L’espérance de vie aux États-Unis a diminué pour la deuxième année consécutive en 2021, selon les données finales sur la mortalité publiées par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), c’est-à-dire les centres de contrôle et de prévention des maladies. Le taux de mortalité de la population a augmenté de 5,3 % par rapport à 2020, ce qui a entraîné une nouvelle baisse de l’espérance de vie, qui est maintenant passée de 77 à 76,4 ans – le niveau le plus bas depuis 1996.
Les progrès d’un quart de siècle d’avancées médicales ont ainsi été essentiellement anéantis en seulement deux ans.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, l’espérance de vie aux États-Unis a diminué de 2,4 ans au total. Cette diminution de 0,6 an en 2021 vient s’ajouter à la perte de 1,8 an enregistrée en 2020.
Tel que noté par le World Socialist Web Sitelors de la publication du rapport préliminaire des CDC sur la mortalité en août dernier, ces chiffres constituent «une condamnation accablante de la réponse homicide à la pandémie qui a caractérisé les administrations Trump et Biden». Biden – élu en grande partie du fait de la révulsion populaire face à la réponse insensible et anti-scientifique de Trump à la COVID-19 et armé de vaccins efficaces dès le début de son mandat – est entièrement démasqué.»
En effet, malgré la disponibilité de vaccins sauveurs de vies contre la COVID-19 et le contrôle démocrate de la Maison-Blanche et du Congrès, l’année 2021 a été bien plus meurtrière que 2020. Selon les données des CDC, le nombre total de décès aux États-Unis a augmenté de 80.502 de plus par rapport au total de 2020, avant tout en raison de la poursuite de la pandémie.
Citant le statisticien des CDC Kenneth Kochanek, le réseau radiophonique NPRnote que la COVID-19 représente près de 60 % des causes de la baisse de l’espérance de vie en 2021. Le nombre total de décès dont la COVID-19 est la cause sous-jacente a augmenté de 18,8 %, passant de 350.831 en 2020 à 416.893 en 2021. Elle reste la troisième cause de décès en 2021, après les maladies cardiaques et le cancer.
Outre la COVID-19, les taux de mortalité ont également augmenté pour huit des dix principales causes de décès. Il s’agit notamment des blessures non intentionnelles (en hausse de 12,3 %), une catégorie qui comprend la montée en flèche des surdoses de médicaments, des maladies chroniques du foie et des cirrhoses (en hausse de 9 %), des maladies rénales (en hausse de 7,1 %) et des accidents vasculaires cérébraux (en hausse de 5,9 %).
La grippe et la pneumonie ont toutes deux quitté le «top 10» des causes de décès en 2021, probablement en raison des mesures d’atténuation limitées qui étaient encore en place l’année dernière mais qui ont été abandonnées depuis. Comme a correctement mis en garde le WSWS, avec la fin des mesures d’atténuation restantes contre la COVID-19, des virus tels que la grippe circuleront librement et les décès dus à ces maladies pourraient facilement remonter.
Les données suggèrent que c’est exactement ce qui se passe. Les CDC estiment actuellement qu’il y a eu entre 12.000 et 35.000 décès dus à la grippe depuis le début de la saison, contre environ 5000 décès lors de la dernière saison grippale. Fin novembre, les cas hebdomadaires de grippe ont atteint leur niveau le plus élevé jamais enregistré.
L’un des aspects les plus alarmants du rapport est le fait que les taux de mortalité augmentent dans tous les groupes d’âge de plus d’un an. Chez les enfants âgés de 1 à 4 ans, le taux de mortalité a augmenté de 10,1 %. Les adultes âgés de 35 à 44 ans ont connu la plus forte augmentation du taux de mortalité, soit 16,1 %.
Si ces tendances se poursuivent, un enfant né aux États-Unis aujourd’hui devrait vivre moins longtemps que ses grands-parents. Le rapport des CDC estime en effet que les personnes âgées de 65 ans aux États-Unis auraient une espérance de vie en moyenne de 18,4 ans encore, pour un total de 83,4 ans, alors que celle des nouveau-nés actuels ne serait plus en moyenne que de 76,4 ans.
Selon une étude publiée en octobre dernier dans la revue Nature Human Behavior, l’augmentation de la mortalité chez les jeunes est la principale cause de la baisse de l’espérance de vie aux États-Unis. L’étude a examiné l’espérance de vie dans 29 pays tout au long de la pandémie. S’adressant à l’USA Today, les auteurs ont noté que les États-Unis étaient le seul pays où le recul de l’espérance de vie s’est poursuivi en 2021, en raison de l’augmentation de la mortalité chez les personnes de moins de 60 ans. Ils ont constaté que «plus de la moitié du recul de l’espérance de vie aux États-Unis depuis le début de la pandémie» était due à l’augmentation de la mortalité dans ce groupe d’âge.
