Netanyahu forme un gouvernement de coalition d'extrême droite en Israël

L'ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu est sur le point de revenir au pouvoir après 18 mois dans l'opposition, après avoir annoncé une série d'accords avec le parti fascisant du sionisme religieux et les partis religieux ultra-orthodoxes Shas et United Torah Judaism (UTJ).

L'ancien Premier ministre israélien et chef du parti Likud, Benjamin Netanyahu et sa femme Sara, exultent après les résultats du premier sondage à la sortie des élections parlementaires israéliennes au siège de son parti à Jérusalem, le mercredi 2 novembre 2022. [AP Photo/ Tsafrir Abayov ] [AP Photo/Tsafrir Abayov]

Après avoir poussé la politique israélienne vers la droite au cours de ses 15 années au poste de Premier ministre, Netanyahu dirigera désormais le gouvernement le plus à droite des 75 ans d'histoire d'Israël. Il renforcera les forces violentes, racistes et fascistes qui cherchent à inciter à la violence politique contre les Palestiniens dans les territoires occupés et en Israël, renforcera la politique de suprématie juive d'Israël inscrite dans sa loi sur l'État-nation de 2018 et réprimera les travailleurs juifs qui s'opposent à ses politiques.

Cela met fin à l'affirmation selon laquelle Israël est «la seule démocratie» au Moyen-Orient. L'inclusion du sionisme religieux rend explicite ce qui a toujours été implicite: le gouvernement israélien sera dédié à la suprématie juive et au régime d'apartheid, à l'annexion de larges pans de la Cisjordanie illégalement occupée depuis la guerre israélo-arabe de 1967, à l'expansion des colonies illégales, même selon la loi israélienne actuelle, et à la prière juive à la mosquée al-Aqsa.

Netanyahu a tweeté triomphalement, «ça y est», mercredi soir, quelques minutes avant la date limite pour former un nouveau gouvernement après les cinquièmes élections en moins de quatre ans le 1er novembre. On s'attend à ce que le nouveau gouvernement, qui aura une majorité de quatre députés, soit assermenté au début de la nouvelle année.

L'élection, la cinquième en quatre ans, a été précipitée par l'effondrement en juin dernier de la fragile coalition, dirigée par Yair Lapid et Naftali Bennett, de huit partis unis uniquement par l'opposition à la personnalité entourée de scandale de Netanyahu. Leur «gouvernement du changement» qui comprenait les travaillistes et le Meretz – tous deux ostensiblement attachés à un petit État palestinien aux côtés d'Israël – a ouvert la voie à la montée du Sionisme religieux d'extrême droite. Il a présidé à plus de meurtres de Palestiniens dans les territoires occupés qu'à tout autre moment depuis 2005, intensifié les guerres secrètes d'Israël contre l'Iran et ses alliés, levé toutes les mesures visant à limiter la propagation de la pandémie et n'a rien fait pour atténuer les inégalités sociales – parmi les plus élevées dans le groupe des pays avancés de l'OCDE.

Netanyahu, actuellement en procès pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires distinctes, a négocié une alliance électorale des trois partis d'extrême droite - le Sionisme religieux, le Pouvoir juif et Noam - pour renforcer son vote lors des élections du 1er novembre, sachant que ces derniers seraient susceptibles d’appuyer une loi empêchant l'inculpation d'un Premier ministre en exercice pendant son mandat. Le Sionisme religieux a remporté 10 pour cent des voix et 14 sièges, ce qui en fait le troisième plus grand parti à la Knesset, permettant à Netanyahu de former une coalition de 64 sièges, la plus grande majorité de tous les gouvernements depuis 2018.

Le Sionisme religieux étant en position de force, Bezalel Smotrich, chef de l'alliance du Sionisme religieux, s'est assuré le portefeuille des finances pour lui-même et un poste ministériel nouvellement créé au sein du ministère de la Défense avec des pouvoirs sur l'administration civile de la Cisjordanie pour son parti. Ce suprémaciste juif, homophobe et partisan de l'annexion des territoires palestiniens contrôle les permis de construire dans les colonies, les démolitions de maisons palestiniennes, les questions foncières et l'accès à l'eau. Il supervise deux unités militaires qui gèrent les questions civiles et de sécurité dans la zone C de Cisjordanie, y compris la circulation des personnes et des biens entre Gaza, Israël et la Cisjordanie.

Le chef du parti Likud Benjamin Netanyahu (à gauche), le législateur israélien d'extrême droite Bezalel Smotrich et le Premier ministre israélien Yair Lapid (au centre) et les dirigeants de tous les partis politiques israéliens posent pour une photo de groupe après la cérémonie d'assermentation des législateurs à la Knesset, Parlement israélien, à Jérusalem, mardi 15 novembre 2022. [AP Photo/ Tsafrir Abayov ] [AP Photo/Tsafrir Abayov]

Ce n'est rien de moins que l'annexion de fait de la zone C, désignée par les accords d'Oslo comme étant sous contrôle militaire israélien, où se trouvent les colonies israéliennes de Cisjordanie, qui abritent plus de 450 000 Israéliens. Alors que Netanyahu avait cherché à annexer des parties de la Cisjordanie lors de son premier mandat, il a été contraint d'abandonner le plan après avoir «normalisé» les relations avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Ces États avaient auparavant signalé leur malaise face au nouveau gouvernement qui, selon le New York Times, «a rapidement adopté une approche plus pragmatique: le statu quo, du moins pour le moment».

