Travailleurs et jeunes mobilisés pour les retraites en France dénoncent l’austérité et la guerre

Jeudi, des millions de travailleurs ont manifesté une quatrième fois contre la réforme des retraites largement haïe que veut imposer le président Emmanuel Macron. Selon les syndicats, 2,5 millions de personnes se sont mobilisées, dont 500.000 à Paris. D’énormes cortèges se sont élancés dans de nombreuses villes de France, dont Toulouse, Nantes, Rennes, et Albi.

Loading Tweet ...
Tweet not loading? See it directly on Twitter

Les forces de l’ordre ont attaqué plusieurs cortèges, notamment à Rennes et à Brest, et ont lancé l’assaut contre des étudiants qui manifestaient à l’université Tolbiac à Paris. Les CRS ont totalement encerclé le campus et ont arrêté plusieurs dizaines d’étudiants.

Loading Tweet ...
Tweet not loading? See it directly on Twitter

La colère des travailleurs et des jeunes monte toujours contre Macron, qui sabre dans le budget des retraites tout en dépensant des milliards d’euros pour faire la guerre à la Russie en Ukraine, alors que le CAC-40 les milliardaires français encaissent des centaines de milliards d’euros chaque année. Cette mobilisation se profile sur fond d’une vague de grèves qui traverse l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et le Portugal. Une situation objectivement révolutionnaire se profile.

Des journalistes du WSWS et militants du Parti de l’égalité socialiste (PES) sont intervenus à Paris et en province pour interviewer les manifestants.

Elvis, qui travaille à la SNCF et a manifesté à Paris, a dit au WSWS: «On travaille dans un technicentre SNCF, c'est à dire qu'on fait la maintenance des TGV. On est assez remonté contre la réforme des retraites parce que voilà, on fait des métiers très physiques, très usants, et on se voit mal travailler jusqu'à jusqu'à 64, 67, 70 ans, ça serait impossible. C’est le choix entre mourir au boulot ou avoir des pensions de misère.»

Elvis a souligné l’importance de la vague internationale de grèves et l’impact qu’elle a sur les travailleurs mobilisés en France contre Macron alors que monte une crise capitaliste mondiale.

Il a dit: «C'est partout pareil, on voit bien qu'il y a avec l'inflation, ils attaquent tout le monde. Et que ce soit des cheminots français, anglais, indiens ou ou américains, c'est la même chose partout. Il y a eu des grandes grèves en Angleterre, ça a beaucoup fait parler chez nous, franchement, c'est bien, surtout l'Angleterre. On entendait pas beaucoup de grèves là jusqu'à maintenant, et puis ce qu'on se dit qu'en fait on vit tous la même situation, il y a une attaque des patrons, des capitalistes et on la subit tous. Qu'on soit travailleurs de n'importe quel pays, c'est la même chose.»

Il a aussi souligné son opposition à la guerre, et à la tentative de Macron de financer l’escalade militaire en attaquant les droits sociaux des travailleurs: «Cette histoire de retraite, c'est pour aller gratter sur les budgets, pour ensuite aller enrichir les grands patrons, les Dassault, les voilà les grands patrons, les vendeurs d'armes et tout ça. Et en plus aller préparer la guerre.»

Elvis a dit sa méfiance du «dialogue social» qu’organisent les bureaucrates syndicaux avec les organisations patronales et l’État. Il a expliqué: «Le dialogue social, c'est de la sémantique. Il n'y a pas de dialogue possible avec avec le gouvernement ou les patrons en tout inclus. C'est du cinéma, quoi.»

Elvis a dit qu’il était partisan de la formation de comités de la base sur les lieux de travail pour mener la lutte, mais que former de pareilles organisations nécessiterait un effort considérable sur les lieux de travail eux-mêmes. Il a dit: «Sur notre site de travail, c'est surtout discuter avec les collègues, les convaincre qu'il faut rentrer dans la bagarre et tout ça. Après, quand ils seront dans la bagarre, je pense que la discussion va avoir en effet, des comités de grève où les grévistes qui décident de l'heure de leurs luttes et leur monnaie.»

