Une théorie de la conspiration discréditée sur les origines du COVID-19

La calomnie de la fuite du laboratoire de Wuhan est ressuscitée pour soutenir la campagne de guerre des États-Unis contre la Chine

Dimanche, le Wall Street Journal (WSJ) a rapporté que le ministère américain de l’Énergie (DOE) avait modifié sa position sur la façon dont la pandémie de COVID-19 a émergé, passant d’une position indécise à une conclusion selon laquelle le SRAS-CoV-2 «a très probablement été provoqué par une fuite dans un laboratoire».

Cependant, pas la moindre nouvelle preuve n’a été apportée à l’appui de cette théorie conspirationniste de droite discréditée. Le Journal ne peut que constater que la conclusion du Département de l’énergie, qui coïncide maintenant avec celle du Federal Bureau of Investigation, «est le résultat de nouveaux renseignements et est significative parce que l’agence possède une expertise scientifique considérable et supervise un réseau de laboratoires nationaux américains, dont certains mènent des recherches biologiques avancées».

L’essence de cette déclaration est que le «renseignement» doit être crédible parce que le DOE dit qu’il l’est.

On doit se demander pourquoi le Journal, avec toutes ses ressources et son influence, n’exige pas du gouvernement fédéral qu’il rende ces preuves publiques. L’une des raisons, bien sûr, est l’alignement éditorial du journal, qui fait partie de l’empire médiatique du milliardaire Rupert Murdoch, sur le Parti républicain. La Chambre des représentants, désormais sous contrôle républicain, a créé un nouveau comité restreint chargé d’enquêter (c’est-à-dire de ressusciter la théorie de Wuhan d’entre les morts) sur l’allégation selon laquelle la Chine aurait délibérément créé le virus responsable du COVID-19.

La présidente de la Conférence républicaine de la Chambre des représentants, Elise Stefanik, Republicaine, NewYork, et le chef de la minorité de la Chambre des représentants, Steve Scalise, Republicain, Louisiane, à droite, font la promotion de la théorie du complot du laboratoire de Wuhan lors d'une conférence de presse, le jeudi 24 juin 2021. Tous deux étaient des partisans de premier plan de l'effort de Trump pour renverser l'élection de 2020. [AP Photo/Manuel Balce Ceneta]

Mais, il y a plus dans l’affaire que les seuls Républicains, puisque le DOE est sous la direction du gouvernement démocrate du président Joe Biden, qui est aujourd’hui le fer de lance d’une campagne qui vise à préparer la population américaine à une guerre avec la Chine. Le COVID pourrait fournir un nouveau casus belli contre Pékin, même si Biden a déclaré que la pandémie était terminée et qu’il avait cessé d’y penser.

La déclaration mensongère de Biden ne change rien au fait que la pandémie a été une catastrophe sans précédent pour des centaines de millions de personnes aux États-Unis et des milliards dans le monde, et qu’elle a laissé une cicatrice indélébile sur la société mondiale et la conscience de masse.

Rien qu’en Amérique, 1,12 million de personnes sont mortes d’une pandémie évitable et plus de 16 à 20 millions de personnes continuent de souffrir de COVID longue durée à la suite de leurs infections. Et même si des centaines de personnes continuent de mourir d’infections au SRAS-CoV-2, le gouvernement tout entier a éteint les lumières sur l’essentiel des mesures qui donnaient à la population un aperçu de l’état de la pandémie.

Et bientôt, avec la fin des mesures d’urgence contre la pandémie, des millions de personnes perdront leur assurance maladie Medicaid parrainée par le gouvernement. Cela poussera de nombreux systèmes de santé, qui se trouvent déjà dans le rouge, à la faillite pure et simple.

Le Centre pour la qualité des soins de santé et la réforme des paiements (Center for Healthcare Quality and Payment Reform) prévoit que plus de 200 hôpitaux ruraux américains pourraient devoir fermer leurs portes au cours des deux prochaines années, ce qui laissera des millions de personnes sans accès à des soins immédiats et aggravera la crise de prestation des soins de santé dans les systèmes restants, qui enregistrent un nombre record de visites aux urgences, ce qui compromet leur capacité à trier les patients en toute sécurité.

Le Journal concède volontiers que les «responsables américains» refusent de «donner des détails sur les nouveaux renseignements et analyses qui ont conduit le département de l’énergie à changer de position». Le quotidien a seulement appris que «si le département de l’énergie et le FBI affirment tous deux qu’une fuite involontaire du laboratoire est la plus probable, ils sont arrivés à ces conclusions pour des raisons différentes.» Le mystère est résolu de deux manières différentes, et aucun détail ne se trouve fourni sur les deux solutions. Affaire classée!