Certes la COVID-19 a considérablement accéléré cette tendance régressive dans l’un des indices les plus importants de la santé de la population, mais ce processus est antérieur à la pandémie, puisqu’il a débuté il y a près de dix ans. Selon un rapportde la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health publié au début du mois de décembre, l’espérance de vie aux États-Unis a augmenté régulièrement jusqu’en 2014, atteignant un pic de 78,9 ans, puis a stagné entre 2015 et 2019 avant de connaître une forte baisse en 2020.
L’un des principaux facteurs de cette baisse de l’espérance de vie avant la pandémie a été l’augmentation vertigineuse de ce qu’on appelle les «morts de désespoir», des décès principalement dus à l’accroissement des inégalités sociales. Ces décès sont notamment les overdoses mortelles de drogues, qui ont doublé entre 2014 et 2021 et ont tué plus de 106.000 personnes l’année dernière. Au cours de cette même période, les homicides et les suicides liés aux armes à feu ont augmenté de 44 %, tandis que les maladies du foie liées à l’alcool ont augmenté de 63 %. Les suicides d’adolescents (jeunes âgés de 13 à 19 ans) ont augmenté pour leur part de 29 %.
Tout comme dans le rapport préliminaire des CDC publié en août, le rapport final ne contient aucune analyse de la relation entre statut socio-économique et espérance de vie. Les données sont présentées par catégories raciales et de genre, et non par classe sociale. Pourtant, de multiples études menées au cours de la pandémie ont fortement associé le revenu et le statut socio-économique à l’espérance de vie, l’écart entre l’élite économique et la classe ouvrière s’étant considérablement creusé au cours des trois dernières années, quels que soient la couleur de peau ou le genre.
En outre, les données des CDC réfutent l’idée selon laquelle l’impact de la pandémie suit principalement des divisions raciales. Après les femmes non hispaniques, amérindiennes ou inuit d’Alaska, la plus forte augmentation des taux de mortalité en 2021 est survenue chez les hommes blancs non hispaniques, suivis des femmes blanches non hispaniques. Les taux de mortalité ont diminué l’année dernière chez les hommes hispaniques et les hommes noirs non hispaniques.
Bien que les États-Unis aient enregistré une baisse des décès dus à la COVID-19 en 2022 par rapport aux deux années précédentes de la pandémie, selon la publication en ligne Our World in Data, plus de 250.000 Américains sont néanmoins morts inutilement depuis le début de l’année, alors que les cas et les hospitalisations sont en hausse depuis novembre. À l’échelle mondiale, une estimation de l’excès de décès publiée par The Economistrévèle qu’environ 5 millions de personnes sont mortes de la COVID-19 en 2022.
Depuis le début de l’année 2022, l’administration Biden a supervisé le démantèlement systématique des tests, des rapports et de ce qui restait des mesures d’atténuation mises en place au cours des deux premières années de la pandémie. Les CDC ont joué un rôle central dans ce processus, notamment par la publication de directives en août recommandant l’abandon de la quarantaine, de l’isolement et des tests dans la plupart des environnements, y compris les écoles. Ce programme a été justifié sous la fausse prétention que la population devait «apprendre à vivre avec la COVID-19» pour toujours.
Aujourd’hui, la troisième année de la pandémie touche à sa fin avec l’un des développements les plus horribles à ce jour – l’abandon de la politique du COVID zéro par le gouvernement du Parti communiste chinois et son adoption rapide d’une politique d’«immunité collective». En plus de la catastrophe immédiate qui se déroule en Chine, un sixième de la population mondiale est maintenant exposé au virus pour la première fois, créant du coup des conditions pour que le virus mute en des variants encore plus transmissibles, et potentiellement plus virulents, qui se répandront rapidement dans le monde. Comme commentait le WSWSdans une récente perspective, une toute nouvelle étape de la pandémie est en train de commencer.
Le déclin de l’espérance de vie signifie qu’une terrible régression sociale est en train de se produire aux États-Unis. Malgré les progrès continus des connaissances et des outils scientifiques et médicaux, la société dans le pays le plus riche au monde est en train de reculer. Le système capitaliste, dans lequel la vie humaine est subordonnée au profit privé, ne peut ni répondre à ce réquisitoire ni faire marche arrière. Bien au contraire, les gouvernements capitalistes dans le monde entier adoptent consciemment des politiques dont ils savent qu’elles tueront des masses de leurs citoyens dans la poursuite du profit.
Seule la classe ouvrière internationale a le pouvoir d’inverser cette régression, de mettre fin à la pandémie et d’éradiquer les inégalités sociales. Plaidoyer auprès des capitalistes ne sert à rien. Il faut bel et bien mener une lutte révolutionnaire pour abolir le système de profit capitaliste et reconstruire le monde sur des bases socialistes, avec une économie planifiée à l’échelle mondiale et un système de santé publique dont l’objectif premier est de protéger et d’améliorer la vie.
(Article paru en anglais le 26 décembre 2022)