Perspectives

Les appareils syndicaux négocient en coulisse, mais une explosion sociale se profile contre Macron

A travers l’Europe, alors que des centaines de milliers d’hommes sont massacrés dans le conflit Russie-OTAN en Ukraine, la mobilisation ouvrière monte toujours. Dans tous les pays, des gouvernements qui gaspillent des milliards d’euros sur la guerre et le militarisme opposent une fin de non recevoir aux salariés mobilisés pour défendre leurs salaires et leurs droits sociaux.

Hier sept des principaux aéroports allemands étaient en grève, alors que des millions de travailleurs ont fait grève ces dernières semaines à l’appel des syndicats contre la montée de l’inflation. Au Royaume-Uni, des millions de travailleurs ont fait grève ces dernières semaines, alors que les appareils syndicaux refusent toute mobilisation unifiée contre le gouvernement conservateur. Et des centaines de milliers de soignants espagnols et d’enseignants portugais ont manifesté et fait grève.

En France, dont le gouvernement mène une escalade téméraire du conflit en envoyant des chars en Ukraine, plus de 2 millions de travailleurs se sont mobilisés contre la réforme des retraites. Les travailleurs sont vent debout face à Macron, dont la réforme est rejetée par sept Français sur dix. Six Français sur dix veulent que les grévistes bloquent le pays.

Dans cette situation objectivement révolutionnaire, les travailleurs doivent prendre en main leurs propres luttes. Celles-ci évoluent rapidement vers une confrontation décisive non seulement avec Macron, mais avec tous les gouvernements européens et avec le système capitaliste à travers le monde. Il faut construire sur les lieux de travail, en France et à l’international des comités de la base, indépendants des appareils syndicaux, afin d’organiser et de coordonner les luttes ouvrières.

Ceci implique une rupture organisationnelle et politique avec les appareils syndicaux, qui ont apporté leur soutien à la guerre de l’OTAN contre la Russie et qui coordonnent étroitement leurs actions avec le gouvernement.

Face à l’éruption de la colère sociale, l’intersyndicale a annoncé qu’elle pourrait envisager la possibilité, largement souhaitée par les Français, de bloquer le pays. Elle a même choisi un jour, le 7 mars. Mais en même temps, les appareils syndicaux négocient en coulisse avec Macron et démobilisent les travailleurs, notamment cheminots et raffineurs, qui veulent partir en grève reconductible, et à les isoler de leurs camarades de classe en lutte à travers l’Europe.

La déclaration des appareils salue un «mouvement social inédit par son ampleur» contre l’attaque de Macron contre les retraites. «Depuis le 19 janvier dernier, la population ne cesse de démontrer sa très forte détermination à refuser le projet de réforme des retraites du gouvernement à travers les grèves, les manifestations, mais aussi la pétition en ligne qui a atteint un million de signatures», écrivent-ils.

Les appareils proposent de demander poliment aux parlementaires, dans leur majorité des soutiens de Macron ou de la droite, de changer leur position sur la réforme. Ils promettent d’écrire «à chaque parlementaire de l’arc républicain» et d’ «interpeller député-es et sénateurs-trices dans leurs circonscriptions». Et c’est seulement dans le cas, en réalité bien prévisible, où l’élite dirigeante continuerait à insister sur sa réforme, qu’ils peuvent considérer la possibilité de bloquer le pays.

Mais cela, les appareils syndicaux ne veulent le faire que pendant un jour: «Enfin, si malgré tout le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire, l’intersyndicale appellerait les travailleurs et les travailleuses, les jeunes à durcir le mouvement en mettant la France à l’arrêt le 7 mars. L’intersyndicale se saisira du 8 mars, journée internationale de luttes pour les droits des femmes pour mettre en évidence l’injustice sociale majeure de cette réforme envers les femmes.»

Alors que les Français sont favorables au blocage du pays et que d’importantes sections des travailleurs veulent partir en grève reconductible, les dirigeants syndicaux ne se mettent pas à la tête mais à la queue des événements.

