La France et l'Australie vont fabriquer des obus d'artillerie pour l'armée ukrainienne

Les gouvernements australien et français ont conclu un accord pour fabriquer et fournir conjointement des milliers d'obus d'artillerie à l'armée ukrainienne, ont annoncé lundi les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des deux pays. Le plan, dévoilé lors d'une réunion ministérielle '2+2' à Paris, impliquerait la fourniture australienne d'explosifs pour les obus, qui seront fabriqués en France.

«Plusieurs milliers d'obus de 155 mm seront fabriqués en commun» par l'armurier français Nexter, a précisé le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu. Son homologue australien et vice-Premier ministre Richard Marles a déclaré que le plan serait assorti d'une cible de coût de «plusieurs millions de dollars», mais aucun n'a fourni de chiffre réel.

La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna (deuxième à droite) et le ministre français de la Défense Sébastien Lecornu (deuxième à gauche) posent avec le ministre australien de la Défense Richard Marles (à gauche) et la ministre australienne des Affaires étrangères Penny Wong avant leur réunion conjointe au ministère français des Affaires étrangères à Paris, lundi, 30 janvier 2023. [AP Photo/Yoan Valat, Pool via AP]

L'accord marque une nouvelle intensification significative de l'implication des deux gouvernements dans la guerre entre les États-Unis et l'OTAN contre la Russie en Ukraine, parallèlement à l'escalade dangereuse des États-Unis et de l'Allemagne, marquée par le déploiement de chars d’assaut avancés.

Il a suivi dans la foulée de l’annonce du 4 janvier par le président français Emmanuel Macron que la France livrerait des chars légers AMX-10 RC à l'armée ukrainienne. Cela a été la première expédition de chars occidentaux, suivie rapidement par celle de Washington et Berlin.

Cela fait également suite à l'envoi par le gouvernement travailliste australien de 70 militaires il y a deux semaines pour rejoindre l'opération Interflex, une mission dirigée par le Royaume-Uni qui a déjà formé environ 10.000 soldats ukrainiens. Cela a porté la contribution militaire de l'Australie à au moins 655 millions de dollars, y compris la fourniture de 90 véhicules blindés Bushmaster, ce qui en fait de l’Australie l’un des plus grands contributeurs non-affilié à l’OTAN à la guerre.

Plusieurs types d'artillerie envoyés en Ukraine par les puissances de l'OTAN tirent des obus de 155 mm, notamment des canons montés sur camion CAESAR de fabrication française, l'obusier britannique M777 et le canon automoteur allemand Panzerhaubitze 2000.

Marles a déclaré que les fournitures de munitions s'inscrivaient dans «le niveau de soutien continu que la France et l'Australie fournissent à l'Ukraine pour s'assurer que l'Ukraine est en mesure de rester dans ce conflit et [...] de le voir se conclure selon ses propres conditions». Ce langage indique un engagement sans limite, faisant écho à des déclarations agressives similaires de l'administration Biden.

Lecornu a déclaré que l'aide serait «significative» et serait «un effort qui se poursuivra dans le temps», les premières livraisons étant prévues au premier trimestre 2023, soit dans les deux mois.

De tels commentaires soulignent l'intention des puissances dirigées par les États-Unis d'alimenter et d'intensifier délibérément la guerre, en utilisant l'Ukraine comme champ de bataille pour vaincre et démembrer la Russie, après avoir poussé le régime oligarchique de Poutine à une invasion désastreuse.

La réunion de lundi était la première consultation ministérielle franco-australienne sur les affaires étrangères et la défense depuis la rupture diplomatique causée par le traité AUKUS de septembre 2021 entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. L'Australie avait abandonné un contrat de 90 milliards de dollars pour l'achat de sous-marins français en faveur d'un accord avec les États-Unis et le Royaume-Uni pour la fourniture de sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire.

La reprise des liens stratégiques et militaires entre l'Australie et la France, qui possède des colonies et des bases dans les océans Indien et Pacifique, met en lumière le fait que la guerre contre la Russie est considérée par les États-Unis et tous leurs alliés impérialistes comme un prélude à une guerre contre la Chine pour le contrôle sur l'ensemble de la masse continentale eurasienne stratégique et riche en ressources.

En restaurant les relations avec la France, qui ont commencé par une visite à Paris en juillet dernier du Premier ministre Anthony Albanese, le gouvernement travailliste en Australie aide l'administration Biden à renforcer un réseau d'alliances militaires qui encerclent la Chine, tout en renforçant les intérêts capitalistes australien et français dans la région.

Marles a déclaré que l'accord signé était l'ouverture d'une «nouvelle coopération entre les industries de défense australienne et française». Il a déclaré que la réunion avait également convenu de «développer et approfondir les relations entre nos deux forces de défense» et que les deux pays auraient un meilleur accès à leurs installations de défense respectives dans la région Indo-Pacifique.