Itamar Ben-Gvir, chef du parti fascisant Pouvoir juif, a obtenu le poste de la sécurité nationale. Ce raciste condamné en justice, partisan de la virulente organisation anti-arabe kahaniste, autrefois désignée comme organisation terroriste en Israël et aux États-Unis, qui a menacé d'expulser les Palestiniens de nationalité israélienne, aura la surveillance de la police en Israël et de la force qui contrôle l'accès et la sécurité à la mosquée al-Aqsa. Ben-Gvir a demandé et obtenu une extension de son mandat pour inclure la police des frontières, une force paramilitaire qui opère principalement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, un changement qui nécessite l'approbation du Parlement. Les forces de sécurité qui ont longtemps permis aux colons de s'attaquer en toute impunité aux biens et à la vie des Palestiniens vivant en Cisjordanie - souvent sous la protection sinon l'assistance active de l'armée - vont désormais l'encourager activement afin de les chasser de chez eux et de leur terre.

Netanyahu a nommé Avi Maoz, chef du parti Noam et tristement célèbre pour ses opinions racistes, homophobes et misogynes, comme vice-ministre chargé de «l'identité juive», avec le contrôle de certaines parties du système éducatif national israélien et le pouvoir d'approuver ou de supprimer le contenu de programmes externes de la liste actuellement proposés aux écoles israéliennes.

Netanyahu a promis les portefeuilles de l'intérieur et de la santé à Aryeh Deri, chef du parti ultra-orthodoxe Shas, qui a purgé une peine de prison pour corruption et a quitté ses fonctions dans le cadre d'un accord de plaidoyer pour une nouvelle inculpation d'évasion fiscale. Étant donné que le procureur général d'Israël a déclaré que sa condamnation pour délit fiscal le disqualifie pour siéger au cabinet, cela obligera la Knesset à accélérer la législation pour annuler l'interdiction faite aux législateurs condamnés de servir comme ministres.

Le programme du nouveau gouvernement comprend une refonte du système judiciaire, soumettant les décisions de la Cour suprême à une annulation par la Knesset qui aura également le pouvoir de nommer des juges, mettant fin à toute indépendance du pouvoir judiciaire. Il suit la voie empruntée par les gouvernements d'extrême droite en Pologne et en Hongrie. On s'attend également à une législation visant à obtenir le rejet du procès en cours pour corruption de Netanyahu.

Son accord avec le sionisme religieux comprend des mesures pour promouvoir les interprétations orthodoxes et nationalistes du judaïsme, notamment en restreignant la définition de qui est juif – et donc éligible à la citoyenneté automatique en vertu de la loi du retour d'Israël. Il comprend également un engagement à présenter une législation révoquant l'interdiction en vertu de la Loi fondamentale d'Israël sur un parti qui incite au racisme qui a été introduit pour bloquer le retour à la Knesset du parti Kach interdit, dirigé par l'ultra-nationaliste Meir Kahane, qui a plaidé pour l'expulsion massive des Palestiniens,. En 2019, cette loi fut utilisée pour empêcher les membres du pouvoir juif Baruch Marzel - qui appela au nettoyage ethnique des Palestiniens - et Bentzi Gopstein – qui appela au démantèlement de la mosquée du Dôme du Rocher – de se présenter à la Knesset.

Netanyahu a déjà accepté de légaliser les avant-postes de colons juifs en Cisjordanie et de transférer la compétence sur les colons des administrateurs militaires aux ministères civils. Cela placerait légalement les colons et les Palestiniens dans des systèmes entièrement différents et confirmerait les accusations selon lesquelles Israël dirige un régime d'apartheid.

Il est prévu d'imposer la «judaïsation» de la Galilée et du Néguev dans le nord et le sud d'Israël, respectivement, qui abritent un nombre important de citoyens palestiniens d'Israël, par le biais d'offre d'avantages économiques et de réductions aux Juifs israéliens qui s'y installent.

Selon Arab 48 , Ben-Gvir a obtenu l'accord de Netanyahu pour licencier et refuser d'embaucher des enseignants qui critiquent l'occupation israélienne ou participent à des manifestations contre l'occupation israélienne, affirmant que «c'est du terrorisme». Smotrich a déclaré que les groupes de défense des droits de l'homme, tant palestiniens qu'israéliens, constituaient une «menace existentielle» pour Israël et a appelé à la saisie de leurs fonds et à l'interdiction de leurs activités. Amichaï Chikli, un législateur du Likud, a déclaré que «sous le couvert d’organisations de défense des droits de l'homme et d'activités humanitaires se cache une idéologie antisémite et antisioniste radicale, dont le but est de saper la légitimité de l'État d'Israël et de verser le sang de ses soldats et de ses citoyens».

Lors d'un récent affrontement entre des militants israéliens opposés aux implantations à Hébron en Cisjordanie, un soldat a été filmé en train de jeter un militant au sol puis de lui donner un coup de poing à la tête, tandis qu'un second avertissait : «Ben-Gvir va mettre les choses dans l'ordre ici. Tu as fini de faire du dégât… Je décide de ce qui est légal ici». Alors que le premier soldat a été suspendu et le second emprisonné pendant six jours, Ben-Gvir promeut un projet de loi sur l'immunité des soldats, contre les procès et les enquêtes pour des actes commis pendant leur service.

(Article paru en anglais le 26 décembre 2022)

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