Sri Lanka: l'usine Brandix met en lock-out 1500 travailleurs qui protestaient contre la suppression de leurs primes

Le 30 novembre, Brandix Essentials, une entreprise de fabrication de vêtements de la zone franche de Koggala (KFTZ), a mis en lock-out environ 1 500 travailleurs suite à leur débrayage pour protester contre la réduction de moitié de leur prime annuelle.

La direction de l'usine avait informé les travailleurs deux jours plus tôt que leur prime serait réduite parce que l'usine produisait à perte. Le lendemain, les travailleurs ont refusé de travailler et se sont rassemblés dans la cantine de l'usine pour exiger le paiement intégral de la prime. Une fois les salariés rentrés chez eux, la direction les a informés par SMS que l'usine était fermée pour une durée indéterminée.

Manifestation de travailleurs de la zone franche de Koggala le 28 avril 2022 [Photo : WSWS]

Craignant des pertes d'emplois, certains travailleurs ont déclaré qu'ils accepteraient la réduction de salaire. La direction leur a cependant dit d'envoyer une lettre admettant qu'ils avaient fait une erreur en refusant de travailler. Les travailleurs ont rejeté cette injonction.

Lundi, des responsables du Board of Investment, l'organisme gouvernemental chargé de superviser les investissements étrangers, ont rencontré la direction et le comité d’entreprise de l'usine. Ils sont parvenus à un accord pour rappeler les travailleurs au travail, mais seulement s'ils acceptaient la réduction de moitié de leur prime.

Les soi-disant comités d’entreprise dans les usines de la zone franche ne sont pas des organisations de travailleurs. Ils sont mis en place par le biais d'élections contrôlées par la direction et se rangent généralement du côté de l'entreprise.

Brandix est l'une des plus grandes multinationales de l'habillement en Asie du Sud, avec 53 000 travailleurs dans 23 usines au Sri Lanka, quatre en Inde et une au Bangladesh. Selon Owler.com, les revenus de la société ont augmenté de 4,9 pour cent de décembre 2021 à août 2022, passant de 782 millions à 820 millions de dollars.

L' usine de Koggala avait cependant été fermée pendant 10 jours à partir du 2 septembre faute de commandes.

Un employé de Brandix Essential s'est opposé à la réduction des primes en déclarant au World Socialist Web Site: « Nous vivons avec d'énormes difficultés dû à la flambée du coût de la vie. J'ai deux enfants d'âge scolaire. J'espérais leur acheter des chaussures et des manuels scolaires avec la prime. Quand j'ai entendu dire qu’elle ne serait pas payée intégralement cette fois, j'ai été choqué. Quand l'usine a été fermée, je pensais que nous allions aussi perdre nos emplois. »

Un employé de la production ne touche que 28 000 roupies (101 euros) par mois, tandis que les ouvriers de maintenance en gagnent 35 000. La prime annuelle est égale à un mois de salaire.

Un travailleur de la maintenance a déclaré qu'il avait refusé la demande de la direction de s'excuser par écrit pour avoir refusé de travailler sans la prime. « C'est très mauvais de la part de l'entreprise de ne pas payer la totalité de la prime. La direction affirme que l'usine tourne à perte cette année. Mais nous savons comment ils ont amassé des bénéfices au cours de la dernière période. »

Le lock-out fait partie d'une attaque plus large contre les emplois, les salaires et les conditions de travail des travailleurs de l'habillement au Sri Lanka et à l'international.

Une travailleuse d'Unichela Garment a déclaré au WSWS que leur quota de production quotidienne à réaliser avaient récemment été augmenté à un niveau impossible à atteindre.

«Si un travailleur est incapable d'atteindre les objectifs ou fait une erreur pendant la production, la direction exige une lettre du travailleur reconnaissant l'erreur. Après trois de ces lettres, le travailleur est licencié », a-t-elle déclaré.

« Récemment, un contre-maître a brisé la vitre d'un tableau affichant des objectifs de travail parce qu'un chef de chaîne de production avait oublié d'enregistrer ses objectifs. Le chef de production a été blessé par un éclat de verre au visage et a dû être hospitalisé. Nous sommes obligés de travailler même pendant les pauses café et les pauses repas pour atteindre les objectifs. »

Unichela appartient à la société MAS Holdings qui emploie 93 000 personnes dans 17 pays et 69 000 au Sri Lanka sur différents sites.