Comme l'indique la déclaration conjointe publiée par les quatre ministres, les deux puissances impérialistes considèrent cette collaboration comme faisant partie d'une alliance plus large, centrée sur l'Indo-Pacifique, dirigée aussi bien contre la Chine que contre la Russie.

Le communiqué déclarait que «la France et l'Australie ont convenu de continuer à travailler ensemble» pour «répondre aux défis de sécurité partagés» dans la région Indo-Pacifique. Sans nommer explicitement la Chine comme cible, la déclaration ne laissait aucun doute à ce sujet. Il a repris tous les mots d’ordre utilisés par les États-Unis et leurs alliés contre la Chine, notamment en s'engageant à soutenir les opérations navales de «liberté de navigation» et les survols dans les zones sous contrôle chinois de la mer de Chine méridionale.

La déclaration s'est effectivement alignée sur les mesures croissantes de Washington pour provoquer la Chine dans un conflit à propos de Taïwan en renonçant à la politique «Une seule Chine» vieille de 50 ans, selon laquelle le gouvernement chinois était en fait reconnu comme le gouvernement légitime de toute la Chine, y compris Taïwan.

Tout en affirmant soutenir le «statu quo» et «la paix et la stabilité à travers le détroit de Taiwan», la déclaration s'engageait à «soutenir la participation significative de Taiwan aux travaux des organisations internationales» et à «continuer à approfondir les relations avec Taiwan dans les domaines économique, scientifique, commercial, technologiques et culturels».

L'impérialisme français, qui contrôlait autrefois directement un vaste empire colonial, notamment en Afrique et en Indochine, reste une puissance nucléaire majeure dans l'Indo-Pacifique. Il conserve la domination coloniale sur des territoires avec environ 1,65 million de citoyens et cinq bases militaires permanentes occupées par 7.000 personnels, des îles de l'océan Indien de Mayotte et de la Réunion aux îles de l'océan Pacifique de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis et Futuna et de la Polynésie française.

Lors d'une visite dans la région en 2018, Macron appela à un nouvel «axe» Indo-Pacifique dirigé contre la Chine, signalant des évolutions conjointes avec d’autres puissances impérialistes européennes, en particulier le Royaume-Uni et l'Allemagne, pour affirmer leurs propres intérêts prédateurs dans la région dans des conditions de l'influence croissante de la Chine et les mesures agressives de Washington contre la Chine.

La déclaration de lundi a signalé une implication accrue des forces françaises dans les exercices et opérations militaires alliés dans la région. «Les ministres se sont félicités de la participation accrue de l'Australie à l'exercice multilatéral Croix du Sud en avril et du soutien de l'Australie à la première pleine participation de la France à l'exercice Talisman Saber en 2023, après sa participation en tant que membre observateur en 2021.»

Croix du Sud est un exercice militaire français organisé tous les deux ans en Nouvelle-Calédonie et dans les eaux environnantes. Talisman Saber est un exercice américano-australien majeur, impliquant des milliers de soldats, organisé en Australie tous les deux ans depuis 2005.

En 2021, le sous-marin nucléaire d'attaque français Émeraude, ainsi que le navire de soutien naval Seine, ont effectué des patrouilles en mer de Chine méridionale. Cette année-là, la France a également envoyé un navire d'assaut amphibie, le Tonnerre, et la frégate Surcouf pour traverser les eaux contestées à deux occasions au cours de sa mission annuelle «Jeanne d'Arc»; dans le même temps, le navire SIGINT français Dupuy de Lôme a traversé le détroit de Taiwan.

Cette semaine, des sources dans les forces navales françaises ont déclaré que la marine du pays travaillait à un déploiement dans la région du Pacifique en 2025 pour son groupe aéronaval Charles de Gaulle, qui transporte des armes nucléaires.

Depuis son entrée en fonction en mai dernier, le gouvernement travailliste australien a surpassé son prédécesseur libéral-national en plaçant le pays en première ligne des plans de guerre américains, en rejoignant les sommets de l'OTAN et d'autres alliances dirigée par les États-Unis, en intimidant les États insulaires du Pacifique pour qu’ils acceptent des pactes de sécurité visant la Chine et en dépensant des milliards en nouveau matériel militaire - au moins 4 milliards de dollars au cours des trois premières semaines de 2023.

La visite à Paris de Marles et de la ministre des Affaires étrangères Penny Wong n'était que la première partie d'une mission plus vaste. Elle est axée sur des pourparlers à Londres et à Washington pour finaliser les accords AUKUS visant l’achat australien beaucoup plus important de sous-marins, de missiles hypersoniques et d'autres armes.

(Article paru en anglais le 2 février 2023)

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