La seule phrase offerte pour prouver le contraire est que selon des sources anonymes qui avaient réellement lu le rapport, le «jugement» du DOE, avait un niveau «faible de fiabilité». Si l’on se rappelle que l’accusation mensongère de Colin Powell sur les «armes de destruction massive» irakiennes en 2003 avait été faite sur la base d’évaluations du renseignement de «fiabilité élevée», cela pourrait signifier que l’on se réfère ici à rien de plus que quelque chose entendu dans un bar, ou sur le podcast du fasciste Stephen Bannon, l’un des initiateurs de cette campagne de diffamation.

Le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, qui s’exprimait hier dans le cadre de l’émission «État de l’Union» (State of the Union) de CNN, l’a reconnu. Il a déclaré: «Si nous obtenons des informations supplémentaires, nous les partagerons avec le Congrès et avec le peuple américain. Mais, pour l’instant, la communauté du renseignement n’a pas donné de réponse définitive à cette question».

L’exclusivité de ce week-end et les reportages de dernière minute ne contiennent aucune discussion sur la montagne de preuves qui a émergé de l’examen minutieux des informations disponibles qui ont conduit les chercheurs et les scientifiques les plus éminents dans le domaine à conclure que le coronavirus est apparu comme un débordement zoonotique sur le marché des animaux humides à Wuhan en novembre 2019.

Le World Socialist Web Site a beaucoup écrit sur ces études et a interviewé nombre de leurs auteurs. Ces conclusions et de nombreuses autres analyses des questions soulevées par la pandémie de COVID sont rassemblées dans COVID, Capitalism, and Class War, Volume 1 ainsi que dans des commentaires plus récents, notamment dans cette série d’articles.

Le moment choisi par le Journal pour publier cette «exclusivité» fait froid dans le dos, car elle s’inscrit dans le cadre d’un barrage d’efforts de propagande nationale chauvine et anti-chinoise qui va du «ballon espion» aux allégations de «quasi-collisions» chinoises avec des avions à réaction américains qui survolent la mer de Chine méridionale, en passant par la rhétorique anti-chinoise habituelle sur le Xinjiang et Taïwan. L’élite dirigeante américaine utilise toutes ses ressources médiatiques pour tromper la population et permettre à ses plans de guerre contre la Chine d’aller de l’avant.

L’exemple en est l’émission «Rencontre avec la presse» (Meet the Press) de dimanche, l’animateur Chuck Todd, s’adressait au sénateur républicain Dan Sullivan et lui a demandé: «Si nous finissons par déterminer, si notre communauté du renseignement détermine au fil du temps, que c’est l’opinion majoritaire, et que c’est l’opinion du gouvernement américain que c’était une fuite de laboratoire en Chine, et que le gouvernement l’a dissimulé, quelles devraient être les conséquences?»

Sullivan répond: «Pensez à ce qui vient de se passer au cours des trois dernières années: l’une des plus grandes pandémies du siècle. Il y a beaucoup de preuves que cela vient des Chinois, et quand d’autres pays soulèvent même la question, comme l’Australie, les Chinois utilisent leurs activités économiques coercitives pour faire taire les gens».

Il a ensuite ajouté: «Je pense donc que nous devons organiser des auditions approfondies. J’espère que nos collègues démocrates au Congrès peuvent soutenir cela. Je sais que les républicains de la Chambre y sont certainement favorables. Mais je pense que si cela se produit, nous devons nous assurer que tous les pays du monde le savent. Écoutez, c’est un pays [la Chine] qui n’a aucun problème à sortir et à mentir au monde. Nous venons de le voir avec ce ballon espion chinois. C’est dans la nature des dictatures communistes de mentir à leur propre peuple, de mentir au monde… Évidemment, des millions de morts, des impacts économiques énormes, et cela montreraient une fois de plus que le parti communiste chinois n’est pas seulement une menace, mais que la nature de ces régimes est de mentir au monde. Et nous devons le faire comprendre aux gens». Todd a donné son accord sans réserve à cette perspective xénophobe maligne.

De tels mensonges ont accompagné toutes les guerres américaines des 30 dernières années et plus. Les pays visés par la violence militaire américaine sont peints en couleurs démoniaques et accusés de tous les crimes possibles, en particulier ceux, comme la propagation rampante de la pandémie de coronavirus, dont la classe dirigeante capitaliste est directement responsable.

(Article paru d’abord en anglais le 27 février 2023)

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