Manifestation des travailleurs d’Esquel pour exiger des indemnités impayées, le 20 décembre 2021 [Photo : WSWS]

Au cours des deux dernières années, la société sri-lankaise Esquel a fermé ses usines dans la KFTZ, à Yakkala, Jaela Ekala et Kegalle. Entre juillet et octobre, Aura et Trend Setters ont fermé trois usines dans la KFTZ et à Beliatta sans payer les arriérés de salaire dus aux travailleurs. Environ 7 500 personnes ont perdu leur emploi dans ces fermetures.

L'Association des exportateurs de vêtements du Sri Lanka (SLAEA) a averti que les exportations de vêtements chuteraient de 30 pour cent en novembre et décembre. Son président Indika Liyanahewage a déclaré que les États-Unis et l'Europe, les principaux marchés d'exportation de vêtements du Sri Lanka, sont soumis à une pression inflationniste qui les plonge dans la récession. Il a ajouté que les « vents contraires mondiaux » continueraient d'avoir un impact sur les exportations durant les six premiers mois de l'année prochaine.

Il s'est plaint que les impôts sur les sociétés récemment imposés par le gouvernement du président Ranil Wickremesinghe et l'augmentation de la taxe sur les exportations passant de 14 pour cent à 30 pour cent constituaient une menace de concurrence accrue de la part d'autres pays exportateurs de vêtements, en particulier le Bangladesh et le Vietnam.

La hausse des prix des matières premières et les pénuries, la baisse de la demande et le manque de commandes ont tous été exacerbés par la pandémie de COVID-19 et la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie en Ukraine. Les fabricants et exportateurs de vêtements réagissent impitoyablement en faisant porter les conséquences de la crise aux travailleurs.

Une estimation évaluait en 2020 le nombre de travailleurs directement employés dans l'industrie du vêtement à 350 000, et à 700 000 celui des emplois liés à cette industrie.

Selon une étude de l'Organisation internationale du travail (OIT) publiée en octobre 2020, des centaines de milliers d'emplois de travailleurs de l'habillement et du textile ont été détruits en Asie.

La classe ouvrière est confrontée à ces attaques au moment où le gouvernement Wickremesinghe impose des mesures d'austérité brutales dictées par le Fonds monétaire international. Celles-ci incluent la hausse des prix de biens essentiels, l’augmentation des impôts des travailleurs, la réduction des dépenses sociales et la privatisation des entreprises du secteur public.

Les syndicats, dont le Syndicat des travailleurs des zones franches et des services généraux (FTZGWU), ont déjà collaboré avec la société Esquel dans les compressions d’emplois, obligeant les travailleurs à accepter des soi-disant départs volontaires avec des indemnités minimales.

Le FTZGWU, le Syndicat des travailleurs du commerce et de l'industrie, et le Syndicat des travailleurs interentreprises, contrôlé par le parti d'opposition parlementaire Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), ont soutenu les attaques du gouvernement et des entreprises contre les emplois et les salaires durant la pandémie. Ces organisations sont des outils des trusts qui défendent les profits, pas les droits des travailleurs.

Un ouvrière employée à l'usine Aura a déclaré au WSWS: « Il est très difficile de survivre après la perte d'un emploi. Il n'y a pas eu d'enquête concernant la plainte déposée auprès du ministère du Travail sur les licenciements et le non-paiement des arriérés de salaire. Les travailleurs ont trouvé des emplois temporaires ailleurs à des salaires plus bas. »

« Il est clair que les travailleurs ne peuvent pas résoudre leurs problèmes dans le système capitaliste. Nous devons lutter pour nos droits. Il faut s'organiser pour ça. »

Elle a appelé les travailleurs de Koggala et de toutes les zones franches et autres lieux de travail à former des comités d'action indépendants pour organiser une lutte unie pour défendre les emplois et les salaires et lutter pour de meilleures conditions de travail.

Cette travailleuse est membre du Comité d'action de la zone franche de Koggala récemment formé à l'initiative du Socialist Equality Party, SEP (Parti de l'égalité socialiste).

Le SEP appelle à la formation de comités d'action dans chaque lieu de travail et quartier populaire et parmi les travailleurs de la campagne, indépendamment des syndicats, des partis capitalistes et de leurs apologistes de la pseudo-gauche. La création de tels comités fournira une base aux travailleurs pour lutter pour la défense de leurs conditions de vie et de leurs droits démocratiques, contre l'assaut du régime de Wickremesinghe.

Le SEP fait campagne pour construire un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des masses rurales, basé sur des délégués des comités d'action des travailleurs, pour mener la lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan basé sur un programme socialiste et internationaliste.

(Article paru en anglais le 6 décembre 2022)

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