Lionel, délégué CFDT dans le secteur autoroutier, a dénoncé auprès du WSWS une réforme qui signifierait «un départ encore plus tard à la retraite pour des personnes qui ont de la pénibilité, des astreintes, du travail en trois-huit, voilà. Il y a des métiers qui sont durs. Quand ils arrivent à la retraite, il y en a qui sont cassés par des gestes répétitifs au niveau des épaules, au niveau des genoux, qui sont usés. Partir deux ans plus tard, ils profiteront beaucoup moins de leur retraite.»

A propos de la guerre OTAN-Russie en Ukraine, Lionel a ajouté qu’une escalade n’est «dans l’intérêt de personne, que ce soit en France ou à l’étranger. L’intérêt de toute personne raisonnable ce serait de tout faire pour éviter d’en arriver là. C’est une évidence, c’est dans l’intérêt de personne que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Russie. C’est une chose qu’il faut éviter à tous prix. … On se sent solidaires des travailleurs ukrainiens surtout, et russes aussi.»

Le WSWS a aussi interviewé trois étudiants, Lamya, Léna et Paul qui étaient venus manifester contre la réforme et par solidarité avec les travailleurs. Léna a commenté: «Cette réforme est là pour nous épuiser jusqu’à la dernière goutte, pas pour nous apporter quoi ce que soit en fait. C’est juste pour encore plus nous enfoncer qu’on ne l’était déjà. C’est toujours puiser, puiser chez ceux qui donnent déjà énormément. … Il y a déjà tellement de personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté en France».

Le WSWS a interrogé les étudiants sur le danger d’escalade et la possibilité que la guerre OTAN-Russie déborde les frontières de l’Ukraine et embrase tout le continent européen. Paul a répondu: «Pour moi, aller me battre en Russie ce serait impensable. Défendre le territoire français pourquoi pas, mais une situation où je devrais aller me battre en Russie, c’est impensable.»

Lamya a dit: «En tant que personne issue de l’immigration, on me rejette beaucoup et je le sens quand j’essaie de trouver du travail ou autre. Pour toutes ces raisons … je n’irais pas me battre pour la France à l’étranger. Avant de nous demander d’aller nous battre, il faudrait nous écouter sur les choses sur lesquelles on a le plus besoin. Si on nous demande d’aller nous battre pour un pays qui ne nous écoute pas, je trouve ça controversé.»

Léna a dit: «Ce n’est pas notre guerre, ce sont des choses politiques entre hommes politiques et finalement, j’ai l’impression que c’est de leur intérêt à leur échelle et pas l’intérêt des pays. … Après, je n’irai pas me battre en Russie mais défendre mon pays pourquoi pas, mais que ce soit aussi pour les bonnes raisons.»

Les étudiants ont voulu souligner leur méfiance vis-à-vis la propagande officielle qui prétend que l’État français est mobilisé pour aider l’Ukraine. Léna a dit: «C’est bizarre, on se mobilise tous. Le président ukrainien a reçu la Légion d’honneur, c’était tout un truc, alors qu’il y a des guerres partout, c’est des décennies que la France est dans des pays africains.»

Lamya a dit: «Quand il y a eu des migrants syriens, il y a eu énormément d’acharnement médiatique, on publiait des photos d’amas de personnes en nous faisant croire qu’ils étaient des millions … Mais quand c’est pour les Ukrainiens, on ne montre pas qu’ils sont beaucoup, on veut juste les aider. On a parlé de rendre les transports en commun gratuit pour les Ukrainiens, mais alors pour les Syriens et les Palestiniens et j’en passe? Il y a une vraie question de racisme.»

Elle a pointé l’hypocrisie des dirigeants français qui disent aider les Ukrainiens, mais qui ne font rien pour aider les réfugiés qui fuient les guerres de la France et de l’OTAN en Syrie ou ailleurs.

Elle a dit: «Ils se fixent beaucoup sur le fait que les Ukrainiens sont européens et que ça nous concerne plus. Mais là on parle de crimes contre l’humanité, on devrait tous se sentir concernés» quel que soit le pays touché. «Je trouve ça trop aberrant qu’on refuse de les aider au prétexte qu’ils n’auraient pas assez d’argent ou qu’ils ne soient pas européens. C’est juste un prétexte et le problème est beaucoup plus profond que ça.»

Loading