers un gouvernement ukrainien allié à des organisations fascistes telles que le bataillon Azov, dont les origines remontent au meurtrier de masse des Juifs en Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale, Stepan Bandera, et à son organisation collaborationniste avec les nazis, l’Organisation des Ukrainiens nationalistes.

L'UJS a lancé sa campagne contre le NUS après que ce dernier avait invité Lowkey, le rappeur et militant des droits des Palestiniens, à prendre la parole lors de sa conférence en mars. L’UJS a pointé du doigt la déclaration factuellement correcte de Lowkey selon laquelle «les médias grand public ont exploité l'héritage juif de Zelensky, le président de l'Ukraine, pour tenter de conjurer ces véritables enquêtes sur la nature des groupes combattant en Ukraine comme le bataillon Azov, C-14 et d'autres».

Alors que Lowkey est attaqué pour avoir dénoncé la collaboration de l'OTAN avec des fascistes et des antisémites, Wharton est protégé par le gouvernement et l'UJS pour sa fréquentation d'antisémites déclarés.

La campagne frauduleuse contre «l'antisémitisme de gauche» sape la capacité de la classe ouvrière et de la jeunesse à mener une lutte contre le fascisme et l'antisémitisme là où ils existent réellement. Elle est menée au service des bellicistes impérialistes qui soutiennent jusqu'au bout la politique réactionnaire de l'État israélien.

Le samedi 10 décembre, l'International Youth and Students for Social Equality [IYSSE] (Mouvement international des jeunes et étudiants pour l’égalité sociale) organise un rassemblement mondial en ligne sous la bannière «Pour un mouvement de masse de jeunes et d'étudiants pour arrêter la guerre en Ukraine!» Le but de cette rencontre est de jeter les bases politiques d'un mouvement socialiste international contre la guerre et la montée de l'extrême droite, basé sur les leçons fondamentales de la lutte pour le socialisme au 20e siècle. Nous encourageons vivement les étudiants à s'inscrire et à aider à promouvoir cet événement important.

(Article paru en anglais le 24 novembre 2022)

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