Ils n’établissent aucun lien entre les luttes ouvrières en France et à l’international, et ils entravent l’offensive ouvrière contre Macron. Ils ont annulé la grève reconductible des cheminots annoncée pour le week-end dernier au prétexte que cela aurait retourné l’opinion contre les grévistes, alors que la majorité des Français souhaitent en réalité un blocage du pays. Ils ont isolé les raffineurs qui appelaient à une grève dure.

Comme depuis des décennies, ils accompagnent le mouvement pour pouvoir continuer à peser sur les travailleurs et les subordonner au «dialogue social» des bureaucrates avec Macron.

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt a annoncé face à l’appel syndical que le gouvernement coordonne étroitement sa politique avec les appareils syndicaux à travers des appels en coulisse entre les ministre et les dirigeants syndicaux. «Nous sommes dans notre rôle. La première ministre et moi-même essayons de garder des contacts pour voir quelle est l'étape de mobilisation que les organisations syndicales souhaitent préparer», a-t-il déclaré.

«L'essentiel, c'est de garder des contacts», a-t-il ajouté, évoquant des contacts «publics» et d’autres «plus informels» entre la première ministre Élisabeth Borne et les dirigeants syndicaux. «La première ministre est libre de passer les appels qu’elle souhaite, dans l’ordre qu’elle souhaite.»

Le chef de la CGT, Philippe Martinez, a réagi à cette annonce en confirmant que la CGT, comme la CFDT et FO, avaient reçu des appels de Borne. Martinez l’a traité d’«appel de courtoisie … (Borne) a dû se dire, peut-être, qu'il faut que je les appelle pour éviter de laisser penser qu'on laisse de côté les organisations syndicales».

Martinez a dit avoir «rappelé» à Borne que «le gouvernement et le président ne prennent pas la mesure de ce qu'il se passe dans le pays». Cependant, il a ensuite relativisé l’importance de son propre rappel à Borne, en avouant qu’elle sait très bien qu’elle poursuit une politique rejetée par une écrasante majorité des Français: «Je pense qu'elle est consciente de la large opposition dans la population à cette réforme».

En réalité, les ministres comme les bureaucrates syndicaux savent tous que les gouvernements en France et à travers l’Europe sont au bord du gouffre. Néanmoins, tête baissée ils poursuivent leur fuite en avant dans la guerre et contre les masses ouvrières. Si le gouvernement Macron compte utiliser la guerre comme prétexte à la répression policière et de l’austérité sociale, les bureaucrates syndicaux ont leurs propres raisons pour accompagner cette politique réactionnaire.

D’un côté, depuis l’effondrement depuis un demi-siècle de la base ouvrière des syndicats, leurs budgets sont en grande partie composés de subventions patronales et étatiques. Ces 4 milliards d’euros annuels en subventions n’alimentent pas les caisses de grève permettant aux grévistes de rester en lutte, mais les frais des seuls appareils. Des grèves durables nécessitant la formation de caisses de grève pour soutenir les grévistes vont à l’encontre à la fois des intérêts financiers des appareils et de leur politique de négociation avec Macron.

En particulier, l’appareil de la CGT a publié plusieurs appels indiquant son soutien pour la politique d’escalade menée par Macron et par l’OTAN en Ukraine.

L’intensification des luttes ouvrières imposera aux travailleurs de déborder les appareils syndicaux et de former leurs propres organisations. C’est dans ce sens que le Parti de l’égalité socialiste, section française du Comité international de la IVe Internationale (CIQI), appelle à la formation de comités de la base sur les lieux de travail en France et à l’international. Ils rejoindraient les comités déjà formés ailleurs dans le monde, qui luttent pour bâtir l’Alliance ouvrière internationale des comités de la base.

C’est la seule façon de mobiliser toute la force de la classe ouvrière internationale dans les luttes qui s’annoncent, et de stopper l’escalade militaire en Europe. Dans ce mouvement, le PES insiste sur la nécessité de bâtir également un mouvement politique pour expliquer aux travailleurs la nécessité de transférer le pouvoir aux organisations de la classe ouvrière, de renverser le capitalisme et de bâtir une société socialiste.

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